mardi 20 juin 2023

Quelques pivoines

 




Une pause qui dure, dure, dure
Je pense qu'elle s'arrêtera bientôt
Je l'espère car nos rencontres me manquent
En attendant tout plein d'excuses
J'aurais dû vous informer de cette prolongation 
Pour ne pas vous inquiéter car tout va bien
Pour vous dire que vous me manquez aussi
J'espère que vous l'aurez compris malgré mon silence.

Mais que j'ai encore besoin de cet intermède
Pour écrire, pour souffler, pour... allez donc savoir quoi ! 
Mais c'est important, très important.
Alors aujourd'hui
Ces quelques têtes de pivoines blanches pour vous dire que

Je ne vous oublie pas !

Que l'Herbier vibre de tous vos mots
Et que je vous espère toutes, tous,  en pleine forme.

À très bientôt
Adamante


dimanche 16 avril 2023

LA PAGE 226

 

Toile de ARNAUD BOUCHET



Bleu nuit :

 

Elle a tant lu les contes et légendes du moyen-âge, les aventures de cap et d’épée qu’à son adolescence, à l’heure des premiers émois, ses rêves nocturnes se coloraient de bleu :

Elle, Princesse d’exception, du château dans lequel se languissaient, sur les travaux d’aiguilles, les damoiselles de son âge, n’ayant d’yeux que pour le plus courageux, généreux et ténébreux chevalier de tous les temps, complice d’un palefrenier lui décochant des œillades qu’elle ignorait crânement, s’échappait sur un blanc destrier volé aux écuries De collines en valons, elle chevauchait, chaque soir, à la rencontre d’un prince légendaire.

 

Bleu-nuit étoilé

en ses rêveries d’enfance

l’amour est galant

 

Les années ont passé. Sur les rayons de sa bibliothèque, les contes et légendes du moyen-âge, les aventures de cap et d’épée sont toujours sagement alignés.

Célibataire endurcie, elle tricote à la veillée, son chat blotti sur les genoux. Avouerait-elle que ses songes bleu-nuit la font encore frissonner ? 

Qu’en ses escapades nocturnes elle galope inlassablement rejoindre son chevalier imaginaire ?

 

Son prince charmant

a manqué ses rendez-vous -

ses rêves toujours bleus

 

ABC

 http://jardin-des-mots.eklablog.com/




 




Sur le chemin de la reine Jeanne

 

Sur le chemin de la reine Jeanne, passent chevaux et attelages, postiers, montures de guerre ou de tournoi, blanches haquenées, charrettes d'utilités, allant des Pyrénées au Pays d'Albret pour des séjours d'agrément en temps de paix


Crinière flottante

galope jument d'amour

pour ta belle amazone


… «Sur le chemin de Culassou, la chevauchée de l'automne a laissé la trace de fulgurants passages, sous la hampe des fougères, l'éclat de nos rires demeurent flamboyants»...


Sur la Haute lande

à travers sentes et bois

vers votre fief gascon


Ce sont des routes qui existent encore, des portions en tout cas, sur les crêtes, les vallons et les vignes, qui ont enchanté nos marcheurs, vététistes et cavaliers, chaque découverte nous envoyaient «au septième ciel»!


Pays convoité

de fêtes et de batailles

le duché d'Albret



Explication :

En quelque sorte cela fait suite au haïbun précédent de la Fontaine de Fleurette car la rencontre que nous organisions à l'époque, le premier dimanche d'octobre 'La chevauchée des Vendanges », se déroulait sur le Chemin de la Reine Jeanne, qui se trouvait entre Pau et le pays d'Albret, il réunissait de nombreux amateurs de ce coin du Vic-bilh (le vieux pays).



Marine Dussarrat

https://emprises-de-brises.over-blog.com



 



 

Dame Blanche



Elle s'en allait
Combattante, combative
La Don Quichotte au féminin
Armée de son cheval Rossinante
A l'assaut de géants
De moulins à vent
De... troupeaux de moutons...

Avait-elle lu
Trop de livres chevaleresques
A en perdre raison,
Un peu, beaucoup, à la folie...

On laissa la belle
A sa guise
Chevaucher maints paysages
Nue, sans armure...

