Ce n'était pas évident mais quel page ! Bravo bravo à vous ! Merci !
Et pour accompagner la lecture un peu de Françoise Hardy
pour le plaisir.
Dessin adamante |
Souvenirs d'enfance
-Moi je me souviens, très bien
Très bien du pot à lait cabossé
Cabossé mais corvéable
Corvéable objet du quotidien
Quotidien ce litre de lait
Lait fumant du pis de la vache
Ferme pour voisine
Et ses prairies à traverser
-Par tous les temps !!
Leur barbelé qui nous trouait le short
-Et le polo bon marché !
Le ruisseau à salamandres, à sauter à pieds joints
-Plutôt tritons...
Un oeil sur le taureau
-Et la jument au poulain !
-Ah tu t'en souviens mon frère
-Comment oublier son enfance...
Nous étions deux gamins d'la campagne
Avec pour jeu ce que nous fabriquions
-Avec le père...
-Oh oui !
Balançoire et cerf-volant, épée en bois
-Et les silex pour osselets !
-Oui, oui, aussi...
-Ce cerf-volant montait haut
-Très haut !
Finissait par briser son fil
Voguant libre dans l'azur, traîne en papier journal
Pied d'nez à deux jeunes terriens...
-Les mains vides, vent voleur, plaisir éphémère,
Nous restait la corvée du pot à lait... !
-Oh pas tant, j'aimais jouer avec leur chien...
-Et puis nous avons connu la ville
Au décès de l'aïeule, adieu pot au lait cabossé
Bonjour la crèmerie du coin !
-Eh oui, la marchande était bien plus moche...
Passé sans retour
mais ancré dans nos mémoires
Délicieux bagages
Au bord du gouffre
Au bord du gouffre, de la falaise, du précipice, entre vertige et rêve, une promenade arc-en-ciel.
J’admire le bleu, le vert, le rouge, l’ocre, la violine… J’espère le blanc… Au théâtre de la nature, je cherche le silence…
Mon vase se vide
en équilibre instable
de moi à moi
Où suis-je ?
Je frappe à l’orée d’un bois ouvert sur la splendeur de la vie. Je marie couleurs et paysages. Je marche sur le chemin escarpé d’une montagne tutoyant le ciel. Plonge dans une mer turquoise. Galope sur une steppe désertique…
L’oiseau vocalise
perché sur un arbre en fleurs –
mon ouïe s’éveille
Je cherche le silence… Tout est bruit. L’eau coule. La pierre rebondit. Le vent s’essouffle. L’orage gronde. Le rossignol chante… Je perçois l’écho des jours, la mélodie des saisons, le tempo des années, la symphonie chaotique d’un monde en perpétuel construction…
Sur le fil du temps
j’arrime mon imaginaire
l’esprit en dérive
J’admire la vastitude des paysages. Interpelée par la splendeur du cadre, je fonds de gratitude, une larme à la paupière. Je suis minuscule, le monde est immense… Au bord du gouffre, de la falaise, du précipice, entre vertige et rêve, sur le balancier du temps, je plane… J’entends la vie… Le silence est intérieur…
Sa beauté offerte
sans aucune modération
Dame Nature sourit
J’écoute son chant mélodieux
tout en moi s’apaise
«Il faut habiter le temps» Jean Tardieu
UN POINT D'ORGUE
Il a perçu un point sur le pupitre
A portée de violon
Un point commun
Un point sur le i
Susurré mille accents
Mille prouesses
Inventé le spectacle du siècle
Ajouté des vers à soie
Pas pour les autres
Libres de se tortiller
Recherché la courbe du sol
Et s'est retrouvé sur le flan
Hors de portée
Ni en haut
Ni en bas
Il a ouvert la porte
J'ai fermé la fenêtre
La mouche s'est cachée
Du monde exaspéré
L'herbe a pris l'eau
La mélodie aussi
Et puis, sans demander son reste
La poudre d'escampette
Quand la sonate s'arrête
Le frisson est passé
Grand-Père ce héros au sourire si doux
Je n'étais pas encore née en ce matin de novembre 1935, jour de la grande foire de la St Clément dans cette petite bourgade du Gard.
Il fait encore nuit
Et de grands cris résonnent
Traversent toujours
La nuit du temps.
Que se passe-il donc se demande l'homme à sa fenêtre. Il perçoit immédiatement le drame.
Un faisceau de lampe
Un être hurlant terrorisé
Une bête efflanquée affamée
Un gamin qui surgit
La bête se détourne
Il n'en faut pas plus pour que l'homme se précipite à la recherche de son fusil , épaule, mais ne peut tirer. Le second boucher attaqué à son tour est au sol déjà le crâne entre les crocs de la lionne squelettique.
Grand Père réveillé par les hurlements de terreur accourt à son tour.
Une nouvelle fois l'animal se détourne et lui saute dessus.
"Fais le mort" pense mon Papé en un éclair. Il se jette au sol. Et la bête sur lui.
Un fauve ancré par ses griffes à son dos......
