L'arbre creusois - adamante - |
Le vieux pommier n'en pouvait plus de tant d'années à le chahuter. La grande sécheresse de 1976 avait failli le voir périr prématurément et il s'était dit qu'il avait déjà bien vécu. Ses puissantes racines avaient puisé dans la source profonde dont la sortie s'est tarie cette année-là.
Chantent les oiseaux
au vent léger des ramées
quand la fraîche venait.
On l'avait greffé avec amour et savoir-faire aux premières années de l'autre siècle. Dans le mince espoir d'y voir revenir l'enfant né hors convenance de l'enfant chassée pour déshonneur. Une enfant conçue sans violence ni surprise, juste par escroquerie aux sentiments d'un fils de patron à la soubrette.
Les parents taiseux
n'avaient jamais su lui dire
combien ils l'aimaient.
C'était sa manière au grand-père de dire de loin à cette fille jadis maudite et à sa petite fille combien elles leur manquaient. Sculpter l'arbre en renforçant et en étirant à l'horizontale une des maîtresses branches.
deux solides cordes pour l'attache
Une planche rabotée
Juste le vent à balancer.
Le temps, la distance, le tempérament fier n'avaient pas permis les retrouvailles mais la maison et son lopin était revenus à ces enfants. Et la balançoire, si elle a bercé la jeune femme devenu adulte, a surtout fait le bonheur des générations suivantes.
La vieille branche grinçait
les jeunes riaient et dansaient
aux doux jours d'été.
Par précaution il avait fallu la soutenir. Les compotes étaient toujours aussi délicieuses. Dis, Mémé Louise, ça vit longtemps un pommier ? Est-ce qu'elle souffre la branche quand elle grince ? Mémé Louise souriait. Viens. Nous allons aider ta marraine à éplucher les pommes pour faire une compote.
Longtemps le vieil arbre
traversera d'autres âges
et bien des orages.
La béquille est devenue un solide échalas. La planche et les cordes usées n'ont pas été remplacées. Un temps la maison a vécu des étés au rythme des vieilles et douces personnes qui l'avaient rachetée. Non loin la route a été élargie pour drainer la circulation vers l'autoroute en construction. La vieille dame n'est plus. Le vieux monsieur a revendu la maison. Le jardin a connu trop de tempêtes et de chaleurs et ses fruits ne régalent plus ni petits enfants ni de vieilles personnes.
Les bruits des moteurs
parviennent jusqu'à l'arbre las.
Que sent-il des mondes ?
©Jeanne Fadosi, samedi 30 janvier 2021
Au royaume des arbres chaque pousse a sa place à défendre, du sol au ciel, un véritable parcours du combattant.
Quelques torsions
pour rejoindre le soleil
l’arbre se sculpte
L’un droit comme un i grandit plus vite que l’autre. Le tronc du voisin, en contorsionniste, grignote sa part des rayons du soleil. L’arbre sculpte sa silhouette. L’astre du jour brille pour tous.
Courbes et révérences
leurs ramures s’entremêlent
en cousinage
Le plus fort n’est pas toujours celui que l’on pense, l’un est le chêne l’autre le roseau. Les deux tentent de sauver leur place, en jouant des coudes, dans la hiérarchie naturelle.
Bossu, tordu
sa vaillance le rehausse
sans lierre sur son tronc
Différent et beau par sa force de caractère. Sa simple volonté de trouer son passage l’ennoblit. Il s’incline, se redresse, pour chaque année offrir sa tendre verdure au ciel printanier.
Toutes jeunes pousses
ne gagnent pas le gros lot
hasard et chance
d’une nature impitoyable
la faiblesse tue
P'tit Chêne
Il est un lieu, loin, très loin, où pousse une petite forêt. Parler de forêt est peut-être excessif car les gens du coin la nomment « Le bois sans nom ». Pour y parvenir il faut traverser prairies, ruisseaux et marécages; des ronciers imposants; une mêlée inextricable d’herbes hautes et d’arbustes exubérants.
D’hiver à l’automne
Sur la carte routière
Une tache verte
Cette sylve, si difficile d’accès, est préservée des hommes et de leurs cognées; des voitures 4X4 et du hurlement des motos tout terrain.
L’ombre des arbres
Leur noirceur si effrayante
Chape de silence
Mais, ce n’est qu’une apparence, un leurre de Gaïa. Car, derrière ce rideau inquiétant, tout un monde saute, court ou rampe. Le lapin d’Alice secoue sa montre gousset en se lamentant bruyamment: « En retard ! Je suis en retard ! ». Alice aussi est en retard… d’une histoire. Deux gros escargots unissent leurs destins tandis que le concert des grillons couvre leurs ébats. Bambi parle à une pervenche au bleu irréel. Et l’ours Baloo compose une berceuse pour Mowgli. C’est un autre monde où le merveilleux règne en maître. Où les arbres ont le don de parole. Tenez, justement, j’en vois un qui se penche pour mieux écouter la chanson de la vie.
