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mardi 5 juillet 2016

Le Jardinier du ciel



"Le Jardinier du ciel"  ou "Le Grand Maître du Quatre" (conte de printemps), m'a été inspiré par un dessin de Jamadrou. Vous vous en souvenez, c'était ici.


Il m'a semblé qu'aujourd'hui serait un jour parfait pour lui faire un clin d'œil et répondre à sa page du jour, parce qu'aujourd'hui encore, le ciel est tellement gris qu'Adrien, le jardinier de mon conte, aurait encore fort à faire...





"Le Jardinier du ciel" ou "Grand Maître du Quatre" (conte de printemps)


Au début du printemps, chez nous, en France, il arrive que le ciel reste gris comme il peut l’être parfois l’hiver. L’hiver et le printemps se disputent la place, le premier a du mal à partir et le second à s’installer. Quand cela se produit, le soleil qui déteste les disputes refuse de quitter son grand lit à baldaquin. Pour avoir la paix, il tire ses épais rideaux de nuages moutonneux et il s’endort.
Mais la pluie se met à tomber, elle sait que la nature a besoin d’elle pour faire germer la vie et pousser les plantes. Elle ne veut pas être en retard. Alors elle zèbre l’espace de ses flèches humides. Mais comme il n’y a pas de soleil, elle est toute glacée. En la recevant les petites pousses hésitent à sortir de terre, elles frissonnent, il ne fait pas assez chaud pour quitter définitivement la graine.  
Les Hommes eux aussi ont envie de bouger, de sortir des maisons où ils se sont calfeutrés durant la saison froide. Ils commencent à déprimer. Leurs pensées deviennent toutes molles, toutes grises par trop d’ennui et manque de lumière.
Fort heureusement il existe un être capable de régler le problème, de mettre un peu d’ordre dans tout ça. C’est  Adrien, le jardinier, le Grand Maître du Quatre. Quatre signifiant ici vous l’aurez compris les quatre saisons.  Il sort courageusement son rouleau à dessiner le printemps, à effacer la tristesse, à illuminer le ciel, son grand rouleau magique avec un manche taillé dans un éclair d’Août.
Il enfile sa salopette de chaman, celle du renouveau de la nature. Mais il en a trois autres, pour l’été, l’automne et l’hiver. Elles sont suspendues à un clou, dans l’abri de jardin où il entrepose ses outils.
Il retrousse ses manches et se met à l’ouvrage.
Il écrit sur un pan du ciel une lettre de réclamation au Soleil, car le Soleil doit intervenir pour que le vieil hiver laisse place au jeune printemps.
Il trempe son rouleau de mousse dans la sève et trace un premier chemin vert orné de jonquilles, de fleurs de pissenlit, de boutons d’or, de pâquerettes et de violettes. Puis il en trace un deuxième, un troisième, un quatrième… Tous serpentent, ondulent comme l’eau dans le lit de la rivière. Le Soleil aime les chemins qui ondoient, il n’aime pas les chemins droits qui vont trop vite et vous empêchent de rêver. Adrien le sait, il s’applique et trace avec amour sa revendication de lumière. Dessiner un chemin droit serait une énorme, une impardonnable faute d’orthographe, mais aucun risque, Adrien est un expert. C’est pour cela qu’il est devenu le Grand Maître du Quatre, le grand faiseur d’espoir, le grand maître des cérémonies. Il connaît le protocole sur le bout des doigts et il a l’oreille du Ciel, il sait y faire avec la Terre, avec la Lune et avec le Soleil.

Il a écrit :

« Réveille-toi gros paresseux, étire-toi, ouvre les yeux
Penche-toi vers la Terre,
Regarde, écoute la chanson des fleurs 

Aïe ! Aïe ! Aïe !
Il fait triste
Aïe ! Aïe ! Aïe !
Il fait gris
Aïe ! Aïe ! Aïe !
Ce qu’il fait froid !

Les abeilles sont enrhumées
Elles éternuent, elles sont prostrées
Les abeilles sont enrhumées
Elles ne peuvent butiner

Aïe ! Aïe ! Aïe !
Il fait triste
Aïe ! Aïe ! Aïe !
Il fait gris
Aïe ! Aïe ! Aïe !
Ce qu’il fait froid !

« Réveille-toi gros paresseux, étire-toi, ouvre les yeux
Penche-toi vers la Terre,
Regarde, écoute la chanson des fleurs. »

Le message d’Adrien, tout en courbes et en rondeurs, a réveillé le Soleil. Il se lève du bon pied ce qui signifie qu’il est de bonne humeur. Il s’étire, bâille. Son énorme souffle, plein de braises et de lumière, disperse les nuages. Enfin il rayonne et, comme il fait trop chaud pour lui, l’hiver accepte de partir.
Aussitôt le printemps s’installe. Aussitôt les arbres, les fleurs, les herbes, tout ce qui pousse part à l’assaut du ciel. Les sources, les oiseaux, les papillons, tout ce qui coule, tout ce qui vole se met à chanter et, s’élançant hors de la ruche, les abeilles grisées par les parfums se mettent à bourdonner la chanson du miel qui parle de miel, de pollen et de soleil.

Adrien sourit, il aime particulièrement les abeilles, il les appelle « les petites fées du printemps».
Dorées comme le soleil, les petites fées d’Adrien sont les gardiennes de la vie, l’espoir des fleurs, l'espérance du monde car sans elles il n’y aurait aucune vie possible sur la Terre. Il n’y a que les industriels trop centrés sur leurs profits et les politiques qui craignent de leur déplaire pour l’ignorer et cracher sur la terre les pesticides qui tuent les abeilles.
Un printemps sans abeilles ce n’est pas un printemps, mais maintenant qu’elles sont là, que les pesticides ne les ont pas encore toutes détruites, le travail d’Adrien est terminé.
Satisfait, il range son matériel puis s’en va se reposer un peu dans son grand jardin lumineux. Il s’allonge dans l’herbe. Comme c’est agréable, comme il est doux le soleil du printemps ! 
Adrien est heureux, son métier est vraiment le plus beau métier du monde.

On le retrouvera peut-être au début de l'été qui sait, il y a tant à faire chaque saison.

©Adamante (sacem)