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dimanche 22 septembre 2019

page 149


Merci à vous qui participez encore malgré mes escapades et mes absences, 
mes retards et mes lenteurs. Merci.


Georgia O'Keeffe, From a Day with Juan III, vers 1976-1977, huile sur toile, 121 x 91 cm, Georgia O'Keeffe Museum, Santa Fe © Georgia O’Keeffe Museum © ADAGP, Paris, 2019



Il y a...
Dans une galerie, il y a
Une peinture extraordinaire, extraterrestre
Par on ne sait quel pinceau envahisseur
Elle happe la femme, l'homme
Georgia et John
Qui la dévisagent, lui perplexe,
Toile sans visage, juste une route
Nue, blanchâtre,
  La vie après la mort... ?
Des baguettes chinoises, un compas
Des gambettes de music-hall 
Dit John, blagueur
Un bec d'oiseau
Grand ouvert au-dessus du nid
 Prêt à régurgiter en bon nourricier
Répond Georgia, sérieuse...
Georgia en est captive,
John a envie d'un café, avec un nuage de lait

 Ce que tu es terre-à-terre John !
 Toi Georgia toujours à toucher le ciel hein...








Comme d'habitude, il n'avait aucune idée de ce qui adviendrait de son texte. S'il convenait, il paraîtrait signé du nom de son boss, caviardé des nuances et de la complexité de l'analyse. Sinon il n'en resterait qu'une caricature sans base ni sommet pour remplir l'espace d'une pub non attribué avec ses initiales. Souvent le fichier atterrissait dans la corbeille.

Il longeait la Seine.
Vers l'Ouest doucement
le soleil déclinait.

L’œuvre ne l'avait pas inspirée, son histoire en revanche l'avait interpellé. Comme une répétition sans fin. Symptôme de la ré-émergence des pratiques d'asservissement dont les trente glorieuses avaient fait croire à la disparition.

Sur l'autre rive
une vieille dame incarnée
derrière des palissades.

Sa petite amie, en le présentant à ses parents, l'avait dit "critique d'art". Cela avait plus d'allure que poète. Moins inquiétant, quoique. Il avait envie de gueuler à l'eau noire "plus de gueule". Ce contrat à durée indéterminée était une aubaine pour se loger et ils avaient besoin de leur caution.

Un beau soir d'avril
les âmes des anonymes
pleuraient leur chef d’œuvre.

Demain sans doute les enchères grimperaient dans d'autres tours. Quelqu'un achèterait un nom. L'objet passerait d'un coffre à un autre. Il pensa à cette citation de Raymond Poincaré lu sur un des blogs où il aimait se détendre et se ressourcer : «  Une œuvre d’art n’est jamais immorale. L’obscénité commence où l’art finit ».

L'arrogance des marchés
la quête vaine du barbouilleur
étaient dérisoires.

Vers les tours de la Défense
Le Soleil griffait les toits.



illustration sonore
Jean Ferrat La montagne







Un tableau
Dégradé de bleu
Et deux triangles tronqués
L'un gris plus clair
A force de fixer la pyramide
Une magie opère 
Peu à peu un visage apparait
Dans les vibrations grises
Alors...
Qui a peint ce tableau ?
L'artiste qui a voulu ces formes géométriques
Qui a imposé les couleurs
Où la main inconsciente du tâcheron !
Ce visage aux lèvres serrées
Dont le regard fascine
Est-il une évocation fantomatique de l'auteur
Qui m’apportera la réponse...









Peintresse bionique
   petite fable

Pour ramasser les noix de coco et en faire de l’huile, on met des singes en servitude. L’ingéniosité humaine n’a pas de limite.

Allez les petits
grimpez, vite, vite, vite
la noix n’attend pas

la journée vous paraît longue,
et la nuit, dans vos prisons

Il paraît qu’au pays des arts, quelque part sur une planète où l’Ego frôle le sublime, il en fut une qui utilisa les bras, les jambes, et un peu sa tête, quand même, à un pauvre gars qui passait par là, pour lui faire réaliser son grand œuvre.

