
Merci à vous
tous d’avoir encore une fois joué le jeu en flirtant avec le Haïbun.
Un vrai
bonheur pour une communauté d’écriture.
Que d’idées ! C’est toujours un
plaisir de vous lire. Je risque encore d'être très en retard pour passer chez vous...
Mais avant de
livrer les textes à votre regard, parlons donc un peu du haïbun.
Le haïbun
mêle prose et haïku (parfois tanka) qui s’enchaînent dans une suite logique de
lecture, une sorte de narration. Une prose (c’est essentiel) illustrée d’une
poésie avec qui elle lie relation.
Sans la
prose, on ne peut parler de haïbun.
Le haïbun
relate une expérience, un voyage, un moment vécu, concret (réel ou imaginaire).
Il recherche
avant tout la simplicité, la concision qui convient aux choses de la nature, du
quotidien ou du ressenti, ainsi que nous l’apprennent aussi les poètes chinois.
Enfin il
refuse la rime et la versification et toute forme de redondance ou de
maniérisme.
Il exprime un
certain détachement de son auteur qui devient ainsi une sorte de chroniqueur
sensé toucher son lecteur par la mise à distance de son émotion. Car c’est le
lecteur qui doit vivre l’émotion. L’auteur, par la qualité de son détachement
et la justesse de son ton, doit faire en sorte de la lui communiquer.
La prose est
essentielle car elle est censée nous faire partager un cheminement d’idées,
nous faire vivre les éventuels moments de rupture, (tant dans l’idée que dans
le rythme).
Enfin, le
haïbun exige d’être ciselé car la concision nécessite une certaine recherche de
l’épure, c’est cela qui suscitera l’émotion chez le lecteur. Le non-dit
traverse le texte et lui donne son souffle.
S’il ne faut
pas céder à la redondance, il ne faut pas non plus se satisfaire d’une écriture
simpliste. Pensée orientale
oblige, nous sommes sur la voie du juste milieu…
Un sacré
exercice ! (un exercice sacré ?)
Le lecteur
touché par l’émotion doit pouvoir trouver son chemin de liberté à la lecture
pour goûter les images et la profondeur du récit. Je dirais que le lecteur doit
avoir là toute liberté de créer sa propre mise en scène.
La valeur
d’un haïbun est certes suggestive, ce que l’on peut dire c’est que l’exercice
n’est pas simple, surtout lorsque l’on est pétri de rimes et de versification
comme l’est notre civilisation occidentale.
La vraie
valeur, au sein d’une communauté d’écriture, c’est principalement de s’y
risquer.
Alors,
peut-être serez-vous d’accord avec moi, s’il est une question que l’on pourrait
tous se poser, n’est-ce pas celle-ci :
« -Si je devais reprendre mon
texte en me pliant à toutes ces règles, comment évoluerait-il ? »
Bonne lecture et belle fin de semaine. AD

Sur
le chemin de sa vie, il s'est cru sorti de la cuisse de Jupiter, depuis il a
mal aux chevilles, le voilà,
grosse tête
et chevilles enflées
hêtre mâle dans sa peau
©ABC
Être un hêtre...
Un saule si seul
Eut un jour compagnie
Un hêtre, si près planté
Liés si intimement
Que leurs racines
S'unirent telles mains en prière...
"Un hêtre âgé
en pachyderme des bois
Grisâtre d'écorce"
Le bûcheron
Père du Petit Poucet
Eut des vues dessus
Moult stères de bois
Pour sa chaumière...
Mais la mère-grand
Du Petit Chaperon Rouge
Tient de tout son être
À cet arbre remarquable...
"Non à la cognée
Olivier freine tes ardeurs
Prends ce noyer mort"
Longues tresses de lierre
À la gauloise
Bas de mousse
Tricotés par dame nature
Le colosse
Défit le ciel
Et les cogneurs
Cabossé, son charme...
jill bill
Le
Vieil-(h)être
Ses
pieds boursouflés sont déjà sous terre
Le
vieil hêtre est un vieillard
qui
ne compte plus son temps depuis longtemps
Un Bébé un Arbre
Souvenez-vous
C'était au siècle dernier
La publicité d'une marque de lait
Chêne, Hêtre, Pin...
Choisir l'essence et la forêt
Hêtre arbre de vie
Convulsion de ses racines
En forme prosternée
Gestation du futur Être
Projection d'amour et d'espoir
S'enracinant dans une communauté
©Josette
Au
pied du grand hêtre une dame disait s’être endormie. Cette dame rêvait.
