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vendredi 15 mars 2019

page 138



Acrylique sur papier froissé - Adamante Donsimoni -






Qui vient vers eux, joyeusement salué par l'une et faisant tourner une autre tête tandis que la troisième, attentive au tout jeune No en quête de bras et de la tendresse de tout un village, lui dit doucement de laisser le père Jean tranquille. Nu-pieds dans ses sandales, pli soucieux au front, le père blanc hésite.

La nuit est tombée
les chants sacrés se sont tus.
Ils arrivent bien tard.

Celle qui vient vers eux est Awa, la femme-médecine, qui s'est battue les jours passés à ses côtés pour arracher le petit No à une crise sévère de paludisme.  C'est l'homme qui l'accompagne ce soir qui intimide le révérend père, avec sa toute petite croix de bois sobrement accrochée au revers de sa saharienne, alors que la sienne fanfaronne sur son plastron blanc. Awa, sans relâche, soigne petits bobos et grandes maladies. L'hôpital est à plusieurs jours de marche à travers la brousse. Dans sa sagesse, elle sait bien les limites de son savoir et de ses pouvoirs.

La modernité
ce serait un dispensaire
auprès de l'école.

Qu'importe si le projet est soutenu par une autre chapelle. Les bras tendus de No ont fini de le convaincre. En accueillant Albert Schweitzer1 ce soir, le père Jean est entré en désobéissance. Sa hiérarchie très catholique lui a signifié son refus d'un partenariat dans une lettre qui l'a dévasté. Une lettre qui lui est parvenue au milieu de leur dernière bataille pour la vie. Il est bien loin le temps des images d’Épinal et du séminaire qui ont forgé sa vocation d'aller évangéliser les troupeaux égarés pour leur porter la vérité universelle. Il est bien loin aussi des obsessions de sa tutelle ecclésiale. Après tant d'années d'Afrique loin des cercles de pouvoir des colons et des chefs locaux, il souhaite enfin être vraiment utile aux villageois, concrètement utile.

Combien d'âmes nobles
se sont-elles affranchies
des bas intérêts ?

Libérées des certitudes,
enrichies des différences.




1.- Albert Schweitzer, 1875 – 1965, médecin, pasteur et théologien protestant, philosophe et musicien alsacien, fondateur de l'hôpital de Lambaréné (Gabon) en 1914 et prix Nobel de la paix en 1952
https://fr.wikipedia.org/wiki/Albert_Schweitzer







L'évangéliste...
Père blanc, enfants noirs
Lui en soutane eux en pagne,
L'homme d'église a planté son clocher
Au milieu des huttes
Sur le sol rougeâtre africain...
Père blanc, enfants noirs
Au repas spirituel
Ces prières récitées
Comme leçons de l'instituteur
Dans la p'tite école...
Père blanc, aimé comme un dieu
Des enfants noirs
Criant papa à bras tendus,
Tableau d'autrefois que celui de la foi,
Ces ouailles ont d'autres faims...











Sourires radieux

Demain où seront-ils
Ces petits enfants d’Afrique
Yeux de velours, sourire radieux
Élevés à l'ombre d'une croix
La graine semée
Trouveront-ils leur chemin de vie
Quel monde les attend
Dans le froid de nos villes
Dans l'abîme des rues
Dans le dénuement
Dans l'abandon
Sous le poids glauque de la mer
Si bleue par en dessus
Si redoutable …





Frédéric Chopin - Valse du printemps








J'ai longtemps vécu à dessiner les arbres de la forêt,
Les pierres blanches et les gens du village,
Et derrière chacun et chacune je voyais un Dieu me chérir.

Elle court, oui elle court
Vie et amour logeaient là,
Ici et partout

Lorsqu'il est arrivé, j'ai même dessiné le bon père blanc,
En fait, chaque fois qu'il venait au village :
Et puis vinrent les jours où il nous fit bâtir sa grande case-église

Et avec eux,  ces jours où il s'est mis à regarder

les yeux écarquillés, presque baveux sous les robes,
les seins noirs des fillettes, des filles et de leurs mères
Le Bon père blanc nous parlait le plus souvent à toutes
et parfois à l'une d'entre nous, seule, oh oui ! bien trop seule . 

La vie est partout,
Elle t'adore Little Moussie.
Disait-il le Bon Père.

Un saint homme disaient la plupart et je le croyais aussi.

Et moi, je dessinais, sa soutane blanche, sa croix et ses mains serrées en prière.

Au loin la maison de son Dieu me donnait tant envie de connaître
Cette Vraie Vie qu'il nous avait promise.
Ce soir-là, je l'ai suivi le Bon Père Blanc,
Jour maudit, où il m'a fait voir le démon qu'il cachait sous sa soutane,
Son Dieu d'amour, ainsi le nommait-il

L'amour est partout
Tu dois l'aimer lui aussi
Moussie  fille du pays

Si son démon n'avait pas de logis dans son église,
De tout petit, sous son habit, il a bien grandi,

Pris même toute la place et dans ma vie aussi.

Depuis, je ne dessine plus, je ne vis plus,
Ni ne respire et partout je fuis les églises.

Cours, cours pauvre Moussie
Les seins lourds, le ventre rond
Je te fuis Père Maudit

Ton Dieu Malin , Père Blanc a profané mon ventre, les arbres, les pierres aussi,
et jusqu'aux gens du village qui m'ont chassés de ma case, une nuit.
Et depuis je marche, je marche le ventre lourd et le cœur gros

De cette peur :  qu'un autre de ces Saints Blancs ne m'emmène visiter

les coins cachés de son église de périls et de papier.

Honteuse et perdue,
sur notre terre d'Afrique
Je quête le Dieu Promis

Mais je suis salie, trahie, bannie  plutôt que bénie.
Un bébé de lui dedans mon ventre, moquée de tous, je suis partie
Et oui, petite vieille, sage mamie, je cherche, vois-tu, je cherche ma vie ! Donne moi une pauvr' pièce, un pain ou un fruit ?

De mon village, vois-tu je n'ai plus rien .
Car ce matin, mon dessin, enragée, je l'ai froissé.

Et sur le bord du chemin, dans le fossé boueux, comprends-tu,  je l'ai jeté !










La quête du bonheur


Dans la nuit étoilée
Au-dessus du sol battu de soleil
Les enfants se pressent
Ils quémandent la tendresse
D’un père spirituel
Un père blanc venu évangéliser les peuples d’Afrique
Représentant consacré du père éternel
Sous la protection duquel ils sont promis.

La nuit est déjà là
Un astre dans le ciel éclaire leur rêve de ce paradis
Où les premiers seront les derniers
Où s’égailleront aussi les petits-enfants pauvres
Les petits-enfants noirs
Un paradis plus lumineux que cette étoile
La croix
Accrochée au fait de la petite chapelle
Un paradis lointain pourtant
Bien trop teinté du blanc de l’inégalité
Mais comment pourraient-ils le savoir ?
Ils ont tant soif de spiritualité
Ils ont tant soif de cet amour promis
Ils ont tant à donner en retour

Cette croix qui domine toujours tout
Ils ne le comprennent pas encore
Mais ils la porteront
De prière en prière
De génuflexion en génuflexion
De pénitence en pénitence
Jusqu’à leur dernier souffle
Acceptant jusqu’à l’inacceptable
Pour le mériter ce paradis.

L’enfant de la misère
Quel que soit son pays
Quelle que soit sa couleur
Est un pénitent qui rêve de bonheur
Jusqu’à cette prise de conscience
Cet éveil
Où il parvient à s’affranchir de la croyance.