Bienvenue dans l'Herbier de Poésies. Vers libres, prose poétique, expression libre des profondeurs de l’instant qui se dit sans rime ni métrique imposée. Mais aussi Haïku & famille favorisant le fond plutôt que la forme.
Puisque l’horizon se bouche d’une
noire prophétie, je m’arrête en chemin. Je regarde les volutes d’un feu qui
s’éteint. Sous l’ombre des arbres, je déchiffre le langage de fumée. L’eau se
trouble. Je reste calme, à l’abri d’aujourd’hui, sans penser à demain. Le
miroir du ciel agite ses ondes. Les heures passent lentement. J’attends le
soir, le noir, puis j’attendrais le jour, le réveil du soleil. Il reviendra
avant que je ne me lasse de décrypter le langage naturel de la vie qui s’écoule…
À la tombée du soir mangé de
nuages, quelques ombres tremblantes se noient dans l’étang. Des branches
fantomatiques semblent surgir de ses eaux bouillonnantes et glacées qui phagocytent
les dernières lueurs du jour. Des monstres sommeillent dans leur lit d’algues
et de vase. Dès la nuit, ils s’éveillent et, revêtus de brume, disposent leurs
filets d’angoisse et de terreurs dans la profondeur des eaux troubles. Sous la
clarté lunaire, on voit les berges se couvrir de linceuls, un frisson d’épouvante
court sur les herbes. Ici une autre vie, sans chaleur et sans pulsation, est à
l’affût. On prend la fuite, il n’est pas l’heure, on s’empresse de retrouver lumières
artificielles et bruits qui rassurent. On tire le voile, on parle haut,
tellement heureux d’être encore vivant.
Noir, comme le
lieu où toutes les couleurs se résorbent, blanc comme le lieu où chacune
s’origine. Entre les deux, volutes de gris, comme une queue de paon en parade.
Le jour a
flambé, ses dernières lueurs s’effraient.
La nuit
installe sa traîne encore incertaine, comme une mariée le fait de son voile
d’innocence.
De lointains
nuages font, aux lueurs mourantes, comme un dard.
Le scorpion du
temps instille au crépuscule son poison de ténèbres
Et lui destine
des germes d’orages.
Des branchages
encadrent la vue de l’observateur, l’horizon fini de terre
S’ouvre au
ciel sur un infini possible.
Mais
l’immédiat est un masque,
Il donne au
visible une trop forte apparence.
Le lointain,
lui, suggère sa forme comme une mémoire sans substance.
Dans ses
incertitudes se tapit, reflet sourd, l’angoisse.
Sous l’eau
règnent plus encore qu’au dehors,
Mille formes
ignorées,
Corps sans
corps, formes inconscientes.
Le baigneur se
risquerait, à la fin,
À la rencontre
qui lui fait peur :
Rencontre
vitale ?
Rencontre
mortelle ?
Qu’importe !
Là-bas, en
face, entre réel illusoire et mémoire lointaine,
Une île dresse
ses fûts, élévations rectilignes.
Comme des
humains, ils empruntent à l’eau et à la terre
Et baignent
leurs cimes dans des cieux où la différence ne veut plus rien dire d’autre,
Qu’être et se
tenir.
Le spectateur,
« invisible moi » qui s’oublie dans la vastitude des choses,
Éprouve enfin
son insignifiance.
C’est en elle
qu’il trouve son repos.
C’est en elle
qu’il trouve quelque sagesse :
Prémisse des
douceurs et des trop rares bontés.
Dans cet « à
quoi bon !» qui, enfin, lui dit
Que la vie
d’un homme est, si fort, sans signifiance,
Qu’il est bien
absurde de haïr.
Regarder est
une audace,
Où voir est
une folie.
L’homme est-il
fait pour vivre ?
Est-il fait
pour la force si magnifique du monde ?