« Grimpe à l’échelle
j’ai de l’art à te passer
écoute et obéit

tu n’es jamais qu’une excroissance
pour moi la gloire, pour toi l’oubli »

« Pourquoi pas » se dit l’homme de main, « les brosses me changeront de mes outils ». Et voilà qu’il se prend au jeu.  Il « peindouille » du haut de son perchoir, sous la dictée de la Sérénissime artiste. Quel bel instrument c’était là ! Cet homme, qui n’en était plus vraiment un, était devenu l’extension, palpitante de génie, d’une "peintresse" bionique.

L’art, je vous le dit
est souvent d’avant-garde
et parfois sans scrupule.

Adamante Donsimoni




Pour toi Marine, pour me faire pardonner



Un oubli, j'avais répondu au courriel et oublié le poème.



Un rai de lumière
divine ou quotidienne
fuse vers les nues
l'artiste dirige l'artisan
mais invente son art


Coûte que coûte
Georgia O'kieffe
peint par procuration





vendredi 6 septembre 2019

La page 148 "Hospitalier"


Henri Haram Hairabédian

HOSPITALIER -Trésor de garrigue

© -6/1001



    
Gravé sur la pierre
pour aimanter nos regards
lecture symbolique

Le livre de la vie a déposé dans nos escarcelles des balises de lecture. D’un bon samaritain à une piéta, tant de possibles. Lire simplement la tendresse d’un élan de compassion et s’émouvoir de l’empreinte sur la pierre résonnant en nous comme un écho.

Sa mère penchée
vers ses bras qui se tendent
Songe d’Athalie

Peur plus que tendresse, d’autres temps, d’autres lieux, d’autres repères. Entre rêve et cauchemar, le souvenir d’un songe, trop souvent récité, le soir à la veillée. L’adulte porte encore en sa mémoire, le regard effaré d’un enfant.

Ombre des nuits sans lune
penché sur le sommeil des justes
fantôme insomniaque

Réveil d’une nuit sans rêve, sous le regard attentif d’une silhouette inconnue, fausse solitude. Une présence drapée des mystères nocturnes.

La pierre est muette
et l’imaginaire bavard
seul le sculpteur sait

Son œuvre terminée, offerte aux regards, permet mille et une divagations. Les miennes ne seront pas les vôtres. Les siennes furent sûrement tout autre, inscrites sur la pierre pour sa postérité…

©ABC






La mort d'un fils
On le lui a pris un vendredi
Cloué sur la croix
On lui a rendu ce fils
Mort,
Troué dans la poitrine
Les pieds et les mains,
Les bourreaux ont un coeur de pierre.

Sur son sein de bure brune
Elle berce sa dépouille à la tête tombante
 L'encercle de ses bras protecteurs
Ne se résigne au tombeau, encore...

Elle le dévisage
Son visage grave de douleur,
Elle le porte fermement
Avec la force d'une mère blessée.

Elle ne se résigne au tombeau, encore
Elle veille
Espère un retour à la vie,
Il a du sang d'un dieu dans les veines
Un dieu tous pouvoirs.

Elle le dévisage, encore...
Un groupe de femmes la raisonne
Il faut préparer le corps, le laver de ses supplices,
S'en suivra sa mise au tombeau.

On le lui a pris un vendredi
Cloué sur la croix
On lui a rendu ce fils
Mort,
Cruelle sentence ainsi soit-il
D'un Ponce Pilate...









 



PIERRES

Les pierres les plus dures
S'inscrivent dans le temps
Des hommes et des femmes
Qui trébuchent
Elle sonnent dans l'aire glacé
De l'immensité de la montagne
Si le cri est intense
Qui peut l'entendre
Il se répercute de pics en précipices
La souffrance et l'amour
Ne peuvent se contenter de mots
Ils sont dans la mémoire des nuits.







                              
              


L’œil exercé a repéré les deux silhouettes sur la pierre du chemin. Était-ce l'ombre de la descente de la croix de Rubens ? Une de ces innombrables mises au tombeau du christ ou l'écho de la pieta de Michel-Ange ? Ou plutôt, qui sait, le dénouement de Paul et Virginie ou de Tristan et Iseult, de Roméo et Juliette ? la blanche Ophélie sauvée des eaux par un archange  ou par Boudu ...

