Bienvenue dans l'Herbier de Poésies. Vers libres, prose poétique, expression libre des profondeurs de l’instant qui se dit sans rime ni métrique imposée. Mais aussi Haïku & famille favorisant le fond plutôt que la forme.
Voici, selon Artips, tout ce qu'il faut savoir sur l'œuvre de Francis Bacon (beaucoup de parutions intéressantes qui ne sont pas toutes dans l'Herbier)
et
"la rencontre d'un artiste
qui ne fait jamais le ménage".
1991, Londres. Le peintre britannique Francis Bacon achève ce qui sera son dernier tableau, Étude de taureau.
L’œuvre est ambiguë : difficile de distinguer si le taureau entre, ou au contraire, sort de l’arène. La faute à cette étrange poussière, qui floute les pattes de la bête…
Une poussière qui n’est pas peinte, mais bien réelle ! Bacon l’a intégrée à sa peinture. Comme dans une vraie corrida, elle donne l’impression que le taureau vient de frapper furieusement le sol terreux.
Et cette poussière, le peintre n’est pas allé la chercher très loin :
son studio londonien est un véritable capharnaüm, qui n’a pas vu un balai depuis des années !
Dans cette petite pièce s’entassent papiers, journaux, photos, esquisses et matériel de peinture dans un désordre indescriptible.
Loin de le déranger, ce grand bazar est pour Francis Bacon une inépuisable source d’inspiration : "Je me sens comme chez moi dans ce chaos, parce que le chaos me suggère des images."
Car Bacon est un personnage atypique : il est connu pour ses peintures torturées, sombres et parfois effrayantes.
Désormais octogénaire, alcoolique et asthmatique de longue date, il est également atteint d’une pneumonie qu’il refuse de faire soigner.
Lorsqu’il peint son Étude de taureau, Bacon a-t-il conscience de vivre ses derniers instants ? Difficile de le savoir, car il n’a jamais commenté ce tableau.
L’œuvre a été retrouvée plus de vingt ans après sa création chez un collectionneur. Mais selon l’historien qui a redécouvert ce tableau, Bacon avait pour habitude de dire :
"La poussière est éternelle. Un jour nous allons tous mourir, et redevenir poussière."
Ce sera bientôt son tour,
il piaffe d’impatience. Dès le signal il foncera vers demain. En entrant dans
l’arène, il ouvrira toutes les vannes des possibles. Il doit attendre. Le gong
n’a pas encore retenti.
Minuit sonnera
sa première seconde
l’an s’impatiente
Jamais le temps ne prendra
le temps de s’arrêter. Pour toujours le tempo est enregistré. « Rien ne
sert de courir, il faut partir à point ».
L'air immobile et
poisseux pèse de tout son poids sur la prairie somnolente. Au loin, un tracteur
poussif halète de fatigue. Sous l'ombre chiche du grand pin quelques
vaches ruminent paisiblement.
Soleil crépitant-
A l'heure de la sieste
Fourmis au travail
Son museau tendu vers le
ciel, un petit veau suit des yeux avec envie le ballet joyeux des
martinets. Il s'ennuie et rêve de courses , de bruit, de vie trépidante.
Feu solaire-
Rodéo des mouches
Celui d'un petit veau
Il a laissé traîner ses
oreilles et surpris les confidences de sa grand-mère un soir où elle le croyait
endormi. Elle racontait les exploits d'un sien cousin, taureau de combat. Une
vedette en son temps triomphant dans les grandes arènes d'Espagne. Ah comme ce
devait être excitant toute cette gloire! Dommage qu'il se soit endormi avant la
fin de l'histoire.
L'odeur de la peur et de la mort mêlées imprègne tant les murs du toril qu'elle se transmet de bête à bête, par delà le temps, sans qu'elles se soient connues dans un autre lieu.
Élevée pour ces uniques instants de liesse.
Elle y est tellement résignée que les picadors, tout à l'heure, devront la titiller avec acharnement pour la faire sortir de sa léthargie.
A quoi bon faire semblant ?
c'est la "tarde de toros"
Le soir de l'offrande au jeu terrible de la mise à mort. Si le taureau n'entre pas dans le jeu, qui canalisera la foule avide de spectacle ?
La bête résignée
convoque Cybèle et Mithra
et la déraison.
Certains
jours de grande chaleur, dans le flottement liquoreux d’un air instable,
apparaissent tes cornes - : en transparence sur le blanc des portes du
toril…
Taureau
écumant
Qui
bouillonne de rage
Quand
à la mort, il fit face !
Ils
te narguent les picadors sur leurs chevaux en caparaçon, les matadors en habit
de sinistre lumière.
Capote,
piques et banderilles toutes t’excitent de leur mouvement hiératique, de leur
traîtrise blessante, jusque-là même : au cœur de la fournaise : à la
racine même de ta sourde colère.
Ils
te voient - les fous ! -
Comme
simple bête,
Quand
c’est un Dieu qui fait face !
Tu
t’avances vers l’infini ! Par cette porte d’honneur où ta mort n’est qu’un
passage. C’est leur nuit qu’ils ignorent quand ils te disent porté par le feu,
la tempête et quelque violence.
Tu
n’es que nature
Face
au torero
Il
jabote le fol, mais te craint !
Tu renvoies dos à dos à leur peu de courage, à leur
violence, ou leur soif de carnage, les toristas*, les toreristas*, ou les
curieux et obscurs turistas*.
Toi, tu avances - fier, fort, et la corne haute- vers la muta
qui flotte – sordide traîtresse au bras qui porte la passe, et qui cache l’épée
au baiser mortel. Tu sors de l’ombre et va vers ta lumière.
Du si vil boucher,
De la bête qu’il tue,
Qui donc a le plus d’honneur !
*Torista : Spectateur
essentiellement attiré par le spectacle du taureau
*Torerista :
Spectateur essentiellement attiré par le spectacle du toréador
*Turista :
public de corrida occasionnel ou étranger
* Passe :
action d'appeler le taureau sur un leurre, capote ou muleta, de le faire courir
et passer le long de son corps
* toril :
stalle, local où le taureau est confiné avant qu’il n’entre dans l’arène
Serge De La Torre
Une
ombre en devenir
Dans
le cercle de l’arène, derrière une palissade, la solitude poisse la terre qui
accompagne les entrées et fuse au-delà de l’ombre.
Deux
cornes pointues
le
taureau se prépare-
une
ombre en devenir
Tout
ici semble vouloir l’effacer. À peine une esquisse de vie, apparition sur un écran
d’au-delà.
Pas
de surprise
une
issue bien définie
et
c’est la mort
Fascination
du sang non encore déversé, et dont la foule crie sa soif. Extase des voix glorifiant la torture.
la
bête humaine
exhale
son odeur
c’est
à vomir
Bientôt,
genoux en terre, les flancs gluants de rouge, les nasaux écumants, plus noble
que jamais, il s’inclinera, vaincu par la bêtise.