La petite fontaine. Photo Martine MR |
La petite fontaine oubliée
Perrette, statufiée,
Rêve à tout jamais
Au pied de la petite fontaine
Vieille d'un siècle d'autrefois
Au marché elle allait vendre
Son lait
En espérait cent oeufs
Et triple couvées, donnant poulets
De quoi acheter cochon
Puis vache et son veau
A en devenir cheptel
La suite de l'histoire est connue
À trop sauter en chemin...
Perrette, statufiée
Rêve à tout jamais
Au pied de la petite fontaine
Vieille d'un siècle d'autrefois
Combien de Jean
passent encore la saluer
Cascade moussue
Puiser de son eau
à l’ombre de la fontaine –
le fil de la vie
***
L’eau se colore
sous le poids du passé
- teinte du temps
***
À la claire fontaine
sa dernière corvée d’eau
servante statufiée
un mince filet coule
clepsydre des ans
***
D’une fontaine à l’autre
la candeur des angelots -
jeu de cache-cache
peu importe le siècle
l’enfant s’amuse
La fontaine de Fleurette
La petite demoiselle de la fontaine
N'a pas de temps à perdre
Elle doit livrer son pot de lait
A une dame du palais
Elle aime se promener
Du côté de la fontaine
La tendre et si belle Fleurette
Quand viennent les mois d'été
Elle voit bien les regards en coin
Emplis de flamme et de désir
Quand passe un beau mousquetaire
L'épée au flanc, le chapeau en bataille
Le verbe haut à l'accent de Gascogne
Mais c'est à Henri qu'elle pense
Quelle a vu au château de Nérac
Jeune et sémillant trousseur de jupons
Galopeur de landes, de chemins et de combes
Il lui a conté fleurette,
Elle ne pense qu'à lui, depuis...
Ils se donnent des rendez-vous galants
Auprès de la fontaine
L'idylle se prolonge
L'amour emplit tout son être
Mais le futur Henri IV
a plus d'un coursier à fouetter
une couronne l'attend à Paris
C'est dans la fontaine
que Fleurette noiera ses larmes
et ses regrets
Une explication
Au château de Nérac, la Fontaine de Fleurette porte le nom de la fille du jardinier du roi. À 17 ans, elle s’était éprise d’Henri de Navarre (futur Henri IV) alors âgé de 19 ans.À la veille d’épouser Marguerite de Valois, Henri avait fixé rendez-vous à Fleurette dans le parc de La Garenne. Malheureusement le futur roi pour une raison inconnue ne vint pas. On dit que ce soir là, folle de désespoir, la jeune fille alla se noyer... Selon la légende, de cette histoire seraient nés les termes “Conter Fleurette” et “Fleureter” (flirter). Au XIXème siècle, le sculpteur Daniel Campagne a réalisé une statue en marbre blanc de Fleurette noyée pour orner le bassin de la fontaine éponyme. Marguerite de Valois qui aimait particulièrement se promener dans le parc le fit, à partir de ce point d’eau, prolonger de 3000 pas, aujourd’hui il s’étend sur deux kilomètres.
Ici des fontaines
aujourd'hui à l'abandon
apaisait la soif
des passants et voyageurs
vacanciers et va-nu-pieds
Fillette de la fontaine
as-tu longtemps à marcher
pour chercher ton eau ?
Chez nous elle coul' d'évidence,
à bonne température.
Une source, un puits :
Se construit tout un village,
et fait société.
Ainsi la Terre s'est peuplée,
et de toute éternité.
Une source tarie
c'est tous les gens du hameau
manquant d'essentiel.
Les enfants iront nu pied
loin jusqu'au point d'eau public.
©Jeanne Fadosi, jeudi 6 avril 2023
La Dame de l'eau
C'est un matin tout printanier où la fontaine du village glougloute toujours de son chant mélodieux. Notre proche voisine, Louise nous a quittés depuis peu. Louise, que nous appelions tendrement " la Dame de l'eau " , allait chaque matin, selon un rite immuable, rafraîchir ses mains et son visage sous le limpide filet d'eau.
" C'est ma fontaine de jouvence, allez-y les enfants, mouillez vos joues chaque matin et votre jour sera serein ! "
La source chante
L'hirondelle la frôle
Son image me sourit
L'été se fait plus sec et le débit recule mais nous buvons encore ses paroles très sages qui préservaient la vie.