Elle
n’était qu’une petite sylve visage contre terre, humant le lichen entre les
pieds du grand sage.
Elle
voulait plus que respirer la profondeur!
De
tout son « hêtre » elle voulait sentir, entendre le souffle de Gaïa.
Mais
mémé Gaïa était fatiguée, haletante.
Doucement
elle s’asphyxiait.
La
terre souffre
L’homme
lentement l’épuise
Jeunesse
consciente
La
petite dans son sommeil participe alors au processus de régénération de la
terre.
Inscrit
au plus profond de son être, dans ses racines profondes, elle avait reçu
tous les circuits nécessaires pour insuffler à Gaïa une énergie nouvelle.
S’aimer,
aimer et aimer vivre
La
petite Sylphe se souvient comment la Terre Mère a su la prendre dans ses bras
pour la bercer et lui offrir vie amour espoir.
Alors
aujourd’hui la petite Sylphe veut se couler dans les racines de son hêtre pour
« dispar’hêtre » et insuffler à mémé Gaïa l’air de la joie, de
la jeunesse.
Eco*
transmission
Vase
communiquant l’amour
Notre
terre vivra.
*Ecologie.
©jamadrou
Les
arbres ont des histoires, leurs formes aussi.
Comme
nous, les arbres ont des histoires, leurs formes aussi.
J’ai
longtemps ri des soins à porter aux pieds, je ris moins aujourd’hui.
L’expérience
invite au souci de ses fondements, à l’attention à ses racines ; au
sens, au poids, même, de ses origines. A la nature de
ces-énergies-qui-nous-motivent, ainsi qu’à celles-qui-nous-font- croître.
Elles montent en soi comme des bouffées de sève trop vite et souvent empêchées.
« Être ? dit le hêtre
Comment pourrais-je …
Ne pas être ? »
Les
grands arbres ont le poids des pierres, ils en prennent parfois jusqu’à la
couleur, et la forme.
Ils
en ont, finalement, déjà la lenteur. Elle coule en eux, la vie : pourtant.
Comme un infini et languissant murmure !
Leur récit se fait lent,
Leur récit se fait lourd.
Leur rêve se fait chant
Et puis, il se fait Amour !
Et
par leurs racines mêlées, ils protègent, se soutiennent et s’entraident, les
ombrageux compères. Les arbres ont des tendresses patientes, d’émouvantes
parades de silences dépassés.
Par
leur mâle vigueur, par leur féminine persévérance, ils confinent au ciel et
même l’imitent.
Parmi
eux, tant d’individus uniques. Ils sont, pourtant, un seul peuple sylvestre, se
prêtent force, s’alertent, se défendent, se battent pour se forger caractère,
s’exercer à mieux vivre et puis s’offrent ombrage.
Ainsi,
que des maîtres à vivre, ils nous soutiennent, nous enseignent et encouragent.
Arbre mon ami,
Oh ! Savant messager,
Dis-moi ton cri,
Cris-moi ta vie !
Sous
le hêtre, un long temps arrêté, je l’ai entendu bruire de sa chanson de vent,
de sa passive confiance, immobile apnée ! :
« Je connais le ciel, et je connais
la Terre !
Tous
deux, autrement, mais d’égale manière me nourrissent : entre eux,
finalement je fais lien, suis passage et deviens média.
Oh !
Homme, petit homme, enfant sans cesse agité !
Un
rien te trouble, si peu t’aigrit !
Et
tu cours et tu pleures, plein de peurs et de cris,
Quand
va le jour et quand viens la nuit!
Tu
regrettes l’alliance oubliée, blessé simplement d’ignorer que tu n’es pas seul
et qu’avec tout - la pierre, le végétal, la Vie dans ses formes multiples
…- tu nous es, étroitement semblable, et puis lié.»
Il chante la vie, le hêtre
Au pied-racines de pierre,
De toute sa nature.
Certes,
de toutes ses forces, mais aussi de ses blessures … !
Lola
marchait dans l'Allée des Grands Arbres.
Elle ne savait plus son âge.
Lola réfléchissait. Lola
réfléchissait beaucoup. Lola réfléchissait trop. Elle réfléchissait aussi le
soleil ; et beaucoup de gens autour d'elle en étaient aveuglés.
Lola
aimait les grands arbres.
Tout
à coup
Elle
se trouva
Devant
le Grand Hêtre.
Brusquement,
sans réfléchir, elle fit une chose bizarre.
Elle
s'allongea de tout son long, à plat ventre, au pied du hêtre et lova son visage
dans un creux accueillant comme une épaule.