Une immense douleur
comme le cri silencieux
d'une pierre au chemin

grave des millénaires d'Histoire
lourde des répétitions

Sa main sûre a donné formé aux formes nées de son imaginaire et de l'érosion du vent sur la roche. Un trait net et sobre, juste une esquisse. Pour concentrer toute l'émotion du monde. Certains poètes qui fréquentent autant les pierres que les hommes sinon plus leur accordent une mémoire que l'on ne sait pas écouter ou lire.

Chagrin et piété
dans une infinie douceur
de résignation

Dépouille de nos arrogances
bercée d'une fée d'illusion

Sur mon piano une autre pierre, offerte par une belle âme à l’œil affûté, lance son regard noir sans même le besoin d'un surligneur. Il m'avait fallu du temps avant de voir la sculpture naturelle dans la roche. J'y avais découvert alors le sérieux et la pénétration d'une sage sérénité*. Aujourd'hui, il se fait l'écho de mon désarroi aux rumeurs planétaires.

Galet en colère
dans l'impuissance pétrifiée
d'incompréhension

et dans les plis invisibles
tant de puissance pour aimer



 propositions musicales 

Merci la vie.
et
On m'a donné une âme






Ici

Ici
le  trouble des pierres
la rugosité minérale
et toujours la main
humaine
celle qui indique
la présence
la faiblesse
sa force

Ici
l’abandon
endormissement
mort
qu’importe
l’un méconnaît l’autre
tant ils sont liés
une autre dimension
l’ultime pallier de la farandole des nuits
le grand sommeil
l’autre versant de la montagne
le froid
l’immobilité

Ici
l’inquiétude est enveloppement
l’amour se dessine dans les anfractuosités de la roche
face au souffle perdu
l’impuissance ou la certitude d’un nouvel éveil
l’un se penche sur le retirement de l’autre
chacun est seul
pourtant inséparables
le temps
ici
n’est qu’une parenthèse

Ici
le silence dit les révolutions intérieures
elles sourdent comme sources
ultime caresse rendue à la vie
témoignage d’un instant volé au néant
juste avant le grand effacement
un cœur bat l’autre s’oubli
les pierres ne connaissent pas les larmes
elles se rident.
        
Adamante Donsimoni


Proposition musicale, ou plutôt texte, merveilleusement interprété :
Leonard Cohen "Sound of silence"





Paréidolie


...les merveilleux nuages...

Aussi loin dans mes souvenirs j'aime regarder les nuages aux formes changeantes

Plus tard en forêt j'ai découvert des arbres et des souches à l'aspect totémique 

Une fascination 

Un jour la révélation est venue avec "l'écriture" des pierres 

Des yeux levés vers le ciel au regard porté sur la terre tout semble protéiforme 

Et à notre œil profane  l'artiste révéla une piéta née de la pierre




vendredi 14 juin 2019

la page 145 Cyprès

Image Jeanne Fadosi



La verrue bleue

« De la verrue bleue
dans la cuisine de sorcière
Secret d'élixir »
Potion contre les maux
Maux de l'hiver,
On ne réveille pas le pharmacien
Dans une nuit de quintes
Il va au bois
Le bourg à l'ancienne 
En sabot frapper à la porte
De chez Esméralda...
« De la verrue bleue
et autre bouton à fièvre 
Sirop de sorcière »
Un toc toc toc
Sous la lune en blanc manteau
Contre un flacon guérisseur
Recette ancestrale
De sorcière de mère en fille
  Au vieux livre des baumes...
   « De la verrue bleue
    fruit du perlim'pin'pin
 Poudre ver'tueuse »

jill bill  (pas de lien)






Le nain devenu géant

Le grand jour est décidé. Ses yeux tristes lancent au cyprès mille lueurs comme autant de signaux. Si sa décision est ferme et définitive, elle n'en est pas moins un crève-cœur. Pourquoi n'a-t-il pas poussé le long d'une route de Provence ou en bordure d'un champ du plateau ?

D'où viennent ses ancêtres ?
Ont-ils servi de modèle
d'une nuit étoilée ?

