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vendredi 10 mai 2019

La page 143



Photo du lac Daumesnil -Adamante-




Illusions

Larmes d’en-haut
repeignant la chaussée
d’un miroir magique

En vue aérienne
des ailes d’un oiseau
évitant la glissade
sur un étang d’illusions

Le ciel ouvre les yeux
clin d’œil météo
sur son œuvre du jour







Un soir


Un soir, du haut d'un pont
Un soir de grand cafard
En proie
Aux idées sombres
Vague à l'âme
Le regard flou dans l'eau
Envie de sombrer
Dans le néant,
Plouf et adieu...
  
Un soir, du haut d'un pont
Un soir de grand cafard
En mal de coeur
A corps perdu
Qui divague
Le regard trouble dans la Seine
Envie de me saborder,
Plouf et à dieu...

Tel un mathurin
qu'une sirène attire
Et disparaître

Un soir, du haut d'un pont
Un soir de grand cafard
En proie
Aux idées sombres
Pleine de remous
Grisée de chagrin
Le regard trouble sur l'onde,
Pas d'âme qui vive
Pour me repêcher...

Trouer l'eau d'argent
un soir au clair de lune
Et faire des bulles


 ©jill bill









Les Moires

Il est des matins étranges où les idées se confondent

La Dame du lac
en sa robe de moire
- Aurore*

Le promeneur attiré par l’eau se repose
 Face au miroir du ciel il s'admire

Sur la rive
Narcisse face à son destin*
hésite

Le soir approche
Près de l'eau pousse une plante aux baies attirantes

Dans la clairière
le sombre et profond regard 
de la belladone*

                                                                                                (*Clotho, Lachésis, Atropos)








Eau trouble


Elle a voulu parler
Elle a murmuré, clapoté
L'eau mouvante du port
Elle a psalmodié
Sur un air de Bossa Nova
Les dessus, les dessous
Soyeux et irisés
Sur son flot, sous sa robe
Soûlée de ses balancements
Habitée par une multitude grouillante
Ces poissons que l'on ne voit jamais
Elle renferme le secret des pirates
Enfouis dans les galions échoués
Faut-il le dire ?
Aujourd'hui
Elle brasse le mazout et les plastiques.

Elle raconte à ceux qui veulent l'entendre
La vie des marins, des plongeurs
Les routes vers des peuples lointains
Savez-vous qu'elle peut un jour gronder et s'enfler
Et engloutir en quelques minutes
Comme une bête fauve
Tant et tant de vies !


©Marine Dussarrat








Une page où flottent des lettres
noires bleues blanches
les mots ne sont pas loin
hasard
l'onde écrit ses variations
musique des mots
musique de l'eau
blizzard
apportés par le souffle
une gigue une pavane
une ode une cantate
en vers et contre no
tard
au théâtre de la vie
la phrase est reine
les mots effacent les maux
étendard
la phrase flotte
la phrase nage
sur la page elle libère
Regard

apportées par le souffle
une gigue une pavane
une ode une cantate
en vers et conte no
buvard

© jamadrou







L'eau raconte … Narcisse

L'eau raconte une autre légende de Narcisse

Narcisse contemplait l'eau noirâtre où ne respiraient même plus les bulles d'air des poissons éclatant à la surface. Il songeait à toute cette vie racontée par son grand-père, déjà moins par son père. Il cherchait, cherchait dans ses rides le reflet des cimes aux neige éternelles et des grands chênes à l'assaut des flancs. On lui avait dit qu'autrefois l'eau était si pure qu'on pouvait y apercevoir son propre visage dans l'écrin d'un paysage inversé.

Narcisse cherchait quelle image associer au mot paysage.

Comment croire en cette beauté idéalisée ? Même les miroirs étaient brisés.

Narcisse cherchait quelle image associer au mot visage.
Il s'entêtait, scrutait jusqu'à s'abîmer les yeux. La rumeur d'une foule s'insinuait :

"C'est la faute à Cassandre, la faute à Cassandre ..."

Une foule incontrôlée, incontrôlable. Une pierre, dix pierres ...

"Et toi, papa dis, tu as lancé des pierres ?
- Non. Enfin, je ne crois pas. Je n'aime pas me souvenir.
- Mais tu n'as rien empêché ?
- ..."

Narcisse quêtait l'ombre d'un regret sur la mémoire du visage du père. Juste l'imaginer. Mais non. Même son imaginaire se dérobait.

Il n'a rien fait. Ils n'ont rien empêché.

Là-bas, au milieu des serpents d'écume, n'était-ce pas les yeux noirs de la Terre-Colère ?

La rive est vide. Des cercles dans l'eau un instant troublée viennent s'échouer sur le sol nu.

C'est la faute à Cassandre,
la faute à Cassandre,
à Cassandre.



bonus musical
Henri Des, L'eau c'est de l'or






















Un cheval s’est noyé


Sous le ciel déprimé d’un printemps trop frileux, un lac convulse entre ombre et soleil. Bouche béante, en un dernier cri torturé de silence, un cheval s’est noyé, comme se noie l’espoir des cœurs fermés.

Un hennissement
ultime sursaut de vie
-voracité humide

Des branches esseulées ondoient entre deux eaux. Le souvenir de l’ether lutte contre le poids, mais demain sera vase. À peine quelques bulles crevant à la surface l’instant d’avant l’oubli.

Abandon de l’air
des plumes aux nageoires
l’ultime porte

chemin de transformation
la forme est illusoire.





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4 commentaires:

  1. Bonsoir l'Herbier, toujours aussi riche de ses brins, bravo la compagnie, je sors un peu de ma pause, qui le reste sur mon blog, mais ici, la plume délaissée, me démange quelque peu… ,-) Merci Adamante, ah internet et ses soucis, comme dans la vie… @+ JB

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  2. ce lac bien sombre a la couleur du ciel ce matin !
    Merci pour cette page 143

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  3. Très belle page... merci pour tout.

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  4. oui un lac sombre, et des mots d'encre qui se tricotent entre eux pour tresser une belle gerbe

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Merci de vos commentaires, ici et sur nos blogs respectifs. Adamante