Court une légende
à travers les campagnes
Dame Blanche

jill bill


 






La cavalière


Son père a insisté pour que la jeune demoiselle les accompagne à la chasse. Non qu'elle apprécie ces traques sanguinaires. Son père non plus mais il est le peintre officiel du domaine. Une charge qui leur assure gite et subsistance. Elle a déjà un coup d'œil et de pinceau étonnant pour son âge et les suivre est une occasion inespérée pour observer les animaux "sur le vif".


On l'a apprêtée,

jupe longue, poitrine fière,

amazone moderne.


Tantôt, demain, de son fusain elle noircira ses carnets pendant que ces instants sont encore frais dans sa mémoire. Surtout pas ceux de l'hallali et de la curée. L'avouera-t-elle à son père ? Au milieu de la prairie libre, elle a laissé la chasse courir à l'exécution programmée, invitée par ces trois arbres. Elle a fixé la longe de son cheval à la plus basse branche et y a grimpé, déchirant sa robe du dimanche.


Depuis sa vigie,

elle croque un survivant

fuyant vers les bois.


Comme elle aimerait se débarrasser de sa selle pour rattraper à califourchon la meute et les chasseurs qui déjà s'éloignent avec leur trophée. Comme elle a détesté le langage aussi mondain qu'allusif sur sa taille fine et sa poitrine généreuse ! l'expérience lui laissera une sensation mêlée d'émerveillement et d'effroi. Il lui faut faire illusion jusqu'au bout


Et tenir son rang.

Majesté des animaux,

cruauté des hommes.


Au loin, ses amis les arbres

la suivent sur son chemin.


©Jeanne Fadosi, vendredi 14 avril 2023

pour la page 226 de l'Herbier de poésies


En pensant à Rosa Bonheur, au père de qui j'ai inventé cet emploi crédible.

Rosa Bonheur — Wikipédia (wikipedia.org)

Un cerf de Rosa Bonheur (1822-1899) | Galerie nationale d’Irlande (nationalgallery.ie)

 

(le texte qui accompagne cette dernière page vaut d'être lu) :

"Parce que les robes étaient restrictives, Bonheur a réussi à obtenir un permis de police pour porter des vêtements pour hommes pendant qu’elle travaillait."




 

Il est temps !


J' ai vu des forêts sombres et des collines bleues

des arbres endeuillés, des sentiers de poussière

ni herbe, ni fleurs sauvages sur des terres stériles,

pas un chant, pas un cri, pas de paroles humaines,

l'implacable silence qui mord sous le soleil.

Le temps presse aujourd'hui de trouver la lumière

de chaque possible rêve.


J'ai vu le cheval blanc et sa jeune cavalière

qui inlassablement parcourt tous les chemins

à l'appel de la terre.

Nous sommes allés trop loin à piller ses richesses

Quel avenir demain pour tous nos descendants ?

La jeune fille en blanc n'est pas une guerrière

mais une messagère des amis de notre planète.


Balaline   15/04/2023

http://mado.eklablog.net


" C 'est dans les utopies d'aujourd'hui que sont les solutions de demain ."

Pierre Rabhi



 




  Chevauchée  en camaïeu de bleu


Par une journée enchanteresse, elle chevauche allègrement les steppes avec son fougue coutumière, malgré la  chape de nuages bleu acier au-dessus de sa tête.

 

les grands horizons

invitation au voyage-

la chevauchée zen


 Son amour des chevaux et des grands espaces qui l'anime l'illumine. Il est sa raison de vivre et même la nuit, elle s'imagine en cavalcades extraordinaires.


rêverie en bleu

d'écume, mélancolie-

le blues des espaces


Deux arbustes ornés de grappes de fleurs en épis bleus violacé lui font  une douce escorte! Elle entend le hennissement de son cheval qui galope joyeusement, allant l'ambre en harmonie avec elle, elle parcourt monts et vallées.


l'espace lui appartient

une conquérante, une battante-

son coeur bat la chamade


Elle sait qu'au bout du chemin, son amoureux l'attend et cette chevauchée solitaire la galvanise. Au loin, trois merveilleux pommiers printaniers sont déjà de la fête. Ils lui insufflent une formidable énergie.


le chemin de l'amour

son être est à son écoute-

elle se joue du temps


Claudie Caratini (sans blog, message à déposer sur l’Herbier)

Le 15/04/2023







Fusion-croix

 

 

Une cavalière nue* avance, fière sur son cheval. Une aura de légende rayonne de cette armure féminine qu’est la peau veloutée d’une pêche gorgée de soleil.