" Surtout ne la gaspillez pas, usez d'elle avec parcimonie, avec respect pour notre terre " et nous l'écoutions bouche bée, toujours très attentifs.
Ma Dame de l'eau, je pense à vous aujourd'hui où la terre s'appauvrit, que les hommes persécutent et que demain sonnera le glas pour les plus démunis.
Une ombre passe
Tourne la roue de la vie
Que sera l'après ?
Balaline 08/04/2023
La Fontaine des quatre dauphins
Ce poème-conte m'a été inspiré par une balade nocturne en écriture autour des fontaines d'Aix-en-Provence organisée par un guide, il y a plus de 15 ans, l'eau coulait encore en abondance dans les fontaines. Une autre façon de voir les fontaines, la nuit...
Quatre dauphins rivés à une colonne
Figés et sans paroles
Se lamentaient du soir au matin
leurs nageoires caudales sculptées
à jamais à la pierre...
Ils pleuraient leur liberté
Entravée pour l'éternité
Par l'imaginaire fantasque
D'un sculpteur déshumanisé...
Quand, une nuit divine
La colonne à la triste mine
Se disloqua dans un fracas.
Qu'advint-il de nos quatre dauphins
heureux d'un si gracieux destin?
L'on raconte
Que des grenouilles
Sises sur des nénuphars
Se virent tapies
Comme des couffins
Au pied des dauphins
Ravis de ce miracle
Véritable défi à l'infini!
À fontaine merveilleuse, histoire fabuleuse!
Depuis lors, la fontaine glougloute avec délices!
Ci-dessous, pour illustrer le glou-glou, la photo d'une fontaine de la Drôme, du village de Montbrun Les Bains.
babil de la fontaine
jeux d'eau chantant dans la vasque
jaillissements graciles-
c'est la chanson de "l'eau vive"
au fil de "l'écume des jours"
"l'eau vive", chanson de Guy Béart
"l'écume des jours", roman de Boris Vian
Claudie Caratini (Commentaires sur ce blog. Merci)
Le 08/04/2023
Ophélie
J’ai marché, quittant la ville et son présent pour le parc tant aimé.
J’ai traversé des horizons ensorcelés jaillissant d’une sculpture de pierre, arrivant en un lieu où le temps, l’âge et l’espace furent soudain abolis.
Il a suffi d’un rayon de soleil, d’un sourire du printemps chevauchant le souffle d’une algue verte balancée de vent, pour que mon âme s’abandonne et que je fasse le voyage.
Une vasque m’a accueillie, rayonnante devant son rideau de lierre. Le doux chant d’Ophélie, se baignant avec les oiseaux, m’arrivait comme une cascade, en éclats lumineux de fraîcheur. Sa longue chevelure entraînée par les eaux vertes débordant de la vasque tissait un écran irréel derrière lequel une statue drapée de mousse, figée d’éternité, semblait attendre un improbable miracle
elle était si jeune
la petite porteuse d’eau –
Ophélie dormait
le chemin se joue du temps
la romance est éternelle
Adamante Donsimoni 8 avril 2023 ©musicstart (sacem)
Une fois n'est pas coutume, j’ai invité Rimbaud sur la page
Ô pâle Ophélia ! belle comme la neige !
Oui tu mourus, enfant, par un fleuve emporté !
— C’est que les vents tombant des grands monts de Norwège
T’avaient parlé tout bas de l’âpre liberté ;
C’est qu’un souffle, tordant ta grande chevelure,
À ton esprit rêveur portait d’étranges bruits ;
Que ton cœur écoutait le chant de la Nature
Dans les plaintes de l’arbre et les soupirs des nuits
C’est que la voix des mers folles, immense râle,
Brisait ton sein d’enfant, trop humain et trop doux ;
C’est qu’un matin d’avril, un beau cavalier pâle,
Un pauvre fou, s’assit muet à tes genoux !
Ciel ! Amour ! Liberté ! Quel rêve, ô pauvre Folle
Tu te fondais à lui comme une neige au feu :
Tes grandes visions étranglaient ta parole
— Et l’infini terrible effara ton œil bleu !
— Et le poète dit qu’aux rayons des étoiles
Tu viens chercher, la nuit, les fleurs que tu cueillis,
Et qu’il a vu sur l’eau, couchée en ses longs voiles,
La blanche Ophélia flotter, comme un grand lys.
