Translate

vendredi 6 septembre 2019

La page 148 "Hospitalier"


Henri Haram Hairabédian

HOSPITALIER -Trésor de garrigue

© -6/1001



    
Gravé sur la pierre
pour aimanter nos regards
lecture symbolique

Le livre de la vie a déposé dans nos escarcelles des balises de lecture. D’un bon samaritain à une piéta, tant de possibles. Lire simplement la tendresse d’un élan de compassion et s’émouvoir de l’empreinte sur la pierre résonnant en nous comme un écho.

Sa mère penchée
vers ses bras qui se tendent
Songe d’Athalie

Peur plus que tendresse, d’autres temps, d’autres lieux, d’autres repères. Entre rêve et cauchemar, le souvenir d’un songe, trop souvent récité, le soir à la veillée. L’adulte porte encore en sa mémoire, le regard effaré d’un enfant.

Ombre des nuits sans lune
penché sur le sommeil des justes
fantôme insomniaque

Réveil d’une nuit sans rêve, sous le regard attentif d’une silhouette inconnue, fausse solitude. Une présence drapée des mystères nocturnes.

La pierre est muette
et l’imaginaire bavard
seul le sculpteur sait

Son œuvre terminée, offerte aux regards, permet mille et une divagations. Les miennes ne seront pas les vôtres. Les siennes furent sûrement tout autre, inscrites sur la pierre pour sa postérité…

©ABC






La mort d'un fils
On le lui a pris un vendredi
Cloué sur la croix
On lui a rendu ce fils
Mort,
Troué dans la poitrine
Les pieds et les mains,
Les bourreaux ont un coeur de pierre.

Sur son sein de bure brune
Elle berce sa dépouille à la tête tombante
 L'encercle de ses bras protecteurs
Ne se résigne au tombeau, encore...

Elle le dévisage
Son visage grave de douleur,
Elle le porte fermement
Avec la force d'une mère blessée.

Elle ne se résigne au tombeau, encore
Elle veille
Espère un retour à la vie,
Il a du sang d'un dieu dans les veines
Un dieu tous pouvoirs.

Elle le dévisage, encore...
Un groupe de femmes la raisonne
Il faut préparer le corps, le laver de ses supplices,
S'en suivra sa mise au tombeau.

On le lui a pris un vendredi
Cloué sur la croix
On lui a rendu ce fils
Mort,
Cruelle sentence ainsi soit-il
D'un Ponce Pilate...









 



PIERRES

Les pierres les plus dures
S'inscrivent dans le temps
Des hommes et des femmes
Qui trébuchent
Elle sonnent dans l'aire glacé
De l'immensité de la montagne
Si le cri est intense
Qui peut l'entendre
Il se répercute de pics en précipices
La souffrance et l'amour
Ne peuvent se contenter de mots
Ils sont dans la mémoire des nuits.







                              
              


L’œil exercé a repéré les deux silhouettes sur la pierre du chemin. Était-ce l'ombre de la descente de la croix de Rubens ? Une de ces innombrables mises au tombeau du christ ou l'écho de la pieta de Michel-Ange ? Ou plutôt, qui sait, le dénouement de Paul et Virginie ou de Tristan et Iseult, de Roméo et Juliette ? la blanche Ophélie sauvée des eaux par un archange  ou par Boudu ...

Une immense douleur
comme le cri silencieux
d'une pierre au chemin

grave des millénaires d'Histoire
lourde des répétitions

Sa main sûre a donné formé aux formes nées de son imaginaire et de l'érosion du vent sur la roche. Un trait net et sobre, juste une esquisse. Pour concentrer toute l'émotion du monde. Certains poètes qui fréquentent autant les pierres que les hommes sinon plus leur accordent une mémoire que l'on ne sait pas écouter ou lire.

Chagrin et piété
dans une infinie douceur
de résignation

Dépouille de nos arrogances
bercée d'une fée d'illusion

Sur mon piano une autre pierre, offerte par une belle âme à l’œil affûté, lance son regard noir sans même le besoin d'un surligneur. Il m'avait fallu du temps avant de voir la sculpture naturelle dans la roche. J'y avais découvert alors le sérieux et la pénétration d'une sage sérénité*. Aujourd'hui, il se fait l'écho de mon désarroi aux rumeurs planétaires.

Galet en colère
dans l'impuissance pétrifiée
d'incompréhension

et dans les plis invisibles
tant de puissance pour aimer



 propositions musicales 

Merci la vie.
et
On m'a donné une âme






Ici

Ici
le  trouble des pierres
la rugosité minérale
et toujours la main
humaine
celle qui indique
la présence
la faiblesse
sa force

Ici
l’abandon
endormissement
mort
qu’importe
l’un méconnaît l’autre
tant ils sont liés
une autre dimension
l’ultime pallier de la farandole des nuits
le grand sommeil
l’autre versant de la montagne
le froid
l’immobilité

Ici
l’inquiétude est enveloppement
l’amour se dessine dans les anfractuosités de la roche
face au souffle perdu
l’impuissance ou la certitude d’un nouvel éveil
l’un se penche sur le retirement de l’autre
chacun est seul
pourtant inséparables
le temps
ici
n’est qu’une parenthèse

Ici
le silence dit les révolutions intérieures
elles sourdent comme sources
ultime caresse rendue à la vie
témoignage d’un instant volé au néant
juste avant le grand effacement
un cœur bat l’autre s’oubli
les pierres ne connaissent pas les larmes
elles se rident.
        
Adamante Donsimoni


Proposition musicale, ou plutôt texte, merveilleusement interprété :
Leonard Cohen "Sound of silence"





Paréidolie


...les merveilleux nuages...

Aussi loin dans mes souvenirs j'aime regarder les nuages aux formes changeantes

Plus tard en forêt j'ai découvert des arbres et des souches à l'aspect totémique 

Une fascination 

Un jour la révélation est venue avec "l'écriture" des pierres 

Des yeux levés vers le ciel au regard porté sur la terre tout semble protéiforme 

Et à notre œil profane  l'artiste révéla une piéta née de la pierre




6 commentaires:

  1. Dans ma tournée des blogs amis de L'herbier j'avais lu les textes inspirés, manquait le tien Adamante, j'ai fait une belle découverte avec cette pierre et son artiste… et puis vos mots à toutes, merci, JB

    RépondreSupprimer
  2. Une rentrée toute en profondeur... les pierres et l'artiste ont si bien parlé.
    Bravo à toutes pour cette page 148

    RépondreSupprimer
  3. Une page magnifique pour la reprise de l'herbier, que de force et d'émotion inscrites dans la pierre grâce au don de l'artiste, merci à lui, merci à vous toutes... Merci à toi Adamante de nous l'avoir fait découvrir.

    RépondreSupprimer
  4. Encore une bien belle page où les inspirations variées se complètent et s'enrichissent l'une l'autre. Comme Jill il ne me manquait que ton texte, superbe synthèse et prolongement des autres et bien sûr la voix de leonard Cohen disant si magnifiquement le "sound of silence"

    RépondreSupprimer
  5. Ton poème est magnifique et me touche de près, merci

    RépondreSupprimer
  6. Bravo à toutes... c'est une très belle page.

    RépondreSupprimer

Merci de vos commentaires, ici et sur nos blogs respectifs. Adamante