..... Remonté livide dans sa chambre à coucher quand il dit " Un lion voulait me dévorer " la Mamé lui répondra "mais François, à cette heure, tu n'as pourtant pas bu !"
Acteur bien malgré toi d'un fait divers que plus tard les journaux traiteront de "tartarinade" ( bien sûr on n'est pas loin de Tarascon et l'on connaît Alphonse Daudet et son Tartarin) , Grand Père, tu ne parlais jamais de cet événement, pas plus que de ta guerre de 14/18. Je ne vis qu'une fois les cicatrices laissées sur ton dos par les griffes de l'animal. Tu en pleurais encore. ......
Bien des années plus tard, le gamin jamais devenu boucher, épousa une nièce du Papé François.
Il sont encore vivants.
Françoise, à Lyon, 20 octobre 2021.
Sortilèges et fantasmes
Le souvenir d’une journée chaude se dissolvait lentement à l’horizon. Tandis qu’au cœur d’une aura indolente, la nuit étendait langoureusement ses voiles opalescents. Son toucher vaporeux lissait inlassablement l’eau du grand lac. Comme pour gommer un monologue parasite.
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Friselis ténus-
Sur la vaste étendue d’eau
Nocturne pour harpe
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Une impression étrange montait, ondulait près de la surface. Le temps semblait se dilater extraordinairement comme un ballon près d’éclater. Puis se rétractait jusqu’au soupir rose thé d’une âme extasiée.
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Sur le piano à queue
des cannes des roseaux
Légende aquatique
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Arpèges au goût astral unis à un sourire flottant. Voici qu’à fleur d’eau ondoyait un visage inouï. Beau? Laid? Déconcertant, c’était certain. Des yeux immenses, très allongés vers les tempes. Le nez droit et court. La bouche? Ah cette bouche aux lèvres pleines, esquissant un sourire lascif, attirait et repoussait en même temps. Était-ce un triton? Un atlante? Un extraterrestre? Une chimère née de cette heure entre chien et loup? La réponse mourut sous les palmes d’un canard tapageur…
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Avant-nuit marine-
Sortilèges et fantasmes
Perdus corps et biens
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Souvenirs flous
Pour la troisième fois en moins de cinq minutes, elle me fait la liste de ce dont elle a besoin, deux serviettes de toilette, un pantalon supplémentaire, deux polos, une paire de chaussures... Une liste qui varie à la marge et qui ne m'est même pas destinée. C'est pour la conversation me dit-elle sèchement.
Les souvenirs flous
font la mémoire de naguère
au présent d'oubli.
Naguère, c'est il n'y a guère, plus récemment que jadis, un "critique" littéraire bien connu s’apitoyait sur son âge en citant une autre célébrité : "La vieillesse est un naufrage." Longtemps maître de cérémonie des mots, du dico par effraction à l'orthographe par sa dictée, s'interrogeait-il seulement sur les glissements de vocabulaire,
tels "vieux", et "vieillards"
renommés "personnes âgées"
"seniors", "troisième âge" ?
C'était une plainte assassine d'un vieux bel égocentrique qui n'acceptait pas de vieillir. Une plainte qui me chagrine, avec dans la tête la sagesse et l'émerveillement de vieilles, mère, sœurs, amies, supportant l'usure et les maux du corps, les petites défaillances de la pensée, étonnées d'être parvenues presque vaillantes si loin et si bien sur leur long chemin de vie.
De sa séduction
ils faisaient un passeport
qui avait terni.
Virilité arrogante,
féminité illusoire.
Nouvel appel téléphonique, presque chaque jour, pour prendre des nouvelles et maintenir le lien de loin. La même litanie à quelques variantes. Inventaire à la Prévert. Conversion du salaire médian (plafond de la prime carburant) d'euros en anciens francs d'avant 1959. Hors contexte, un chiffre qui ne veut rien dire. Mais je suis un instant muette devant l'exactitude du calcul.
Son temps d'hier s'efface.
C'est celui de ses vingt ans
qui répond présent.
Je me souviens soudain, il y a plus longtemps, une autre vieille dame qui devait avoir à peu près l'âge qu'a maintenant la dame du téléphone. Corps alerte et esprit vif, je l'avais accompagnée à son invitation suivre un cours de l'Université du troisième Âge de la Rochelle sur la Bibliothèque d'Alexandrie*. Elle se plaignait elle aussi de sa mémoire au point de craindre d'avoir la maladie d'Alzheimer, thème fort à la mode à l'époque dans les médias.
Tant de livres détruits
mémoires de l'Antiquité
Histoire effacée.
Sans doute avais-je pris quelque risque en lui proposant d'être mon guide pour une marche le long des étiers et des salines de son Île. Sans elle et sa connaissance du terrain, j'aurais été bien incapable de retrouver notre chemin à cette époque sans GPS et au réseau aléatoire.
Audace du pari,
Certitude de la confiance,
Réassurance.
