Paul Sérusier - Incantation-le bois sacré - 1891 DR |
TANKA PROSE et HAIBUN forme classique
Oncle Paul :
J’ai regardé l’image, j’y ai ressenti la minuscule flamme allumée dans les yeux d’un enfant, devant un aïeul, impressionnant et mystérieux, son oncle Paul.
Je me suis remémorée les mots de mon père plein d’admiration et de reconnaissance pour les talents d’un grand-oncle et ses conseils d’antan. Pour tenir un crayon, il a guidé la main d’un petit garçon qui n’a jamais oublié les leçons de l’artiste qu’il rencontrait, parfois, au fond du jardin de sa Bonne-Maman.
le pavillon
atelier de fortune
d’un oncle artiste
pour saine curiosité
d’un bambin en bas âge
Histoire de famille, se transmettant d’une génération à l’autre. L’oncle n’était-il qu’une ombre aperçue de temps en temps ? Son inspiration était bretonne plus que parisienne.
plaisir des vacances
parcourir la Bretagne
ses côtes et ses terres
à la recherche des racines
qui furent les siennes les nôtres
Chère Bretagne, et sa région d’Huelgoat, les légendes y abondent. Elfes et fées y hantent encore les forêts envahissant de leurs charmes les âmes confiantes. N’était-ce point là que Merlin l’Enchanteur acquit ses talents ?
rouge la forêt
des druides y sont druidesses -
cultes régionaux
sur la roche qui sommeille - (j’y vois une bête assoupie)
allumer la flamme
Recueillies et attentives, perpétuer les traditions en s’alliant les esprits des lieux. La fumée comme langage d’un rite immuable, les femmes entretiennent spiritualités et traditions.
Adulte, j’ai découvert le peintre, l’école de Pont-Aven, les nabis, Le Pouldu, Huelgoat… Huelgoat, village du centre de la Bretagne dont l’oncle Paul aimait les profondes forêts obscures, les énormes rochers de granit et la riche tradition folklorique. C’est là qu’il développa son style personnel, évocateur de ses propres intérêts philosophiques et spirituels… La Bretagne, malgré les années vécus à Paris, représentait pour lui son refuge artistique et ses sources d’inspiration. La grande guerre lui fit revenir sur ces terres de prédilection qui devinrent les siennes. Il s’y installa à Châteauneuf-du-Faou où comme l’a écrit mon père : « Il a trouvé un havre pour ses méditations et a confié les couleurs et les courbes de la vallée de l’Aulne à des toiles qui, ambassadrices bretonnes, parcourent le monde » …
J’ai regardé « incantation – le bois sacré », j’y ai vu tant de souvenirs, tant de recherches d’une découverte venue tardivement, dans ma propre vie… Je me suis laissée emporter au-delà du tableau, partageant avec vous, ce que je sais de Paul Sérusier, frère de mon arrière-grand-mère.
un tableau suffit
et resurgit l’histoire
d’un grand-oncle artiste
une photo en héritage
son autoportrait enfant
P.S.
autoportrait enfant
Livre de référence pour mieux connaître l’artiste et l’œuvre :
«Paul Serusier, peintre de la Bretagne» de Caroline Boyle-Turner malheureusement ce livre est épuisé & non réédité,
Il peut éventuellement se trouver dans une bibliothèque ou s’acheter d’occasion.
dans le pavillon |
Le Bois Sacré ou la forêt mystique
La forêt bretonne est un lieu privilégié de légendes mystérieuses aux nombreux rites. Ce tableau de Paul Sérusier " Incantation"- "le bois sacré" en est un vivant témoignage.
dans le Bois Sacré
une bretonne à genoux-
une forêt-temple
offrande dans une coupe
un rituel pour le feu
Trois bretonnes assistent à cette étrange célébration proférée dans une forêt dense où tout est symbole. Le Bois sacré de Sérusier est tout imprégné du poème symboliste "Correspondances" de Baudelaire.
« La Nature est un temple où de vivants piliers / Laissent parfois sortir de confuses paroles; / L’homme y passe à travers des forêts de symboles / Qui l’observent avec des regards familiers".
le bois est sacré
vivants piliers le murmurent
quête des paroles-
l'incantation y conduit
le chemin tracé en nous
Le bois sacré est le théâtre d’une révélation et d'une communion étrange des personnages avec la nature et avec des puissances surnaturelles.
célébration
la roche porte la flamme-
le feu sacré
porté par un animal
est-ce l'esprit de la roche?
On peut voir dans le paysage un animal endormi paisiblement. Sa couleur vert ocre lui permet de se fondre dans le reste du sous-bois.