Bondissant au-delà des obstacles, l’écuyère et sa monture franchissent les impossibles dont le chemin des femmes est pavé.  

La Dame n’est pas en quête de liberté, elle en est le symbole.

Je la regarde. Je contemple ce feu nourrit du désespoir et de l’espoir mêlés, annulés dans cette fusion réduisant toute rive. 

Il n’est qu’un seul lieu où puisse fleurir la liberté, au juste milieu de tout antagonismes, au centre même de ce point de jonction où se lèvent et rayonnent, libres, les souffles de la vie.


tout au fond de soi

quand la peur s’en est allée

la paix est victoire


le symbole d’une croix

interpelle le quêteur.


Adamante Donsimoni  - 16 avril 2023  (©Musicstart -sacem-)

 https://le-champ-du-souffle.blogspot.com/  


* Cette cavalière d'Arnaud Bouchet, m'a fait penser à  lady Godivat, belle épouse de Léofric (968-1057), comte de Mercie et seigneur de Coventry qui devînt une légende cent ans après sa mort. 

Cette héroïne a traversé, nue sur son cheval, la ville de  Coventry pour obtenir de son époux de baisser les impôts du peuple. 

 

Plus de détails sur la légende et pour admirer le tableau de John Collier (1898)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Godiva

 

Un autre tableau que je vous partage ici :

Lady GODIVA Par Jules Lefebvre — [1][2], Domaine public
https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=1659836

 


 






 


mardi 11 avril 2023

Pour la page 226

 


Toile de ARNAUD BOUCHET


Je n'en dis pas plus au sujet de cette image pour ne pas vous influencer, et laisser ainsi à votre imagination la liberté la plus totale. 

En haïbun, il va de soi. AD


Je vous invite à visiter la page 225 pour découvrir le haïbun de Martine qui n'a pu être présente lors de sa parution. Vous n'y manquerez pas et je vous en remercie. 

dimanche 9 avril 2023

La page 225

 


La petite fontaine. Photo Martine MR





La petite fontaine oubliée



Perrette, statufiée,

Rêve à tout jamais

Au pied de la petite fontaine

Vieille d'un siècle d'autrefois


Au marché elle allait vendre

Son lait

En espérait cent oeufs

Et triple couvées, donnant poulets

De quoi acheter cochon

Puis vache et son veau

A en devenir cheptel


La suite de l'histoire est connue

À trop sauter en chemin...


Perrette, statufiée

Rêve à tout jamais

Au pied de la petite fontaine

Vieille d'un siècle d'autrefois


Combien de Jean

passent encore la saluer

Cascade moussue



jill bill















 

Puiser de son eau

à l’ombre de la fontaine –

le fil de la vie

 

***


L’eau se colore

sous le poids du passé

-       teinte du temps

 

***


À la claire fontaine

sa dernière corvée d’eau

servante statufiée


un mince filet coule

clepsydre des ans


***


D’une fontaine à l’autre

la candeur des angelots -

jeu de cache-cache

 

peu importe le siècle

l’enfant s’amuse

 

 

 






La fontaine de Fleurette



La petite demoiselle de la fontaine

N'a pas de temps à perdre

Elle doit livrer son pot de lait

A une dame du palais


Elle aime se promener

Du côté de la fontaine

La tendre et si belle Fleurette

Quand viennent les mois d'été

Elle voit bien les regards en coin

Emplis de flamme et de désir

Quand passe un beau mousquetaire

L'épée au flanc, le chapeau en bataille

Le verbe haut à l'accent de Gascogne


Mais c'est à Henri qu'elle pense

Quelle a vu au château de Nérac

Jeune et sémillant trousseur de jupons

Galopeur de landes, de chemins et de combes

Il lui a conté fleurette,

Elle ne pense qu'à lui, depuis...