15 mai 1870
Arthur RIMBAUD 1854-1891
LE COIN DES RETARDATAIRES
La fontaine
Il est une source claire, évadée d’un trou bien caché. Elle bondit libre et si légère à la lumière de Phébus attendri. C’est qu’elle se languissait cette eau au cœur du ventre ténébreux de la Terre. Seule la musique monotone d’un goutte à goutte lui tenait compagnie. Parfois un courant d’air intermittent animait à peine son miroir. Ou encore, plus brutal et soudain, l’éclat d’une roche chutait provoquant des vagues concentriques. Et c’était tout! Quel ennui!
Temps fossilisé-
Geyser sans fin de spleen pour
L’eau cavernicole
Mais voici qu’un jour, ou plutôt une nuit pour cet esprit aquatique, un grondement monta des profondeurs; se propagea de strates en strates, pour envahir, assourdissant, sa prison granitique. Fracas! Éboulement! Émoi! Puis, stupéfaction! Éblouissement! Bonheur! Une clarté fabuleuse venait de gommer l’opacité éternelle. Ce petit tremblement de terre avait créé une fissure par laquelle le flot enfin libéré pouvait s’enfuir.
Au soleil-
Trilles sur trilles, le merle
D’écho en écho, la source
L’eau glougloute de contentement en émergeant entre deux mottes d’herbes. Tout lui paraît extraordinaire: l’azur infini, la végétation, les insectes et animaux s’abreuvant à sa liqueur de vie… Joyeuse, elle va de découvertes en découvertes. Ru limpide, la voici filant, insouciante, au cœur du vallon alpin. En chemin, sa beauté pure est capturée pour ennoblir une ravissante fontaine. Parée de mousse émeraude celle-ci sert d’abreuvoir et de piscine aux oiseaux de la forêt toute proche. Cascadant aux lèvres de ses vasques, l’onde, nullement bridée, poursuit sa route vers l’inconnu à explorer.
Azur scintillant-
Piste jalonnée d’arbres
Celle du ruisseau
Bine agréables que toutes ces fontaines, et jolies réfences Claudie, merci à tous, amitiés, JB
RépondreSupprimerOphélie comme Perrette ou Fleurette parle de cette fin funeste dans la soie d'une source mais l'eau est aussi bienfaisante, elle nous régénère, tout y est et cette page est un régal ! Merci Adamante
RépondreSupprimerFontaine, fontaine, comme j'ai aimé boire ce matin les mots offerts sur cette page !
RépondreSupprimerfable, conte, légende ils donnent tous envie de boire à ta source.
Bonjour, Adamante et les Brins
RépondreSupprimerLa jolie fontaine de Martine a fait couler joliment nos plumes Merci à toutes pour ces textes au pouvoir de ressourcement!
Claudie
Mon bonjour à tous les brins,
RépondreSupprimerEn retard pour cause de problèmes informatiques. Mais me voici ce mercredi à me régaler à l'agréable fraîcheur de vos inspirations respectives. Cette petite fontaine a été photographiée dans les Hautes Alpes, chez un particulier, pas loin de Gap. Je suis heureuse qu'elle vous ait magnifiquement inspirés.
Merci
:)
Claudie,
RépondreSupprimerTon petit conte m'a beaucoup touchée car, cette fontaine des quatre dauphins, je la connais bien. 11 ans passés à Aix, tu penses!
Une conte ravissant et un tanka pour terminer avec ta couleur si personnelle. Guy Béart et Boris Vian. Écoutés plus d'une fois pour l'un et lu plusieurs fois pour l'autre.
Merci Claudie pour ce délice.
Gros bisous
Merci à vous Marine, Jeanne, Balaline à qui je laisse un mot ici, pour vos textes si agréables à lire et si bien inspirés, et merci à Claudie pour cette nuit de révélations fabuleuses. J'ai pris un grand plaisir à me laisser emporter. Merci à toutes.
RépondreSupprimerBonjour, Adamante et les Brins
RépondreSupprimerJe te remercie Adamante ainsi que Jill et Martine pour vos agréables commentaires.
Bien amicalement
Claudie
Bonjour à tous les brins
RépondreSupprimerJe suis très en retard pour commenter mais cette fontaine, sans doute un peu magique nous a poétiquement inspirées. Merci à toutes.
Claudie
Cette balade nocturne en écriture nous offre un autre partage des fontaines la nuit. Peut-être chantent-elles différemment !