Tout concourt à souligner le caractère spirituel ou métaphysique de cette scène qui tient de l'envoûtement.
divine incantation
écho de correspondances -
la forêt envoûte
"les parfums, les couleurs et
les sons se répondent" extrait de Correspondances de Baudelaire.
L'agencement des couleurs va dans ce sens également. « Se rappeler qu’un tableau est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées. » suivant Maurice Denis 1890.
Le mouvement "Nabi" auquel appartient Sérusier, simplifie les formes, il réduit la palette de couleurs, la perspective a été bannie comme dans les estampes japonaises.
"Nabi » provient d'un mot que l'on retrouve aussi bien en arabe qu'en hébreu et qui signifie « prophète, inspiré ».
Ainsi, le brun rouge des arbres sans feuilles donne à la forêt un aspect démesuré , le vert ocre du sous-bois par sa clarté pourrait symboliser la révélation suprême, ils contrastent avec les bleus violet des habits des trois femmes bretonnes resserrées autour de l'autel surnaturel.
Claudie Caratini
Le 26/04/2024
J'ai souri aux remarques pertinentes de LVM sur le respect des règles d'écriture de la poésie japonaise.
En laissant à mon tour mes neurones vagabonder sur la peinture de Paul Sérusier, j'ai hésité entre plusieurs chemins de mots et de sens entre respect et transgression de formes. Je les partage avec un brin de malice sans choisir :
"En ta paume mon verbe et ma pensée". Telle est la devise des Nabi qui signent leurs échanges épistolaires de leur surnom et du sigle « ETPMVMP ». Est-ce ainsi que pensait le maître en activant son pinceau dans le souvenir de la forêt du Huelgoat ? Ou vagabondait-il du côté du roc au Chien dominant en forêt d'Andaine les thermes et le lac qui, dit-on, aurait été celui du Lancelot de la légende du roi Arthur ?
Les mains en offrande
humble incantation de Grâces
chaudement (chastement) vêtues
Au feu, au vent, à la pluie
tels (quels) mantras dans leurs paumes ! (?)
Trois Grâces rhabillées
au vent mauvais de l'Histoire
conjurent (conjuguent) leur(s) destin (desseins)
Chastement ou chaudement,
Quels sorciers (sourciers) pour quelles suppliques ?
©Jeanne Fadosi, samedi 27 avril 2024
hors champ :
C'était l'an dernier en 2023, une exposition qui m'a fait redécouvrir les nabi entre autre et Maurice Denis en particulier :
Yvelines | Les Femmes mises à l’honneur au Musée Maurice Denis - YouTube
NB. le musée est actuellement fermé en cours d'accrochage d'une nouvelle exposition
Les secrets des bois rouges
Pourquoi les filles de la Terre, quand vient la nuit et que s'allument les étoiles, vont-elles en procession vers les bois rouges aux arbres nobles et majestueux à la surprenante écorce couleur acajou, qui peuplent cette forêt étrange ?
Vers quel mystère, vers quels secrets avancent-elles, paumes offertes dans cette atmosphère scintillante de magie et de murmures ?
Le noir apprivoise leur prière, les arbres sous le charme et tout le petit peuple écoutent leur incantation et répondent par des bruissements de feuillage, de chuchotements, tandis que les oiseaux du soir survolent l'ombre, que les lucioles brillent sous les fougères.
sous l'écrin de nuit
leurs mains chargées d'offrandes
la grâce suspendue
Elles portent leur regard, leurs battements de coeur vers l'espérance d'une aube nouvelle, d'un autre chant venu sauver
le jour.
sur les écorces nues
un flamboiement de mots
cette voix d'amour
qui les emporte là- bas
au-delà des frontières
Balaline
http://mado.eklablog.net/
30/ 04/ 2024
Bonnes femmes et forêts
Elles offraient des présents à la Terre pour célébrer la vie, le germe et la croissance.
Par leur dévotion, conscientes de leur juste place au sein de la création, elles exprimaient la reconnaissance de l’esprit respectant la matière. Invitées de la forêt, elles venaient y prendre la part nécessaire à leur subsistance et lui offraient en partage le rituel de leur reconnaissance.
Au travers de l’image, j’entends leurs incantations, leurs prières s’élever avec la fumée de l’encens, pour porter la voix de leurs cœurs jusqu’aux esprits de la Nature, endormis. Rituels de sympathie oubliés, établis dans les règles respectueuses de l’équité.
Quand arriva le schisme, quand le désir et l’envie, les appétits insatiables, la soif de l’or et de l’argent instituèrent les coupes, les destructions, les chasses, le viol fut, quasi légalement, institué au nom de la loi du plus fort. Partout sur la terre, ce fut la déforestation.
