œuvre de Subleyras |
Tout d’abord un mot de Jeanne
« Je te mentirai à moitié si je te dis que je n'ai pas le temps. C'est vrai mais le sujet ne m'inspire aucun mot. Je sais que j'apprécierai les participations des brins.Ce sujet m'a donné l'occasion de découvrir cet article que tu connais peut-être et qui donne des explications intéressantes. »
Le faussaire
La suspicion fait
faire de ces choses
Quand femme trop
belle
Laisse planer un
doute
Et qu'avec un autre
membre viril
Il n'est question de
la partager...
En partance pour ses
affaires
Pierre, époux jaloux,
portraitiste,
S'en va peindre avant
Sur le bas-ventre de
Marie-Madeleine
Un grison, ordinaire, qui aux
frottements s'en irait...
Un confrère de l'époux, ami du couple,
Dès que dos tourné
S'en donna
précipit'amant à corps joie
Aux basses affaires
Avec l'infidèle,
marquée d'un âne, au pubis...
Ce qui devait
arriver, arriva,
Le grison, par leur
sueur mêlée,
Disparut bel et bien, bien et bel
Mais qu'importe, le
rival, artiste peintre, lui aussi,
En remit un à
l'identique, le crut-il... !
A son retour au foyer
L'épouse, soulevant
jupons, baissant culotte,
Montra fièrement l'endroit à l'époux
En signe de sa
soit-disant droiture
Envers lui, lui, ni
nigaud, ni naïf... !
Ah mais l'âne est
bâté, s'indigna le cocu...
Je ne l'avais point
équipé de bât
Vous m'avez trompé,
Marie-Madeleine,
Je reconnais-là la
patte de Jacques-Antoine
Et sa cervelle
d'oiseau... !
Moralité :
« Précipitation
nuit à la mémoire
Et démasque le faussaire pressé de
jouir ! »
Les jeux de l'Amour et les jeux
de la Vie
Le mari :
J'entendais rugir en moi les
lions du désir,
Désirs tout courts un jour. Ils
sont devenus - un jour!- désirs
d'elle,
Désir d'amour, bien sûr, mais
désir d'emprise et de pouvoir, aussi.
Emprise sur la beauté, et sur le
corps aimé,
Emprise de l'homme aveuglé, sur sa jeune épousée
« Emprise de l'un sur
l'autre -oh fol !- qu'il imagine posséder,
Qu'il croit même détenir comme on
détient un trophée,
« Alors que la vie, je le vois bien, ma Mie,
Flux éternel, déborde bien tout
vouloir, et par tous les côtés. »
La pulsion me demandait au début
de prendre,
Puis un autre de tenir et exigea
de garder
Elle était devenue habitude et
puis ferme volonté
Elle exigeait plus de posséder
Que d 'aimer encore et de
servir.
Exigence, oh oui ! exigence
de propriété
« Captation exclusive et
possession permanente ».
L'âne, que je suis, dessina un
âne au pubis de sa moitié.
Et pensa ainsi la savoir garantie dans sa
fidélité.
La Femme :
Il arrive mon amant.
Dans l'escalier :
Montant quatre à quatre les
marches vernissées, je
l'entends...
Mon cœur chavire,
Mon corps aspire et mon Âme
exulte.
Je l'ai aimé mon mari, pourtant,
Je vous le jure, monsieur de
Président...
Mais mon cœur a fané,
Je vous le dis :
« On ne met ni son aimée, ni
sa vie sous la cloche.
On l'aère, on la fait respirer »
Pouvoir de la femme, pouvoir de
la vie,
Pouvoir du désir, pouvoir de
l'amour.
« Je rue sous le poids des
vouloirs,
Je cours où pousse l'herbe verte
de ma liberté. »
Je n'appartiens qu'à moi-même,
J'aspire aux chemins de mon cœur,
J'aspire, toute simple, à ma
propre vérité .
Il l'aura eu, son âne peint,
comme il l'attendait.
Oh ! âne qui devait garantir
ma séquestre !
Mais il aura ainsi perdu mon âme,
Qui elle ne se nourrit
d'aucun foin :
« La vie, je le dis, est
plus puissante que l'imbécile qui l'enferme,
La Vie est plus fantasque que
l'absent, qui voulant la contenir,
Ne réussit jamais qu'à la faire
se flétrir.
L'Amant :
« Nous avons joui ma belle
de nos pauvres heures comptées,
Nous avons joui, ma tendre, de
nous être aimés.
Mais hélas, il revient déjà, le
mesquin voyageur,
Au port, on l'annonce arrivé,
l'autre, misérable barbouilleur!
Il revient, lui qui croit te
tenir avec pleine assurance
Et qui ne sent rien encore du
vide entre ses mains.
Il a mis ta vertu entre les
pattes d'un âne.
Je lui offre, moi, au bougre un
joli pied de nez.
Son pouvoir, je t'assure, j'en
ferai une charge mieux partagée...
Il goûtera le poids du réel, ma
Mie,
Et fort lourde lui sera, je
t'assure, cette vérité.
Il voulait retrouver son âne, je
m'applique, je le jure !
Je te fais au sexe un plus bel
âne encore,
Mieux même, je te le fais bâté.
