Translate

lundi 9 décembre 2024

Page 240

 Du haïbun à la prose de l'instant, le conte a murmuré à l'oreille des Brins.

Frissons et bonheur garantis. 

Belle lecture, ici et ailleurs, et merci pour vos commentaires, ici et là-bas. AD

 

Photo A.B.C.


La facétie



Fenêtre de manoir, hanté,

On dit, on dit, tant de choses

Tant de choses, qu'on croit voir

En plein jour ou

Par une nuit sans lune

Deux esprits

Deux revenants

En ces lieux inanimés, à la vente.


On dit, on dit, tant de choses;

Le curé les a vus

Sa bonne les a vus, aussi

La commère les a vus, pareil

Le maire, l'instituteur...


Le baron et sa baronne

De la blancheur d'un flocon

Visage vide, fantomal.


L'enfant d'choeur

Qui n'en est pas un, se rit de sa farce,

Pinceau trempé dans l'amidon...



Une apparition

met en émoi le village

Blanche facétie



jill bill







Les Damoiselles

 

De génération en génération, en cette ferme se conte et se raconte l’histoire de deux sœurs. Jumelles ou pas, personne ne s’en souvient plus très bien. Il semblerait qu’elles avaient quelques mois de différence, juste le temps nécessaire pour qu’un enfant succède à un autre enfant. Ainsi allait les jours de femmes dans les logis d’autrefois. La mère chez sa belle-mère dans l’exploitation du beau-père où travaillait le père... 

 

Nourrir la maisonnée, l’entretenir, offrir une descendance, la basse-cour en héritage, sans autre perspective que le changement de rythme avec celui des saisons. 

 

Les deux sœurs, seules filles parmi une demi-douzaine de garçons, étaient inséparables. Les confondant toujours et mélangeant leur prénom, les gens d’ici parlaient d’elles comme les oiselles. 

 

Les oiselles, deux pipelettes sautillantes qui couraient la campagne, sans se soucier, ni des travaux ménagers, ni des rires des garçons espiègles les poursuivant de leurs balourdises...

 

Les oiselles, deux voix chantantes qui résonnaient à la ferme, à l’écurie, dans les granges, sans que personne ne sache jamais où elles iraient fouiner... 

 

Les oiselles, les deux premières qui refusèrent le mariage, la belle-mère, les bambins et les corvées... Les garçons se détournèrent des travaux agricoles, allant chercher en ville un autre avenir. La place étant libre, elles devinrent maîtresses à bord, entretenant, cuisinant, randonnant à pieds ou à cheval... Pionnières du tourisme à la campagne, elles aménagèrent les lieux, avec succès, en gîte d’étape. 

 

Les années passant, oiselles elles furent, oiselles, elles restèrent, seul leur surnom évolua en Damoiselles. Toute leur vie, indissociables, sous le même toit, ici elles naquirent, ici elles moururent. 

 

De nos jours, il se dit, au village, qu’en cette ferme-là les Damoiselles rodent et furètent toujours... Personne n’y croit, mais tout de même... Les gens qui y vivent racontent, à qui veut bien s’y fier, que, la nuit, elles font régulièrement l’inventaire des lieux. Oui, Ils en sont persuadés, et moi-même je les ai vues, silhouettes diaphanes, un matin de grand froid, derrière une vitre du rez-de-chaussée... Une simple preuve photographique et la légende Damoiselles rebondit. Les langues n’ont pas fini de conter...

 

oiselles fantômes
en la ferme d’autrefois –
les vitres témoignent


 

ABC 







Fantômes intimes



Deux phares ont soudain éclairé la maison endormie.

Dans le jardin s'ébrouent quelque oiseau nocturne et un hérisson.

La lumière intruse les a dérangés, réveillant les fantômes du passé.


L'enfant écorché vif s'est réveillé au ululement. Il a suivi du regard les phares s'éloignant. La chouette a retrouvé ses esprits. Le hérisson s'est mis à l'abri. L'enfant ne les a pas vus. 