La forêt est un monde à part où les arbres, depuis la nuit des temps, unis en confrérie végétale, tissent avec leurs racines un réseau de connections solidaires. L’âme animale y repose, offerte et confiante en l’humus nourricier et l’ombre protectrice. L’image la représente assoupie, tel un nouveau né sans défense, et malgré tout serein.
La forêt connait depuis toujours la nécessité, pour survivre, de l’engagement respectueux du fort pour le faible, sagesse silencieuse ignorant la vantardise.
La force, tant vantée par les hommes, cette chose grossière et caduque, ne s’exprime jamais que par la domination et le combat. Elle est bruyante, irrespectueuse, elle est folie.
La ronde des saisons qui régit toutes vies, est un parcours initiatique qui ramène chacun à son point de départ. Nul jamais ne peut s’en extraire. Plus forte est la résistance et plus rude est la chute, l’issue n’en est que plus affligeante.
Dans ce tableau, le caché recèle une force occulte dont la porte est interdite aux êtres superficiels ou vaniteux. L’âme féminine à l’honneur semble l’avoir toujours su. C’est, à n’en pas douter, aux yeux du grand, du fort, du dominant, une affaire de « bonnes femmes » que de savoir que les plus grandes douleurs saignent en silence et que la force ultime tient dans la résilience.
aux pieds des géants
un esprit s’est endormi-
prière des femmes
l’âme de la Terre frémit
une caresse d’étoile
Adamante Donsimoni 28 avril 2024
https://le-champ-du-souffle.blogspot.com/2024/05/bonnes-femmes-et-forets.html
LES AUTRES FORMES
Ainsi meurent
Le bois a bien changé
Depuis le Petit Chaperon Rouge
Le loup n'y est plus
Des prêtresses y opèrent
Nus pieds
Lotion sacrée à la coupelle
Formule magique
Paroles rituelles
Pour chasser les mauvais esprits
Un mauvais sort
Au milieu des arbres tannés
Religieusement
L'une, agenouillée,
Convoque les Esprits du bien
Finite Incantatem, Finite Incantatem
Ses soeurs
Aalis et Clervie
L'y assistent, fidèlement
Le mauvais sort
« La bête »
Se consume en mille poussières
Finite Incantatem, Finite Incantatem
Ainsi meurent les oiseaux de mauvaise augure...
Culte à ciel ouvert
à la demande d'un maudit
Désenvoûtement
jill bill
Errance dans le sous-bois
En sourdine des sons violonnesques
La fumée étend son voile
Gestes tabous et ancestraux
Une femme tend sa main
Incantations, introspection
Deux disciples l'accompagnent
La nature suspend son souffle.
Tout est silence
tout simplement et sans bruit
le sacré s'invite
Dans le cycle de l'existence
L'esprit des hommes a besoin
De ces gestes
Et du feu qui les transmute
Remet la vie en mouvement
En magnifiant
Les chagrins, les peurs et les doutes
Marine Dussarrat
posté sur Sous le soleil impunément
https://dans-les-voiles.over-blog.com
Préambule : c'est un poème de l'instant ;
pardon de me permettre, merci de me permettre,
aujourd'hui, de déroger consciemment aux règles
z'et aux contraintes de l'Herbier.
(voir réponse de l'herbier à la fin)
À la manièr' (4)
De Beau de l'air (4)
Sois sage euh ô Mémé et tiens-toi plus tranquille
Tu réclamais le soir il descend le voici
Ta vie faut la finir dans l' EHPAD de la ville
Un li- ion bienveillant sur son dos t'y conduit
Tu aimes la Peinture ? un Sérusier t'attend.
Dans une forêt rouge sont de pures vestales
Qui t'accompagneront, crois-le, jusqu'à l'Étable. *
Tu aimes la Musique ? Avèque ou sans vent ?
Un trombone bouché répond au violoncelle .
Sur leurs pieds déchaussées marchent des demoiselles.
Cern' euh bien les contours, ô Mémé, de l'image.
Le Peintre avant toi y a mis tout son coeur
Des bleus des verts des jaun' sortis directement
Des tubes de couleurs s'étalent sagement .
* le bercail ou bien la crèche
La chute :
Sauras-tu l'imiter et les laisser chanter ?
Sans forcer plus longtemps ?
..... Pauvre petit hommage !
https://youtu.be/O7Fo_10wsw8?feature=shared
Françoise Isabel à Lyon le 19.04.2024
http://leblogdelavieillemarmotte.over-blog.com/tag/marmotte%20aime%20taquiner%20la%20muse/
publication dans l'HERBIER er +++
Réponse de l'Herbier :
Ah Mémé, tu pousses la rime un peu loin, avec ton air Beau de l'air. C'est vrai, ici la rime est une indésirable, mais passons...