Il se reconnaîtra,
j'espère ! très bien représenté.
Le Président :
Le monde, misère ! depuis
les origines se chamaille,
Et parce qu'il batifole, il
prospère,
Oui, la vie prend mille chemins
pour dire, sans cesse, son mystère.
Et quoi ? L'on me voudrait
juge ?
Mais juge de qui et surtout
juge de quoi ?
Si les Dieux, eux-mêmes, n'ont
rien pu y faire.
Qu'y ferais-je donc moi ?
Le mari est cocu ? La belle
affaire.
La femme est, aujourd'hui, libre,
Ou comme elle n'a jamais encore
été.
Ira-t-elle vers l'Amant,
ira-t-elle vers le Mari ?
Elle ira, j'espère, vers où le
cœur lui en dit.
Et d'ailleurs, si elle s'en
trouve l'envie, ma foi ! à cette belle épanouie,
Je ne suis pas bégueule, je
saurai faire l'âne comme il faut
Je lui ouvrirai mon cœur et
pareillement mon lit.
L'artiste a peint un
âne
sur les parties
intimes
de sa belle
mari trompé, pas si
bête
il a trouvé le bât
qui blesse !
Avertissement : sans doute un vieux compte à régler
avec les Beaux Arts !
« Navrance » et
vanité
Un âne sans bonnet, il est sur la
tête du peintre. Vanité de la possession masculine dans un milieu où, sur les
murs des beaux-arts, je me souviens, fleurissaient des formules poilues :
« zob
+ zob = zob ».
« Navrance » d’un
milieu dopé à la testostérone pour qui la femme est à immortaliser nue sur une
toile et à baiser le soir entre chansons paillardes et vinasse. Qu’importe l’incongruité du
lieu où on la représente, on peut la voir en tenue d’Ève incarnant la tentation,
assise sur une pelouse entourée d’hommes portant costume et haut de forme.
Vanité !
Le monde de ces hommes a réduit
la femme à se soumettre, celle qui tente de s’en libérer devient une Camille
sublime happée par la folie.
Entre sublime et déchirure, la
stupidité des codes. En photographie par exemple, le vintage vaut de l’or, la
découverte post-mortem d’une œuvre ne vaut que pour le regard.
Vanité !
Que voit cette femme en observant
ce mari ridicule brossant un âne sur son pubis ?
Penchée vers lui elle semble étonnée.
Apparaissant telle une observatrice extérieure, son expression pourrait laisser
à penser qu’elle est en passe d’éclater de rire.
« Pauvre fou ! » la pensée traverse la toile.
Et comment le voit-elle cet
amant, bâtant l’âne pour le réduire à une monture ?
Le tableau ne le dit pas. Soyons
libres d’imaginer. Mais est-ce bien nécessaire ?
Dans la vie et dans l’art, de
Shéhérazade à ces ânes, le piège de l’espèce se referme sur l’errance bipède
où, malgré l’évolution, quelque part encore, une formule lézarde les murs :
« zob+zob
= zob »
Il n'a donc pas été si aisé d'en "parler" vois-je… abstraction de mon texte, j'ai apprécié les autres, pas avare en lignes sur le sujet… De la Torre et toi, Marine droit au but… Merci, au plaisir, JB
RépondreSupprimerBravo à tous trois qui avaient été bien inspiré (accordé au masculin !)
RépondreSupprimerIci, je crois que l'habitude a été instituée d'accorder au féminin et cela ne me gène pas, mais merci d'avoir pensé à moi aussi. Sourire :)
SupprimerJe suis revenue savourer vos écrits et j'ai dégusté vos mots épicés juste ce qu'il fallait. Il y a tant à dire derrière ces images en effet. Et je souris à l'à côté de marine qui a accordé au masculin ... mais pas au pluriel. Au-delà de l'anecdote de syntaxe, j'y vois le soulignement de la caractéristique essentielle de l'Herbier de poésie : des écrits selon la diversité de leurs auteurs, qui forment un tout qui prend sens ensemble.
SupprimerMerci les brins et Adamante pour ce rendez-vous que j'apprécie.
Encore une très belle page. merci l'Herbier... j'avoue ne pas avoir la tête à écrire en ce moment
RépondreSupprimerJ'ai survolé et déjà apprécié. tyrannie de la pendule. J'ai encore mille choses à faire Je reviendrai vous lire et savourer plus posément dimanche ou lundi. en tous cas bravo
RépondreSupprimerj'ai lu dimanche sans commenter, mais ravie de ces écrits. merci
SupprimerTrois morceaux d'anthologie sur la page, merci à vous trois.
RépondreSupprimerUne belle découverte.
Une belle histoire de la vie comme elle est , depuis toujours et pour l'éternité.
RépondreSupprimerMaris cocus, femmes trompées, mensonges cachés qui finissent dévoilés, Femmes vous êtes des ânesses, (je cherche une rime je ne trouve pas , euh ...), hommes n'êtes que des ânes bâtés !
La différence est peut-être le rire, les humains rarement poussent un braiment .
Le vaudeville est d'après wikpédia caractérisé " par une action pleine de rebondissements, souvent grivoise"