Bienvenue dans l'Herbier de Poésies. Vers libres, prose poétique, expression libre des profondeurs de l’instant qui se dit sans rime ni métrique imposée. Mais aussi Haïku & famille favorisant le fond plutôt que la forme.
Comme d'habitude, il
n'avait aucune idée de ce qui adviendrait de son texte. S'il convenait, il
paraîtrait signé du nom de son boss, caviardé des nuances et de la complexité
de l'analyse. Sinon il n'en resterait qu'une caricature sans base ni sommet
pour remplir l'espace d'une pub non attribué avec ses initiales. Souvent le
fichier atterrissait dans la corbeille.
Il longeait la Seine.
Vers l'Ouest doucement
le soleil déclinait.
L’œuvre ne l'avait pas
inspirée, son histoire en revanche l'avait interpellé. Comme une répétition
sans fin. Symptôme de la ré-émergence des pratiques d'asservissement dont les
trente glorieuses avaient fait croire à la disparition.
Sur l'autre rive
une vieille dame incarnée
derrière des palissades.
Sa petite amie, en le
présentant à ses parents, l'avait dit "critique d'art". Cela avait
plus d'allure que poète. Moins inquiétant, quoique. Il avait envie de gueuler à
l'eau noire "plus de gueule". Ce contrat à durée indéterminée était
une aubaine pour se loger et ils avaient besoin de leur caution.
Un beau soir d'avril
les âmes des anonymes
pleuraient leur chef
d’œuvre.
Demain sans doute les
enchères grimperaient dans d'autres tours. Quelqu'un achèterait un nom. L'objet
passerait d'un coffre à un autre. Il pensa à cette citation de Raymond Poincaré
lu sur un des blogs où il aimait se détendre et se ressourcer : « Une œuvre d’art n’est jamais immorale.
L’obscénité commence où l’art finit ».
Pour
ramasser les noix de coco et en faire de l’huile, on met des singes en
servitude. L’ingéniosité humaine n’a pas de limite.
Allez
les petits
grimpez,
vite, vite, vite
la
noix n’attend pas
la
journée vous paraît longue,
et la
nuit, dans vos prisons
Il
paraît qu’au pays des arts, quelque part sur une planète où l’Ego frôle le
sublime, il en fut une qui utilisa les bras, les jambes, et un peu sa tête,
quand même, à un pauvre gars qui passait par là, pour lui faire réaliser son
grand œuvre.
« Grimpe
à l’échelle
j’ai
de l’art à te passer
écoute
et obéit
tu
n’es jamais qu’une excroissance
pour
moi la gloire, pour toi l’oubli »
« Pourquoi
pas » se dit l’homme de main, « les brosses me changeront de mes outils ».
Et voilà qu’il se prend au jeu. Il
« peindouille » du haut de son perchoir, sous la dictée de la
Sérénissime artiste. Quel bel instrument c’était là ! Cet homme, qui n’en
était plus vraiment un, était devenu l’extension, palpitante de génie, d’une "peintresse" bionique.
Années 1970, dans un ranch des États-Unis. Àpresque 90 ans, la célèbre peintre Georgia O’Keeffe n’y voit plus très bien. Renoncer à la peinture serait terrible pour elle.
Pour certaines œuvres, elle se débrouille encore seule, mais pour d’autres, elle a besoin d’un peu d’aide…
Un jour, elle appelle dans son atelier John Poling, un employé qui fait quelques travaux d’entretien et de peinture dans son ranch. Elle lui demande de préparer une toile : il faut appliquer un enduit spécial avant de peindre.
Finalement, le voilà qui exécute tout le tableau, suivant les instructions précises de la peintre. Il s'agit de grands dégradés de gris et de bleu, suivant des formes géométriques.
Il rend donc visite à O’Keeffe.Chacun défend sa position. La peintre ne voit pas en quoi cela poserait problème d’être assistée dans la réalisation d’une œuvre, ni pourquoi le public devrait le savoir.
Mais pour Poling, il s’agit d’autre chose : ayant peint tout le tableau lui-même, il affirme qu’elle n’aurait pu le faire sans lui. Il veut être reconnu pour sa collaboration à cette toile. Aucun des deux ne lâche le morceau !
John Poling ne digère pas l’affaire et finit par contacter la presse. Interrogée sur la question, Georgia O’Keeffe regrette que John profite de cette histoire pour essayer de faire parler de lui, alors que sa contribution s’est limitée à être un outil. "Il n’était pas plus utile qu’un pinceau", déclare-t-elle.
Vingt ans plus tard, Poling persévère avec un livre, mais peine perdue : la reconnaissance n’est pas au rendez-vous...