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jeudi 21 février 2019

P 137 les ânes bâtés



œuvre de Subleyras 

Musée du Louvre, Paris Jean-Honoré Fragonard, Illustrations des Contes de Jean de La Fontaine, Le Bât, vers 1765, pierre noire, plume et encre et lavis brun, 36 x 27 cm, Petit Palais, Paris, photo : © RMN-Grand Palais / Agence Bulloz



Sujet difficile sans doute, il y a tant derrière les images. 



Tout d’abord un mot de Jeanne   
« Je te mentirai à moitié si je te dis que je n'ai pas le temps. C'est vrai mais le sujet ne m'inspire aucun mot. Je sais que j'apprécierai les participations des brins.
Ce sujet m'a donné l'occasion de découvrir cet article que tu connais peut-être et qui donne des explications intéressantes. »








Le faussaire

La suspicion fait faire de ces choses
Quand femme trop belle
Laisse planer un doute
Et qu'avec un autre membre viril
Il n'est question de la partager...
En partance pour ses affaires
Pierre, époux jaloux, portraitiste,
S'en va peindre avant
Sur le bas-ventre de Marie-Madeleine
  Un grison, ordinaire, qui aux frottements s'en irait...
 Un confrère de l'époux, ami du couple,
Dès que dos tourné
S'en donna précipit'amant à corps joie
Aux basses affaires
Avec l'infidèle, marquée d'un âne, au pubis...
Ce qui devait arriver, arriva,
Le grison, par leur sueur mêlée,
   Disparut bel et bien, bien et bel
Mais qu'importe, le rival, artiste peintre, lui aussi,
En remit un à l'identique, le crut-il... !
A son retour au foyer
L'épouse, soulevant jupons, baissant culotte,
 Montra fièrement l'endroit à l'époux
En signe de sa soit-disant droiture
Envers lui, lui, ni nigaud, ni naïf... !
Ah mais l'âne est bâté, s'indigna le cocu...
Je ne l'avais point équipé de bât
Vous m'avez trompé, Marie-Madeleine,
Je reconnais-là la patte de Jacques-Antoine
Et sa cervelle d'oiseau... !
Moralité :
« Précipitation nuit à la mémoire
  Et démasque le faussaire pressé de jouir ! »








Les jeux de l'Amour et les jeux de la Vie


Le mari :

J'entendais rugir en moi les lions du désir,
Désirs tout courts un jour. Ils sont devenus - un jour!-  désirs d'elle,
Désir d'amour, bien sûr, mais désir d'emprise et de pouvoir, aussi.
Emprise sur la beauté, et sur le corps aimé,
Emprise de l'homme aveuglé,  sur sa jeune épousée
« Emprise de l'un sur l'autre -oh fol !- qu'il imagine posséder,
Qu'il croit même détenir comme on détient un trophée,
« Alors que  la vie, je le vois bien, ma Mie,
Flux éternel, déborde bien tout vouloir, et par tous les côtés. »

La pulsion me demandait au début de prendre,
Puis un autre de tenir et exigea de garder
Elle était devenue habitude et puis ferme volonté
Elle exigeait plus de posséder
Que d 'aimer encore et de servir.
Exigence, oh oui ! exigence de propriété
« Captation exclusive et possession permanente ».

L'âne, que je suis, dessina un âne au pubis de sa moitié.
Et pensa  ainsi la savoir garantie dans sa fidélité.

La Femme :

Il arrive mon amant.
Dans l'escalier :
Montant quatre à quatre les marches vernissées,  je l'entends...
Mon cœur chavire,
Mon corps aspire et mon Âme exulte.

Je l'ai aimé mon mari, pourtant,
Je vous le jure, monsieur de Président...
Mais mon cœur a fané,
Je vous le dis :
« On ne met ni son aimée, ni sa vie sous la cloche. 
On l'aère, on la fait respirer »

Pouvoir de la femme, pouvoir de la vie,
Pouvoir du désir, pouvoir de l'amour.

« Je rue sous le poids des vouloirs,
Je cours où pousse l'herbe verte de ma liberté. »

Je n'appartiens qu'à moi-même,
J'aspire aux chemins de mon cœur,
J'aspire, toute simple, à ma propre vérité .

Il l'aura eu, son âne peint, comme il l'attendait.
Oh ! âne qui devait garantir ma séquestre !
Mais il aura ainsi perdu mon âme,
Qui elle ne se nourrit d'aucun  foin :

« La vie, je le dis, est plus puissante que l'imbécile qui l'enferme,
La Vie est plus fantasque que l'absent, qui voulant la contenir,
Ne réussit jamais qu'à la faire se flétrir.

L'Amant :

« Nous avons joui ma belle de nos pauvres heures comptées,
Nous avons joui, ma tendre, de nous être aimés.

Mais hélas, il revient déjà, le mesquin voyageur,
Au port, on l'annonce arrivé, l'autre, misérable barbouilleur!
Il revient, lui qui croit te tenir avec pleine assurance
Et qui ne sent rien encore du vide entre ses mains.

Il a mis ta vertu entre les pattes d'un âne.
Je lui offre, moi, au bougre un joli pied de nez.
Son pouvoir, je t'assure, j'en ferai une charge mieux partagée...