Il avait vu la première lumière du jour dans une sorte de nurserie pour végétaux. Une main exercée à l'art du bonsaï l'avait taillé en gestes précis. Main de professionnel nourri davantage au suivi flatteur des tableaux et des courbes de rentabilité. Si du moins cette main mutilant sans pitié avait été guidé par quelque beauté !

Esthète de son art
se projetant dans son œuvre
en flattant son chien !

Jamais il n'ombrerait la tombe d'un cimetière. On l'avait replanté dans un jardinet, coincé entre un ancien muret de pierres sèches grossièrement jointoyé de mauvais ciment, le privant du soleil du matin et un pavillon le plongeant dans l'ombre de novembre au printemps. Entre le sapin de Noël et le vieux pommiers généreux des deux jardins voisins.

Ils avaient pris langue,
en réseaux fins d'entresol,
clôtures abolies.

Le vieux pommier à moitié mort avait fait place à un jeune pêcher malingre. L'arbre de Noël, griffant le toit sous les tempêtes, avait fini par être sacrifié. Le cyprès ébloui par le ciel en avait oublié son destin de bonsaï. Le nain voulait devenir géant, pour papoter avec les nuages.

D'une année à l'autre
toujours plus haut se hissait
l'ami des oiseaux.

Le grand jour est pour demain. Les esprits des arbres animent les fruits généreux, offerts en pâture aux colonies de volatiles. Tant bien que mal, le territoire s'organise au fil de la journée. Mais depuis le printemps les pies viennent y faire leur loi, depuis les branches hautes.

La lumière du soir
adoucit leur déchirure
dans les yeux mutins.



Illustration musicale
Maxime Le Forestier, Comme un arbre dans la ville







Poings gantés de bleu
petits boxeurs cyprès
tisseurs de dentelle

Même pas peur, chantait la cigale
De quoi aurais-tu peur ? Répondait le cyprès. Mes poings sont de velours, innocents, jamais ils ne frappent. Au creux de mes mains se tricote ma grandeur. Demain mon chapeau saluera les étoiles.

S’ouvrir au soleil
en camaïeu de verdure
toujours plus haut

Échelle vers le ciel, le cyprès, en bordure des tombes, élève le chant de la cigale, porteur de la complainte des hommes. Elle chante tout le jour, écoute toute la nuit. Les secrets dont elle se fait écho, unissent terre et firmament.

Silence au cimetière
respect des morts et des vivants
les cyprès veillent








Elle est allée si loin
Pour se mettre si près
et prendre une photo
pour nous dire combien
l'ombre et la lumière sont inséparables
Elle connaît leur mélodie 
trois fruits ronds
trois notes
fa do si 
Elle sait la musique
celle des mots
celle des photos
celle de la vie
Pour elle je monterai cueillir la lune
à la cime du cyprès.


















Petit peuple


Derrière la grange s'étale un grand cyprès de l'Atlas, il abrite un petit peuple de lutins bleus et ronds, qui nagent dans la verdure comme des bouchons sur l'eau
Ils s'agitent au moindre souffle, au moindre battement d'ailes, et quand croassent les corneilles ils se rassemblent face à cet oiseau de noir vêtu...



Un nid de tourterelles
dans un creux des branches
accueille un tourtereau


Le petit peuple au grand cœur , brusquement s'est rassemblé, les corneilles voulaient attaquer le nid, mais il se sont alors agités si fort que les oiseaux lugubres se sont envolés


Et voili-voilà
C'est l'histoire bien simple
que la nature m'a conté
  










Un jour, j’aurai des ailes


Les angelots du cyprès observent la prairie. Le feu allume les pistils sous les grésillements des élytres.

L’été s’installe
avec profusion de pluies
- bottes en caoutchouc

Les gens passent sans rien voir, qui regarde encore les arbres ? Ils sont bien trop occupés à courir, est-ce si important ce qu’ils ont à faire ?

Sous les œillères
le regard se tient fixe
la solitude

Une petite fille s’arrête, luxe de l’enfance que de rêver. Elle observe le cyprès et, touchant du doigts quelques épines, lui dit :

Tu sais Cyprès, moi
un jour j’aurai des ailes
comme tes anges

je m’envolerai vers toi
j’espère que tu m’attendras.