Ils se donnent des rendez-vous galants

Auprès de la fontaine

L'idylle se prolonge

L'amour emplit tout son être


Mais le futur Henri IV

a plus d'un coursier à fouetter

une couronne l'attend à Paris


C'est dans la fontaine

que Fleurette noiera ses larmes

et ses regrets



@marine Dussarrat

   



Une explication

 

Au château de Nérac, la Fontaine de Fleurette porte le nom de la fille du jardinier du roi. À 17 ans, elle s’était éprise d’Henri de Navarre (futur Henri IV) alors âgé de 19 ans.À la veille d’épouser Marguerite de Valois, Henri avait fixé rendez-vous à Fleurette dans le parc de La Garenne. Malheureusement le futur roi pour une raison inconnue ne vint pas. On dit que ce soir là, folle de désespoir, la jeune fille alla se noyer... Selon la légende, de cette histoire seraient nés les termes “Conter Fleurette” et “Fleureter” (flirter). Au XIXème siècle, le sculpteur Daniel Campagne a réalisé une statue en marbre blanc de Fleurette noyée pour orner le bassin de la fontaine éponyme. Marguerite de Valois qui aimait particulièrement se promener dans le parc le fit, à partir de ce point d’eau, prolonger de 3000 pas, aujourd’hui il s’étend sur deux kilomètres.









Ici des fontaines

aujourd'hui à l'abandon

apaisait la soif


des passants et voyageurs

vacanciers et va-nu-pieds




Fillette de la fontaine

as-tu longtemps à marcher

pour chercher ton eau ?


Chez nous elle coul' d'évidence,

à bonne température.




Une source, un puits :

Se construit tout un village,

et fait société.


Ainsi la Terre s'est peuplée,

et de toute éternité.

 


Une source tarie

c'est tous les gens du hameau

manquant d'essentiel.


Les enfants iront nu pied

loin jusqu'au point d'eau public.

 


©Jeanne Fadosi, jeudi 6 avril 2023









 

La Dame de l'eau


C'est un matin tout printanier où la fontaine du village glougloute toujours de son chant mélodieux. Notre proche voisine, Louise nous a quittés depuis peu. Louise, que nous appelions tendrement " la Dame de l'eau " , allait chaque matin, selon un rite immuable, rafraîchir ses mains et son visage sous le limpide filet d'eau.

" C'est ma fontaine de jouvence, allez-y les enfants, mouillez vos joues chaque matin et votre jour sera serein ! "


La source chante

L'hirondelle la frôle

Son image me sourit


L'été se fait plus sec et le débit recule mais nous buvons encore ses paroles très sages qui préservaient la vie.

" Surtout ne la gaspillez pas, usez d'elle avec parcimonie, avec respect pour notre terre " et nous l'écoutions bouche bée, toujours très attentifs.

Ma Dame de l'eau, je pense à vous aujourd'hui où la terre s'appauvrit, que les hommes persécutent et que demain sonnera le glas pour les plus démunis.


Une ombre passe

Tourne la roue de la vie

Que sera l'après ?


Balaline  08/04/2023



 



 La Fontaine des quatre dauphins


Ce poème-conte  m'a été inspiré par une balade nocturne en écriture autour des fontaines d'Aix-en-Provence organisée par un guide, il y a plus de 15 ans, l'eau coulait encore en abondance dans les fontaines. Une autre façon de voir les fontaines, la nuit...




Quatre dauphins rivés à une colonne

Figés et sans paroles

Se lamentaient du soir au matin

leurs nageoires caudales sculptées

à jamais à la pierre...


Ils pleuraient leur liberté

Entravée pour l'éternité

Par l'imaginaire fantasque

D'un sculpteur déshumanisé...


Quand, une nuit divine

La colonne à la triste mine

Se disloqua dans un fracas.


Qu'advint-il de nos quatre dauphins

heureux d'un si gracieux destin?


L'on raconte

Que des grenouilles

Sises sur des nénuphars

Se virent tapies

Comme des couffins

Au pied des dauphins

Ravis de ce miracle

Véritable défi à l'infini!


À fontaine merveilleuse, histoire fabuleuse!


Depuis lors, la fontaine glougloute avec délices!

 


 Ci-dessous,  pour illustrer le glou-glou, la photo d'une fontaine de la Drôme, du village de Montbrun Les Bains.




babil de la fontaine

jeux d'eau chantant dans la vasque

jaillissements graciles-


c'est la chanson de "l'eau vive"

au fil de "l'écume  des jours"


"l'eau vive", chanson de Guy Béart

"l'écume des jours", roman de Boris Vian


Claudie Caratini (Commentaires sur ce blog. Merci)

Le 08/04/2023







Ophélie


J’ai marché, quittant la ville et son présent pour le parc tant aimé. 