<< Papa murmura-t-elle, Papa, tu
m'as tellement manqué >>
Elle
fut prise d'une subite quiétude, mit son pouce dans sa bouche, et, s'endormit.
Lola
rêva.
Lola
rêva qu'elle s'enfonçait
Profond,
profon-
dément
Dans
les entrailles de sa mère
Tout
au fond.
Les
racines du grand arbre la ligotaient. Avec douceur elle les repoussa une à une.
Lola rêvait. Une odeur chaude à la fois malodorante et parfumée l'enveloppait,
un sentiment étrange d'envie et de dégoût la réveilla. Elle sentait
Sans
la voir
La
lumière du soleil qui la réchauffait
Jouer
à travers le feuillage du Grand Arbre. Il était toujours là, solide,
protecteur. Elle se releva, secoua les brindilles et la mousse accrochées à sa
robe.
Quel
âge, mais quel âge avait-elle donc ? Bah ! fit-elle d'un geste de la main.
Elle
repris sa route. Il faudrait préparer le repas en rentrant.
©Françoise
Promesses
d'hêtre
À
fleur de terre, à fleur de vie,
elles
courent dans le sous-bois,
sous
leurs longs doigts masqués des stigmates du temps,humblement résignées à défier
les vents.
L'ombrelle verdoyante
comme une fiancée
s'appuie sur ses bras blancs.
Seras-
tu là demain, mon beau fayard, hêtre en devenir qui sait déjà la richesse des
instants ?
Des racines aux faines
tout un charivari
se fait l'écho du vent
Quand
la hêtraie se tait, au plus doux du silence on perçoit juste la
respiration de son âme.
©Balaline
Au
bout du sentier un grand hêtre enserre la berge de la rivière, ses racines
rassurent, son tronc puissant m'invite à m'appuyer contre lui et à rechercher
un instant de plénitude
Un hêtre de hasard
ici, là et maintenant
porte le mot être
Oubliant
les malheurs et les chagrins, ressentir sagesse et foi en la vie, entendre la
musique des oiseaux et des insectes dans la houle de ses branches et apercevoir
tout en haut le ciel qui clignote
Être pourquoi pas
aussi fort aussi calme
son alter égo
©marine
Dussarrat
Au bord du
chemin le vieil arbre de sagesse craint plus que tout la hâche assassine d'un
être qui serait oublieux de l'anima de la Terre et de l'animal en lui.
Abreuvé des
larmes
de tous les
chagrins du monde
le grand
hêtre sait.
L'enfant
recru de désespoir à marche forcée s'est figé au pied du grand hêtre, implorant
une halte. Là il a abreuvé l'arbre vénérable de ses dernières larmes les
confiant aux racines vers son pays perdu.
L'enfant a
pleuré
une dernière
fois son chagrin
au pied du
grand hêtre.
jeudi 29 juin
2017
Allée
des pas perdus…
Allée
des pas perdus… ça pour l’être ils le sont ! L’esprit un peu rêveur on
baguenaude sans voir dans un entre deux sans durée où le regard se berce de
nature. Vertu des grands espaces,
les pieds sont ici,
et la tête est ailleurs
on ne sait plus trop
Mais,
ici ou là, quelle importance ! Comblé de ce rien qu’est l’instant, on se
donne aux doigts de la brise pour ressentir la vie, respirer, s’imprégner du
paradis qui frémit, là, juste sous votre peau. Et puis soudain,
au pied d’un hêtre,
couché entre deux racines,
un nouveau-né
allongé dans la mousse
il tète encore sa mère
Cette
apparition c’est l’offrande de la Terre pour fêter le prodige de votre abandon.
L’arbre complice vous a ensorcelé. L’enfant du hêtre s’offre et pénètre votre
immobilité de sa palpitation végétale.
Alors résonne en vous ce bruit de succion intemporel qui vous accompagne
depuis la nuit des temps, à chacun de vos pas.
©Adamante
Donsimoni
https://le-champ-du-souffle.blogspot.fr/
Le coin des retardataires
N'oubliez pas, dernière limite de dépôt des textes souhaitée le jeudi avant 14h & inclusion du lien à mettre sur la page à noter chaque fois.
Un hêtre, deux êtres
Il respire à la racine
du hêtre inaccessible,
puise son idéal,
jouit de sa nourriture
puis infiniment s'épuise,
l'enfant de nos vies.
Suzâme (30/06/17)
http://suzame-ecriplume.eklablog.com
http://suzame-ecriture.over-blog.com/