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Photo Adamante. Mur de la maison de retraite à Pantin. |
Fissure
La rue vibre
Le temps coule
Une fissure dans le mur
L'herbe y a fait son nid
Un syrphe s'y attarde
Celui qui peut encore marcher
Verra peut-être son double
Ou ne le regardera pas
La vie passe
Indifférente
Le poids des ans est là
Avec l'ennui
L'absence
Le besoin d'un souffle d'amour
Une fissure dans le cœur
En attendant
Décrépitude
Un mur qui se décrépite
C'est la porte ouverte à l'imaginaire,
Bovin dans la sécheresse
Quelques maigres brindilles
Qui espèrent une eau bienfaitrice...
Que dire de l'hiver de l'âge
Derrière les murs d'un home,
Même décrépitude,
Les bougies à bout de cire
S'éteignent une nuit...
Et de mortuaire en mortuaire
Le croque-mort
Remplit du cercueil
Le curé
Remplit son église
Le bon dieu
Remplit son paradis...
Le mur de la maison de retraite annonce la couleur
Décrépitude
naufrage sociétal
déshumanité
Ne croyez pas humains non concernés dans leur vie que ce soit nouveau !
Vers l'hospice déjà
les enfants dont j'étais
rencontraient l'effroi
En classe, un texte du livre de lecture du cours élémentaire racontait la fin solitaire et décidée (choisie ?) par un vieil eskimo* devenu inutile
On l'a emmené
au milieu du désert glacé
pour l'abandonner
C'était une légende ou une tradition. Confusion des genres. Effroi des élèves devant ce que l'on prenait pour de la cruauté.
Un conte japonais
disait le regret contrit
d'un fils à sa mère
Le riche marchand avait fait construire une maisonnette au fond du jardin pour sa vieille mère logée dans un appartement de sa somptueuse demeure. Ainsi reléguée, elle se serait laissé mourir de faim si le fils ne l'avait pas repris dans sa maison.
Un château pimpant
Des balcons avec vue
images flatteuses
Côté rue, à l'entrée, le piquet de grève des personnels en colère tout un mois d'hiver dénoncent leurs conditions de travail.
Les résidents
disent silencieusement
leur délaissement.
J'ai vu aussi dans d'autres lieux des vieillards bien traités. J'aurais tant à dire encore.
©Jeanne Fadosi, jeudi 23 juin 2022
* Je suis d'un âge où l'on ne disait pas encore inuit
Demain n'est pas si loin !
Que cache cette immense tâche de décrépitude ?
Qui s'étiole derrière cette enceinte lépreuse que le temps et les hommes semblent avoir oublié
au fil des jours ?
Ce silence, ces murs gris fermés comme des remparts occultent chaque bruit du vivant.
Le vivant a sombré dans l'ennui
la vieillesse grignote peu à peu
le goût des jours heureux
Sur le papier, on vous promet la lune, le bien être, la protection, la bienveillance; mais passé la grande
porte, les sourires se fanent, le soleil est moins clair, les regards guettent une visite, presque des
enfants perdus.
Lézardes des sourires
leurs souvenirs voyagent sur de vieilles photos
les oubliés somnolent dans leur fauteuil confort
Sur le tableau noir de la désespérance faut-il écrire ses souhaits avant que de partir, si loin de son
chemin de vie lorsque coulaient les joies, que tout semblait possible ?
Un long frisson m'agite
Demain n'est pas si loin !
Juin 2022
Comme une réminiscence d’un souvenir lointain, un petit rien réveillant la mémoire :
Juste un mur
quelques mauvaises herbes
le temps est maussade
Je l’ai longé de loin. Les fissures de la vie y étaient inscrites en tristesse de façade.
Derrière, j’ignorais ce qu’il cachait. J’y ressentais comme un manque d’attention peut-être juste une absence. Et le temps, le temps qui comptant les jours, les mois, les années marquait de son empreinte une désolation certaine.
Au fil des semaines
la trace d’une négligence
L’horloge tourne
Je n’étais alors qu’une enfant, parcourir cette rue et côtoyer ce mur me plongeait dans une crainte indéfinissable. J’y voyais des animaux étranges, des ombres inquiétantes, des failles que j’observais mi curieuse mi anxieuse. J’accélérai alors le pas sans comprendre ce tourment qui m’envahissait. Instinctivement j’aspirais à la lumière.
Presque au quotidien
de nouvelles dégradations
étrange décadence
Petit à petit j’évitais ce raccourci sur le chemin de l’école. Dans ma tête d’enfant je la nommais la rue laide, et l’abandonnais en même temps que ma peur.
Crainte enfantine
d’une laideur inquiétante
contourner l’obstacle
Le chat de la lézarde
Le chat s’est faufilé par une lézarde du mur de la maison de retraite.
je le vois de dos
il observe le jardin
caché à mes yeux
Derrière ce mur vieillissant sous l’effet des intempéries, d’autres se lézardent, sans bruit, isolés du monde, privés de vie, effacés aux regards. Il est de bon ton dans notre société de masquer ceux qui dérangent.
un monde sans vieux
le doux rêve du jeunisme
illusion des murs
Mais la mort, face cachée de la vie, se moque de la peur, aucun mur n’y peut rien. Le temps, l’usure lui ramènera, à leur tour, ceux qui la fuient.
première ride
prémisse d'un adieu
un sillon de tendresse
on peut lire sur un visage
le grand art de la vie.
Adamante Donsimoni
24 juin 2022