J’ai traversé des horizons ensorcelés jaillissant d’une sculpture de pierre, arrivant en un lieu où le temps, l’âge et l’espace furent soudain abolis.

Il a suffi d’un rayon de soleil, d’un sourire du printemps chevauchant le souffle d’une algue verte balancée de vent, pour que mon âme s’abandonne et que je fasse le voyage.

Une vasque m’a accueillie, rayonnante devant son rideau de lierre. Le doux chant d’Ophélie, se baignant avec les oiseaux, m’arrivait comme une cascade, en éclats lumineux de fraîcheur.  Sa longue chevelure entraînée par les eaux vertes débordant de la vasque tissait un écran irréel derrière lequel une statue drapée de mousse, figée d’éternité, semblait attendre un improbable miracle


elle était si jeune

la petite porteuse d’eau –

Ophélie dormait


le chemin se joue du temps

la romance est éternelle


Adamante Donsimoni 8 avril 2023 ©musicstart (sacem)





Une fois n'est pas coutume, j’ai invité Rimbaud sur la page


Ô pâle Ophélia ! belle comme la neige !

Oui tu mourus, enfant, par un fleuve emporté !

— C’est que les vents tombant des grands monts de Norwège

T’avaient parlé tout bas de l’âpre liberté ;


C’est qu’un souffle, tordant ta grande chevelure,

À ton esprit rêveur portait d’étranges bruits ;

Que ton cœur écoutait le chant de la Nature

Dans les plaintes de l’arbre et les soupirs des nuits


C’est que la voix des mers folles, immense râle,

Brisait ton sein d’enfant, trop humain et trop doux ;

C’est qu’un matin d’avril, un beau cavalier pâle,

Un pauvre fou, s’assit muet à tes genoux !


Ciel ! Amour ! Liberté ! Quel rêve, ô pauvre Folle

Tu te fondais à lui comme une neige au feu :

Tes grandes visions étranglaient ta parole

— Et l’infini terrible effara ton œil bleu !


— Et le poète dit qu’aux rayons des étoiles

Tu viens chercher, la nuit, les fleurs que tu cueillis,

Et qu’il a vu sur l’eau, couchée en ses longs voiles,

La blanche Ophélia flotter, comme un grand lys.


15 mai 1870

Arthur RIMBAUD  1854-1891



LE COIN DES RETARDATAIRES





La fontaine

 

Il est une source claire, évadée d’un trou bien caché. Elle bondit libre et si légère à la lumière de Phébus attendri. C’est qu’elle se languissait cette eau  au cœur du ventre ténébreux de la Terre. Seule la musique monotone d’un goutte à goutte lui tenait compagnie. Parfois un courant d’air intermittent  animait à peine son miroir.  Ou encore, plus brutal et soudain, l’éclat d’une roche  chutait provoquant des vagues concentriques. Et c’était tout! Quel ennui!

 

Temps fossilisé-

Geyser sans fin de spleen pour

L’eau cavernicole

 

Mais voici qu’un jour, ou plutôt une nuit pour cet esprit aquatique,  un grondement monta des profondeurs; se propagea de strates en strates, pour envahir, assourdissant, sa prison granitique. Fracas! Éboulement! Émoi! Puis, stupéfaction! Éblouissement! Bonheur! Une clarté fabuleuse venait de gommer l’opacité éternelle.  Ce petit tremblement de terre avait créé une fissure par laquelle le flot enfin libéré pouvait s’enfuir.

 

Au soleil-

Trilles sur trilles, le merle

D’écho en écho, la source

 

L’eau glougloute de contentement en émergeant entre deux mottes d’herbes.  Tout lui paraît extraordinaire: l’azur infini, la végétation, les insectes et animaux s’abreuvant à sa liqueur de vie… Joyeuse, elle va de découvertes en découvertes. Ru limpide, la voici filant, insouciante, au cœur du vallon alpin. En chemin, sa beauté pure est capturée pour ennoblir une ravissante fontaine. Parée de mousse  émeraude celle-ci sert d’abreuvoir et de piscine aux oiseaux  de la forêt toute proche. Cascadant aux lèvres de ses vasques, l’onde, nullement bridée,  poursuit sa route vers l’inconnu à explorer.

 

Azur scintillant-

Piste jalonnée d’arbres

Celle du ruisseau