Accueillons donc l'intruse qui mourait ce matin de chatouiller sa muse, et à l'instant présent.
Pour vous donc, et très spécialement en ce moment si important :
Allez, Dame Marmotte ! levons nos verres aux rimesÀ toute nouveauté qui s'invite en ces lieuxNe soyons pas obtus, mettons-nous en abîme
Et laissons à la porte, les frustrés, les grincheux.
L'EPAHD qui cent fois accueillit les mamies
Sait-il ce qui l'attend ? En prend-il la mesure ?
En ce moment présent, c'est un vrai tsunami
Qui à sa porte sonne, et il a fière allure ! AD
Bonsoir Adamante et toutes.... à chaque fois au rendez-vous illustration avec des textes, suivant son inspiration, ses façons, superbement tournés ! Merci, au plaisir, amitiés, jill
RépondreSupprimerQuelle page ! Que d'intensité ! J'en reste coite, non sans émotion et pleine de gratitude...
RépondreSupprimerDans le cadre, hors cadre, peu importe, la force et la richesse des mots sont là.
MERCI !!!
Et pour commencer en beauté une journée si importante pour moi, un clin d'œil aux brins internotes de l'HERBIER de poésies. À chacune, une pensée toute particulière.
RépondreSupprimerComme d'habitude chaque texte me demande relecture, ici ET sur les terres de chacune.
De bonds, en rebondissements (!) je continuerai dès que j'aurais une connexion plus confortable que celle de mon téléphone. Amicalement
Je pense très fort à toi, Françoise. J'ai beaucoup aimé ta façon de contourner les règles, avec humour et profondeur. Amitiés
SupprimerMerci Adamante, d'accueillir toutes ces formes et toutes ces inspirations, c'est super !
RépondreSupprimerBonjour Adamante et tous les brins
RépondreSupprimerMr Paul et ses énigmatiques bois rouges ont laissé galoper notre imaginaire sur différents chemins avec des textes très inspirés. Merci à toutes.
Pour Claudie :
RépondreSupprimer« le chemin tracé en nous »
En effet, la forêt est un temple qui ici symbolise bien nos espaces intérieurs, l'ombre qui nous rapproche de la lumière.
J'aime particulièrement le final :
« Ainsi, le brun rouge des arbres sans feuilles donne à la forêt un aspect démesuré , le vert ocre du sous-bois par sa clarté pourrait symboliser la révélation suprême, ils contrastent avec les bleus violet des habits des trois femmes bretonnes resserrées autour de l'autel surnaturel. »
C'est là une critique d'art documentée et fort intéressante, une critique en tanka prose. Merci Claudie.
Bonjour Adamante, ainsi qu'à tous les brins,
RépondreSupprimerJe n'ai pas vu passer cette proposition de l'Herbier. Dommage. Sérusier a un style que j'apprécie avec gourmandise. Quelle belle palette! Son tableau a magnifiquement inspiré chaque brin. Clap! Clap! Clap!
Claudie,
Tout comme Adamante, j'ai été sensible à ton côté critique d'art. Quel ou quelle artiste-peintre ne le serait pas?
"divine incantation
écho de correspondances -
la forêt envoûte
"les parfums, les couleurs et
les sons se répondent" extrait de Correspondances de Baudelaire."
Beaudelaire: je n'ai pas souvenir d'avoir lu ses Correspondances. Aussi, ma culture te remercie.
Toutes ces couleurs me font vibrer, à l'image de celles de Van Gogh et des fauves. Des contrastes forts que mes yeux absorbent comme un buvard, des teintes qui font chanter mon cœur!
Un bel haïbun, Claudie! Bravo!
Bises amicales
;)
Pour Claudie
RépondreSupprimer" Ton bois sacré " nous offre un voyage riche dans les couleurs, les formes, le surnaturel, le mouvement Nabi ainsi que quelques vers de Baudelaire .
Merci du partage.
De Françoise VM : merci pour vos commentaires sur mes terres.
RépondreSupprimerClaudie, j'ai beaucoup aimé !
Adamante, quelle répartie ! À l'aise aussi bien dans que hors du cadre ! Je n'en attendais pas moins !!!!!
À bientôt pour le Renga !
et le plaisir de relire cette belle page riche en émotions
RépondreSupprimerBonjour Adamante, merci pour ce billet qui fait de la beauté une importance capital et merci aussi de faire référence aux Correspondances de Baudelaire. Délicieuse fin de semaine à toi.
RépondreSupprimerBonjour, Adamante et les Brins
RépondreSupprimerMerci à vous qui avez déposé un commentaire sur mon billet que j'ai fort apprécié.
Bien amicalement
Claudie