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jeudi 26 octobre 2017

la page de Luciole autour des herbes 87

 Voici la page de Luciole autour des herbes

 






Je ne vous oublie pas...









1er Jour : « La Grenouille »

L’Enfer tout entier s’est transféré dans mon Jardin. Ses élans incendiaires pavent de larges chemins de terre craquelée et d’herbe brûlée. Les arbres sales et roux se décharnent.
L’audace indomptable d’une longue file de fourmis traverse la poussière sans peur des caprices du bouillonnant soleil, sans se détourner de sa voie…
Une éternité caniculaire court sur les jours, et les nuits sont fébriles.. Les vents du Sud ont drainé tous les nuages sur leur passage….
De sécheresses en inondations, de cyclones en tsunamis…. Le changement climatique nous talonne !
Une utopie libertaire vaniteuse met au cœur des Hommes une hostilité farouche envers sa Terre nourricière, envers son frère….
« Un jour, une grenouille fut plongée dans l’eau froide d’une bassine que l’on porte à ébullition. La grenouille, fort surprise tout d’abord, s’habitua, s’adapta à la chaleur progressive et … finit ébouillantée ! »
L’Humanité est ainsi ! Elle sait « qu’elle est en train de cuire », mais elle persiste à rester « dans la marmite » au lieu de réagir.
« Al Gore » utilise cette fable en 2009 dans le film « une vérité qui dérange » pour illustrer la manière dont l’Humanité court à sa perte, si elle ne cherche pas les solutions adéquates au lent réchauffement climatique de la Planète.
Seul le lierre prospère ! Il déploie en tous sens sa profusion. En amant vorace, il dévore muret et arbres, se couvre d’insectes butineurs.
Et là, au pied du mur, au cœur de cette exubérance, s’épanouit une tendre pousse d’herbes, verte encore, comme un printemps de vie.
Le champ des possibles est immense !


2ème Jour : « Les bruits du monde »

Aujourd’hui, l’azur est si limpide que je pouvais presque apercevoir l’Éternité à travers les espaces.
Des espaces aux lentes métamorphoses en ce petit matin… Mon âme paresseuse porte mes pas vers le murmure feutré du lierre.
Pas un souffle de vent ! Tout est figé dans l’immobilité. Quelques bruits d’ailes dans les arbres, bientôt suivis par le joyeux gazouillis des oiseaux, vaquant à leurs affaires.
Les premiers rayons du soleil balaient déjà la Terre.
Tout autour des frondaisons craquèlent les feuilles mortes sous mes pas… Je vais rendre visite à mes Brins d’Herbe.
Témoins de la violence du monde et de la vie, ils se déploient avec ferveur dans la douceur de l’air, prêts à affronter tous les dangers sans se lasser.
Leur obstination sereine m’interroge. Simplement être !
Accueillir ce qui est. Accueillir l’éphémère de ce qui est, de l’instant qui passe et puis s’en va… même s’il me défait, même s’il me dérange. Accueillir la course du soleil sur un monde déclinant…


3ème Jour : « Le brouillard »

Durant la nuit, le ciel était tombé sur la terre.
L’incertitude grise d’un brouillard épais nivelle toutes choses et les noie dans un silence lourd et pesant.
La brume muselle le soleil… Seule une trace de jour tremblote dans la grisaille.
La terre boit l’eau du ciel avec avidité.
Perdue dans cet air matinal confiné, j’avance comme une étrangère dans mon Jardin, le corps revigoré par la soudaine fraîcheur.
Comme le monde ne cesse de tisser autour des Humains ses réseaux, le lierre lance ses bras fantomatiques dans l’infini gazeux, au dehors et au-dedans de la Terre nourricière…
Une araignée a tricoté le temps en une dentelle légère, comme une parure de diamants, entre les bras ligneux du lierre, sur le passage des insectes butineurs..
Le brouillard transforme la toile en piège à eau. Eau et toile s’entremêlent !
Dans un étrange clivage entre monde de soie et monde à soi, me revient brusquement la sage réflexion lue de Pierre Rabhi que j’apprécie beaucoup :
« L’Homme se trouve actuellement dans une série d’incarcérations. De la maternité à l’université, on est enfermé. Du bureau, on passe au « bahut ». Tout le monde travaille dans des « petites » ou « grandes » boites. Pour aller s’amuser, on va « en boite » avec « sa caisse ». Et puis, vous avez la boite où l’on stocke les vieux…. En attendant la dernière boite…. Existe-t-il une vie AVANT la mort ? »
« Nous ne quittons jamais le parc du bébé » suggère Idriss Aberkane. « Nous en créons d’autres, intellectuels, politiques… auxquels nous cédons notre volonté »… » (magnifique livre « le Cerveau »)
Tant il est vrai que se « faire une place » dans le monde actuel est rude. Chacun s’accroche désespérément à celle qu’on a, quelque soit le prix ! Sommes-nous libres ou bien conformes au moule du monde ?
Le presque visible, l’apparente réalité diluée que révèle le brouillard s’ordonnent selon le regard et la rêverie angoissée d’une grand-mère qui crie dans le silence ouaté.
Seuls les Brins d’Herbe, sous la magnifique rosace aérienne où se cristallisent l’eau en suspension de l’air, se redressent tout joyeux, ivres de la vie bue sur le fil fragile du temps….
Dans l’absence du jour demeure une lueur !