Elle avait alors l'âge de la dame du téléphone aujourd'hui et le vieux monsieur a quelques années de plus. Il ne les connaît pas et il a maintenant surmonté que "La mémoire n'en fait qu'à sa tête"**. Il accepte la normalité de ses défaillances, capable désormais de dire, apaisé, "Mais la vie continue"***.
Naguère ou jadis
il avait été une fois.
C'était quand déjà ?
©Jeanne Fadosi, dimanche 24 octobre 2021
* https://fr.wikipedia.org/wiki/Biblioth%C3%A8que_d%27Alexandrie
** Bernard Pivot, La mémoire n'en fait qu'à sa tête, Albin Michel 2017
*** Bernard Pivot, Mais la vie continue, Albin Michel 2021
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bernard_Pivot
Voyage en morse des routes
C’était la nuit, le moteur ronronnait au fur et à mesure que la route défilait. Dans l’habitacle le silence me berçait. À demi éveillée, à demi endormie, à demi n’importe quoi dans le noir de la nuit, je flottais, regardant mes idées cavaler librement au gré de leur fantaisie. Attention aux virages !
le ciel étoilé
les bas-côtés ombrageux
hypnose, ô hypnose
Les étoiles jouaient à saute-mouton dans les frondaisons des géants que nous croisions. Y-aurait-il des routes à la cime des arbres ? En bas, des phares aveuglants trouaient la nuit : « haut les mains, voyageurs, minuit passé gare aux rôdeurs ! » Un cavalier qui surgit de la nuit court vers l’aventure au galop, son nom… Mon héros ! Court Tornado, envole toi par-dessus les nids de poule !
le morse des routes
pour établir quelque lien
l’espace d’un souffle
Le temps qui s’éternise s’efface de lui-même dans la torpeur d’un corps privé du mouvement. J’étais dans la dauphine de mon père, pas avec ce conducteur fantôme qui disparaissait dans la nuit. J’avais cinq ans, adieu tout ! Je pouvais dormir tranquille.
le temps est abscons
notion d’une situation
tout aussi abstraite
la tête et les mots se vident
dans l’espace indéfini.
Allez, bonne semaine avec le héros qui surgit toujours hors de la nuit !
Une page sur laquelle il va me falloir revenir plusieurs fois pour savourer pleinement, chaque texte.... Bonne fin de soirée et à demain !
RépondreSupprimerJe suis bien d'accord avec toi, c'est tellement riche ! Mais quel bonheur.
SupprimerWaouh... et quelle page de la part des "brins".... jamais de déception en venant par ici, merci, amitiés, JB
RépondreSupprimerC'est un grand plaisir que de lire ça, il y a une grande richesse dans ces pages, grâce à vous toutes.
SupprimerIl me tardait de découvrir ce que le sujet avait inspiré comme jolis mots. Et comme à chaque fois, c'est un immense plaisir de lecture.
RépondreSupprimerMerci Adamante. Merci à tous les brins pour ce partage!
:)
Merci Adamante de donner de ton temps et de nous rassembler
RépondreSupprimerJe fais au mieux, je n'ai pas toujours le temps d'aller sur les blogs, mais c'est un tel plaisir de lire les participations ici.
SupprimerTu as raison, la page est magnifique !
RépondreSupprimerBravo à toutes.
Passe une douce journée.
Merci, de ta fidélité et peut-être de ta participation de temps en temps (quand il le permet le temps).
SupprimerVoilà, j'ai tout lu ici minutieusement. A relire encore et encore. Oh oui ce n'était pas évident. Mais quel résultat ! Je ne parle pas de mon texte qui s'est contenté de suivre mes digressions en retraçant ce qui ponctue mon quotidien. Une occasion d'évacuer la charge seulement mentale que cela provoque.
RépondreSupprimermerci les brins et merci Adamante
J'ai pris un grand plaisir à lire ton texte et il va me falloir relire encore pour goûter chaque phrase. Pour la page, c'est un peu comme en visitant une exposition, à partir d'un certain nombre c'est trop, il faut le temps de s'imprégner et revenir.
RépondreSupprimerVoici le commentaire de Françoise :
RépondreSupprimerWahou ! Génial ! Quelle riche moisson, encore une fois !
C'est maintenant mon refrain : "Ce que je peux, quand je peux, comme je peux " . Et ça devient vraiment peu !
Merci à toutes, et particulièrement à Adamante - qui fédère et réunit - si heureusement , si empathiquement, si joliment. Belle chanson de F. Hardy. Que j'avais oubliée et qui convient si bien. Et Zorro, bien sûr bien sûr.
Pardon pour mon mutisme dans les rubriques "commentaires". Je n'arrive plus à me connecter à Blogspot via Google chez Adamante , ça fait un moment déjà. J'ai renoncé, mais le cœur y est.
Amicalement à tous ces beaux brins (de filles, mais oui !)
Bonne idée le message en Cci.
À bientôt.
Isabel Marie Françoise
http://leblogdelavieillemarmotte.over-blog.com/
Et bien sûr je suis revenue me régaler de tous ces textes, bien différents !
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