L'enfant de l'exil frissonne. Il revoit dans la nuit les drones rodant, l'immeuble non loin qu'on avait éventré. Il n'ose pas réveiller sa maman apaisée. 


Longtemps les images

de sa tragédie intime

resteront gravées.


©Jeanne Fadosi, dimanche 1e décembre 2024









Deux figures dans le noir



Bonjour Madame

bonjour Monsieur dans ce flou

je vous vois mal


- Moi de même dit le visage blanc, je vous imagine dans ces ombres vespérales,  

je scrute, au jugé...

- Attendez-vous quelque chose de moi ?

- Et vous ?

- Silence...

- Je ne crois pas... Je vous fais peur, peut-être 

- Il y a un peu de cela dit la Marquise


Fi des heures sombres

je vis l'instant et le jeu

laissez moi le temps

        


 @marine Dussarrat








Un regard...


Le soleil était levé depuis longtemps déjà et éclairait la façade de la maison, une belle journée commençait.

Levée de bonne heure, je dégustais une tasse de café en me promenant au jardin qui bruissait de chants d'oiseaux, le chien me suivait, inquiet et pleurait de temps à autre, un je ne sais quoi de lourd mêlé d'une peur en filigrane m'oppressait aussi, je la mis sur le compte de ma nuit agitée pleine de cauchemars.

Mais en revenant sur mes pas vers la maison, je restais figée au milieu de l'allée, le chien hurla à la mort et s'enfuit à toutes vitesse, car derrière les vitres, il y avait deux visages blancs, immobiles, qui semblaient me surveiller.

Ils n'avaient pas d'yeux, mais je sentais pourtant peser sur moi un regard d'outre tombe. Et tandis qu'un souffle glacé m'envahissait, paralysée d'effroi, je ne bougeais plus ! Que faisaient ces fantômes chez moi ? D'où venaient-ils ? Par qui étaient-ils envoyés ?

    Il n'y avait pas un bruit ! On entendait juste le souffle du vent froissant les feuilles des arbres...

 

Livia








Fenêtre sur... ailleurs


Ils étaient deux, un frère et une sœur Même forme de visage, de regard, de sourire, de chevelure identique tirée en arrière. Il était extrêmement difficile de les différencier : des jumeaux.

    Toujours collés l'un à l'autre, là où Lubin allait, Auriane suivait. Ce jour là, pétri d'ennui, le duo regardait par la fenêtre. La matinée était déjà largement entamée. Le soleil, débordant la cime des arbres de la forêt toute proche, commençait à pénétrer dans la pièce. Ils soupirèrent de concert. Que faire? Leurs parents étaient partis très tôt , le père pour bucheronner, la mère pour cueillir baies et plantes médicinales.


- Surtout ne sortez pas! J'ai aperçu un loup hier. Il n'est certainement pas seul. Aussi, restez à l'abri! avait intimé le père.

- Mes petits, avait ajouté la mère, soyez obéissants. Promettez-moi d'être sages. Je partirais plus tranquille.

- Promis maman! Avaient déclaré d'une seule voix les bessons*.

  À demi rassurée, la femme les avaient serrés très fort contre sa large poitrine, puis avait suivi son mari, tout en leur jetant un dernier sourire tremblant. Elle connaissait par cœur le caractère fantasque et indiscipliné de sa progéniture.

Soudain, le nez plaqué à la vitre, Lubin se met à embuer celle-ci, puis y dessine d'étranges figures toutes en poils et en cornes torsadées.

- C'est quoi? S'informe sa jumelle.

- Des licornes, répond son frère.

- Pourquoi?

- Parce que j'espère que mon dessin  va les intriguer et les faire venir.

- Ah? Mais ça n’existe pas ces bêtes-là! C'est papa qui l'a dit.

- L'une d'elles m'a visité en rêve et m'a expliqué comment l’aider à apparaître.

- Et bien moi, je ne crois que ce que je vois.

- Alors attends et sois patiente. Je suis sûr que ça va marcher, affirme du haut de 

   ses dix ans son ainé de quelques minutes.