4ème Jour : « Métamorphoses »

La Vie est chose lente… et pourtant, pendant notre absence d’une dizaine de jours, mon Jardin s’est transformé !
Dans ce matin limpide, la respiration s’est rafraîchie et le crissement des feuilles est immense. Le vent a fait des feuilles rousses des amas sombres qui exhalent des fraîcheurs de sous-bois.
Que les choses sont belles quand la lumière les baigne !
Tout s’illumine de gaîté sous ce fragile ciel bleu. L’indolence qui s’étire, ivre soudain d’un rêve allègre, s’agite et s’ouvre enfin à l’amoureuse pureté de l’air.
Un oiseau invisible égrène inlassablement ses trilles.
A ma grande surprise, dans la paille rase et jaunie des herbes brûlées folâtrent des pousses d’herbes vertes emperlées de rosée.
Serais-ce enfin le baiser maternel de la pluie versée, qui serait entré dans la terre brisée par trop de flamboiements solaires ?
Un souffle qui court par-delà tant de millénaires jette ses semences dans la terre à nouveau féconde.
Cependant, l’air déjà regarde ailleurs… la lumière est changeante… et le soleil qui baignait éternellement dans l’or baille et s’évade dès 17 heures..
Il faudra bientôt prendre goût aux pluies glaciales, au vent tourbillonnant des chemins froids.
Le grillon a cessé sa chanson !

Les insectes bourdonnent toujours dans le lierre, et l’araignée s’est cachée… Sa toile s’illumine de pierres précieuses…


5ème Jour : « Tais-toi ! »

« Tais-toi, cesse de t’agiter » semblent aujourd’hui m’ordonner les Brins d’Herbe nichés au cœur du lierre.
Mes Brins d’Herbe murmurent des choses étranges.
Mes yeux aveugles essaient de les contempler. Je sais que je fais partie de tout ce qui vit, de tout ce que j’ignore… Se blottir dans leur  silence… Faire taire cet égo trop présent… Partir en rêveries sur les ailes du vent…
Remercier la palpitation de la lumière qui donne la vie. Les animaux, dont je fais partie, savent-ils qu’ils naissent de l’air, des végétaux, des eaux et même des pierres ?
Sans les végétaux, parure de la terre, celle-ci ne serait qu’un désert… Est-ce surprenant que leur apparition précède celle du règne animal ?
Je suis si fragile et dépendante… Les Brins d’Herbe respirent le même air que moi, mais ils n’ont pas besoin de moi… Je tire mon énergie des végétaux et de la chair des animaux qui… se nourrissent des végétaux… Mes vêtements proviennent de la laine des bêtes et des espèces végétales…
Tous mes futurs sont dans la graine, née du vent, de la lumière et des feuilles tombées, sous les gouttes qui tombent…
La terre est vivante sous mon corps immobile ! Sa respiration est ma respiration… mais la terre peut très bien se passer de la mienne…
« En faces des effroyables menaces que l’Homme fait peser sur lui-même, on doit se demander s’il pourra se sauver autrement qu’en se dépassant » (Jean Rostand)
« Sans la relation avec la Nature, l’Homme meurt à sa relation au monde et aux autres »



6ème Jour : « les néonicotinoïdes »