Il goûtera le poids du réel, ma Mie,
Et fort lourde lui sera, je t'assure, cette vérité.
Il voulait retrouver son âne, je m'applique, je le jure !
Je te fais au sexe un plus bel âne encore,
Mieux même, je te le fais bâté.
Il se reconnaîtra, j'espère ! très bien représenté.

Le Président :

Le monde, misère ! depuis les origines se chamaille,
Et parce qu'il batifole, il prospère,
Oui, la vie prend mille chemins pour dire, sans cesse, son mystère.

Et quoi ? L'on me voudrait juge ?
Mais juge de qui et surtout juge de quoi ?

Si les Dieux, eux-mêmes, n'ont rien pu y faire.
Qu'y ferais-je donc moi ?

Le mari est cocu ? La belle affaire.
La femme est, aujourd'hui, libre,
Ou comme elle n'a jamais encore été.

Ira-t-elle vers l'Amant, ira-t-elle vers le Mari ?
Elle ira, j'espère, vers où le cœur lui en dit.

Et d'ailleurs, si elle s'en trouve l'envie, ma foi ! à cette belle épanouie,
Je ne suis pas bégueule, je saurai faire l'âne comme il faut
Je lui ouvrirai mon cœur et pareillement mon lit.










L'artiste a peint un âne
sur les parties intimes
de sa belle

mari trompé, pas si bête
il a trouvé le bât qui blesse !










Avertissement : sans doute un vieux compte à régler avec les Beaux Arts !


« Navrance » et vanité

Un âne sans bonnet, il est sur la tête du peintre. Vanité de la possession masculine dans un milieu où, sur les murs des beaux-arts, je me souviens, fleurissaient des formules poilues :
« zob + zob = zob ».
« Navrance » d’un milieu dopé à la testostérone pour qui la femme est à immortaliser nue sur une toile et à baiser le soir entre  chansons paillardes et vinasse. Qu’importe l’incongruité du lieu où on la représente, on peut la voir en tenue d’Ève incarnant la tentation, assise sur une pelouse entourée d’hommes portant costume et haut de forme.
Vanité !
Le monde de ces hommes a réduit la femme à se soumettre, celle qui tente de s’en libérer devient une Camille sublime happée par la folie.

Entre sublime et déchirure, la stupidité des codes. En photographie par exemple, le vintage vaut de l’or, la découverte post-mortem d’une œuvre ne vaut que pour le regard.
Vanité !

Que voit cette femme en observant ce mari ridicule brossant un âne sur son pubis ?
Penchée vers lui elle semble étonnée. Apparaissant telle une observatrice extérieure, son expression pourrait laisser à penser qu’elle est en passe d’éclater de rire.
« Pauvre fou ! »  la pensée traverse la toile.

Et comment le voit-elle cet amant, bâtant l’âne pour le réduire à une monture ?
Le tableau ne le dit pas. Soyons libres d’imaginer. Mais est-ce bien nécessaire ?
           
Dans la vie et dans l’art, de Shéhérazade à ces ânes, le piège de l’espèce se referme sur l’errance bipède où, malgré l’évolution, quelque part encore, une formule lézarde les murs :
« zob+zob = zob »


samedi 16 février 2019

Pour la page 137... un âne bâté



Pas de fausse pudeur pour cette page, où l'on découvre qu'un âne veut remplacer la ceinture de chasteté, mais...  un tableau surprenant.
Qu'y voyons-nous ? Un homme, peint sur une surface inattendue…  
Il ne s’agit pas d’une toile ordinaire, mais du pubis d’une femme ! Qu’est-ce qui a bien pu inciter Pierre Subleyras, artiste davantage connu pour ses grandes compositions religieuses et ses portraits d’aristocrates, à représenter une telle scène ?
Tout simplement, le peintre puise son inspiration dans l’œuvre du célèbre Jean de La Fontaine, auteur des Fables bien connues, mais aussi auteur de Contes plus canailles !
Ce conte relate l'histoire d'un peintre qui, soupçonnant sa femme de le tromper, lui peint un âne sur le pubis. Mais, ce qu'il ignorait, l'amant de la Dame était lui aussi artiste.
L'amant retrouve la belle, ils effacent le pauvre animal au cours de leurs ébats. Aucune importance, avant de repartir il s'empresse de repeindre l'âne à la place choisie par le mari trompé.
Vaine précaution, ils furent démasqués.
"Faute de mémoire" déclare La Fontaine, l'amant avait peint un bât sur le dos de l'animal qui ne figurait pas sur l'original. 



Donc voici deux images pour vous inspirer librement sur le sujet.
La première de Subleyras, la seconde de Fragonard.

Belle semaine à vous, et soyez sages !

Pierre Subleyras, Portrait présumé de Jacques-Antoine de Lironcourt, vers 1747, huile sur toile, 74 x 61 cm,


Musée du Louvre, Paris Jean-Honoré Fragonard, Illustrations des Contes de Jean de La Fontaine, Le Bât, vers 1765, pierre noire, plume et encre et lavis brun, 36 x 27 cm, Petit Palais, Paris, photo : © RMN-Grand Palais / Agence Bulloz



Pierre Subleyras, Portrait présumé de Jacques-Antoine de Lironcourt, vers 1747, huile sur toile, 74 x 61 cm,
Musée du Louvre, Paris