     Puis Lubin se met à murmurer entre ses dents des mots bizarres. Intriguée, Auriane l'écoute tout en scrutant l'orée touffue de la sylve. Les secondes succèdent aux secondes usant le calme de la petite fille. Tout à coup, une lumière éblouissante surgit de nulle part au milieu de la clairière. En son centre une forme  mouvante bourgeonne, se tordant et distordant sans cesse. Les jumeaux bouche-bée contemplent l'étrange apparition. Dans un flot de particules or et azur, l'image se stabilise : C'est une licorne. Caracolant joyeusement, cette dernière agite sa longue crinière blanche, comme pour les inviter à la retrouver; les deux polissons se regardent, hochent la tête de concert, pour finalement se précipiter dehors.Oubliées les recommandations parentales. L'aventure les tient bien ficelés à elle et les entraîne à dos de cheval extraordinaire.


Matin assommant-

Deux enfants indociles

Et la clef d'un conte


Martine Madelaine-Richard







La toile de l’illusion



Au petit matin, marchant dans la fraîcheur brumeuse de la ville, soudain je ressens un malaise, je me sens épiée. Je regarde autour de moi, lève les yeux et, de la fenêtre de la maison voisine, je découvre deux mannequins de l’au-delà qui observent la rue. Plus de cheveux, plus de visage, juste un reflet dans les carreaux.

Je m’arrête et à mon tour je les observe. Le temps n’existe plus, mon esprit vagabonde. Aurais-je franchi un portail spatio temporel pour me retrouver dans un avant, voire un après ? 

Elles sont étranges ces figures vierges de tout ce qui fait notre humanité, on les croirait sculptées dans des blocs de polystyrène. Les yeux, la bouche, le nez, tout est gommé par la lumière, ne reste qu’un ovale mangé d’ombres surmontant une vague esquisse d’épaules. Est-ce ainsi que se présentent les âmes errantes aux passants indiscrets ? 

Rien ne bouge et le silence se fait lourd. J’ai, cela m’est déjà arrivé, la sensation désagréable de chevaucher deux mondes qui s’interpénètrent sans se définir totalement. Je suis tout bonnement projetée dans un sas où se mêlent l’ici et l’ailleurs. 

Si je me sens encore moi, cette entité connue, expérimentée depuis ma naissance, mon esprit vacille, tout ce qui m’entoure lui semble en distorsion. Je viens de perdre tout sens de la réalité. 

La réalité ? Ce concept m’apparait d’une fiabilité plus que douteuse, soit tout est vrai soit tout est faux, nous concevons sans doute le monde en fonction de notre besoin d’être rassurés.


la vie ondule 

dans la toile de l’illusion

plus aucun repère.



Adamante Donsimoni3 décembre 2024








8 commentaires:

  1. Merci Adamante et aux brins de l'Herbier, frissons et bonheur de lecture, oui, tout à fait.... au plaisir, toutes, amitiés, JB

    RépondreSupprimer
  2. Merci Adamante, toi et tous les brins méritent un grand bravo ! Belles interprétations !

    RépondreSupprimer
  3. Quelle page, je me doutais bien que cette photo ferait frissonner !
    Merci à toutes et très bonne semaine !

    RépondreSupprimer
  4. Bonjour Adamante,
    Je vois que tout le monde a pensé aux fantômes, ces deux visages blancs derrière la vitre fichent un peu la trouille !
    Bonne journée

    RépondreSupprimer
  5. Merci les Brins pour votre imagination...un plaisir de lecture toujours renouvelé.

    RépondreSupprimer
  6. Bonjour à toutes,

    Comme disent les américains: "Wouaw! "
    Quelle page somptueuse! J'ai adoré la découvrir. Merci à ABC pour cette photo si intrigante.
    Bien amicalement
    :)

    RépondreSupprimer
  7. Merci Adamante, au quatrième paragraphe de mon texte première ligne de changer le "raisonnaient" par un "résonnaient"...

    RépondreSupprimer

Merci de vos commentaires, ici et sur nos blogs respectifs. Adamante