Après-midi bourdonnant auprès du lierre, dans la chaleur poisseuse d’un ciel d’orage…
J’ai l’âme en peine !
J’aimerais louer tout ce petit monde aérien, tout ce qui pousse, tout ce qui vit au-dedans et au-dedans de la Terre… par tous les temps… et dans le Temps… avec une obstination millénaire !
Aujourd’hui, l’avenir butte à demain ! Il est déjà presque trop tard !
« Un nouveau pesticide néonicotinoïde, le sulfoxaflor, vient d’être autorisé en catimi en France, vidant leur interdiction de 2016 de sa substance ». Leur toxicité est pourtant en cause dans l’effondrement des populations d’insectes, et leurs effets nocifs sur la santé humaine inquiètent (Libértion.fr) »
Oh bien sur, les sursauts coutumiers de la vie sont inévitables, mais là, je ne peux comprendre …
A peine la lumière perce-t-elle que les ténèbres l’avalent .  Loi interdisant ces pesticides en 2016 bafouée en à peine un an.
Et pourtant, les scientifiques affirment avec force et courage que ¾ des espèces d’insectes ont disparu en 30 ans (75% entre 1989 et 2017)…
Les études, les mises en gardes des scientifiques démontrent que les intérêts financiers de quelques uns passent avant la santé des populations. Le monde industriel a perdu le sens !
Les insectes rendent un immense service à l’Homme. Non seulement dans la pollinisation des fruits… mais également dans le nettoyage naturel… Comme dans mon Jardin, les « forêts vont se retrouver avec une litière de feuilles mortes en permanence sur le sol »…
Savent-ils, ces assassins, que certains coléoptères se nourrissent de bouses de vache, débarrassant l’herbe des pâtures de ces excréments qui condamneraient certains espaces pour les troupeaux ?
L’insecte est indispensable également à la nourriture des vertébrés insectivores comme les chauves-souris, les hirondelles et bien d’autres encore…
La mort des abeilles, des bourdons, des papillons et de beaucoup d’insectes est-elle programmée ?
Ces industriels cupides vont-il rayer 65 millions d’années d’évolution laborieuse de la
Planète ?
Tout en sachant que les effets de ces substances d’une très haute toxicité sur l’humain, notamment sur le développement du cerveau – surtout chez les enfants – inquiètent les spécialistes de la médecine… sans parler de leur impact sur les eaux !
Les lobbys sont puissants…. « Y a-t-il un pilote dans l’avion » ?
Finalement, je suis heureuse que mon Jardin soit d’humeur folâtre ! Les pissenlits et même les chardons sont si beaux quand ils fleurissent !
Il faudra qu’un jour je vous parle de mes 20 ans en symbiose avec les abeilles… avec mon mari apiculteur…. Abeilles qui portent la clé de l’Univers…
L’Homme s’éloigne de jour en jour du paradis terrestre ; sa cupidité est sans limite !
« Chargés comme l’abeille, les Hommes périront comme elle sans le butin doré qu’ils n’auront pu sauver » (Louise Ackermann – contes et poésies – 1869)


Luciole 83


 

4 commentaires:

  1. Un grand merci Adamante... D'autant qu'il semble t'avoir posé bcp de travail ! Je t'embrasse et à bientôt

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  2. Bravo! Quel travail entre culture et poésie, entre science et musique des mots!
    Beaucoup d'alarmes à répéter, encore et encore pour qu'au moins un peu, l'on reste conscient. Bruno Bettelheim a écrit sur un tout autre thème: le cœur conscient. Voici ce qu'il nous faut avoir. Un esprit clair et un cœur conscient. L'un pour borner les excès de l'autre. Bonne continuation Luciole 83

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  3. Un grand merci Serge ! Je suis si heureuse que mes textes te plaisent ! C'est un honneur pour moi...Tu écris si bien et surtout tu as l'art de la concision, ce qui me manque bcp !
    Je connais Bruno Bettelheim ou tout du moins son livre sur son interprétation des contes... et il m'avait passionnée ! il faudrait que je le retrouve dans le fatras de ma bibliothèque.... Il y a tant de livres !
    Mais pas celui dont tu me parles ! je vais le commander !
    Amitiés

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  4. Voici plusieurs fois que j'essaie de lire tes textes en cliquant sur le lien de Blogspot et Firefox refuse d'ouvrir les pages ???
    Je suis désolée...
    Je vais essayer autrement !

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Merci de vos commentaires, ici et sur nos blogs respectifs. Adamante