Harmonie dorée-
La ronde des champignons
Celle des mouches
P’tit Chêne à la voix flûtée
Se joint au merle siffleur
Dieu qu’il fait chaud. Le soleil inonde la prairie. L’herbe roussit. Il en tremble encore d’effroi
Devant son seigneur
Il en tombe à la renverse
Pas moi, non pas. Non.
Mais l’autre impassible monte droit dans ses bottes, impassible dans l’enchevêtrement de tous ses bras, à droite, à gauche
C’est comme un combat
Silencieux et tout en vert
Le plus fort vaincra.
Et sous cette chaleur écrasante, chacun puise en terre la force de tenir bon.
Françoise - 29 janvier 2021.
Il chante, l'arbre creusois
L'Eléphant Man
Le bancroche du p'tit bois
Pour un Caruso se prend
Vocalise tel un oiseau...
DO creusé en mode chant
RE cital oblige
MI se en scène, hors planches...
FA ble ! Me dira le bête incrédule
SOL ennel il est
LA au p'tit bois,
SI tu doutes de mes mots
DO ute de dame nature, aussi,
Dommage, pour ton âme d'enfant...
L'arbre mélomane
déformé dans ses dix formes
n'en veut pas aux vents
Vents qui l'ont façonné ainsi
Lui le plus faible,
Lui, le survivant, pourtant,
La fratrie, solide, a connu la hache...
Il remercie le ciel tout compte fait
De l'avoir fait chétif, malléable
Par le souffle des bises,
L'indifférence du bûcheron
Comme une grâce...
Do, ré, mi, fa, sol, la, si, do
Docile face à son sort, il chante
L'arbre creusois cambré
Une graine germa ...
Naître, grandir, lutter contre l'adversité, les vagues hivernales, les vents tempétueux, les étés assoiffés, le bras du bûcheron et l'approche des heures.
Petite graine immature
Un jour risquer un oeil
Respirer la lumière
Ouvrir son coeur au monde
Tu seras un chêne mon fils, humble maillon des grands de la chênaie où vient bramer le cerf, roucouler la palombe, folatrer le chevreuil.
Enroulé le destin
Sur un rameau fragile
Comme un anneau sacré
Être arbre enfin
sous les pluies de joies printanières, sous les pluies de pleurs automnales
Être arbre toujours
compagnon de silence et frère de nos vies
Balaline (en parcourant les Causses Quercynois)
Puissant sous les claques du vent
Au milieu de la forêt profonde
Sous l'arbre de vie
Le chant du poème
Ne suffira pas
Nous errerons
A la recherche du sens
Tournant en rond et nous perdant
Pour trouver la paix du cœur
Une réponse à nos questions
Quel monde aurons-nous, demain ?
Tout est bruit et silence
Qui assourdissent
La pierre reflète les saisons
Elle n'a pas de mélodie
Pas de frissons
Il faut attendre des mots légers
Comme des plumes détachées
A distance des mensonges
L'absence
Entre terre et ciel
sa branche courbée
file au loin
Je me suis assise, à l'ombre des genêts. J'ai repris un à un tes silences et tes mots.
J'ai questionné l'azur et le vent, qui m'ont dit de patienter.
Dans les branches enchevêtrées, un oiseau s'est perdu. Ses ailes affolées ont fait tomber des feuilles. Il piaillait, s'énervait, et soudain, il s'est envolé, libéré.
Azur apaisé,
la branche a craqué.
et toi, où es-tu?
Annette
Regardez, il danse !
Je l’ai croisé un jour d’été. Elfe ou Farfadet ? Il m’est apparu au travers du feuillage l’arbre en forme d’arc-en-ciel. En le voyant ainsi incliné, je me suis dit : il danse.
que salue-t-il donc
l’esprit discret du feuillage
le printemps qui vient ?
Tout s’efface et s’enfuit, les vieux arbres ne sont pas éternels. Les ans ont marqué son écorce comme les rides le visage
que raconte-t-il
l’esprit qui vit dans l’arbre ?
le rien, sans mot
Si le vent porte longtemps la voix des enchanteurs, un pincement discret, cicatrice d’un passé heureux si vite disparu, serre le cœur quand on les écoute. Nous avons tant de points communs
l’esprit de l’arbre
chante sa chanson muette
au vent qui passe
il s’incline doucement
la terre et le ciel scintillent.
Bonsoir l"Herbier... C'est vrai qu'il a quelque chose du danseur, du ténor cet arbre cambré... en tous cas il a su se faire remarquer et aimer de nos plumes... ,-) bonne nuit les brins ! JB
RépondreSupprimerBonjour Adamante ainsi qu'à tous les brins,
RépondreSupprimerCe petit arbre a beaucoup de personnalité. Il a su gagner les cœurs et inspirer de beaux textes. Quel plaisir que ce rendez-vous. Merci
:)
Un petit arbre qui a fait couler beaucoup d'encre, et ouvert la porte au royaume des contes...
RépondreSupprimerSa forme étrange, tourmentée ne nous laisse pas indifférents, meri pour ce chant de l'arbre que nous aimons écouter...
RépondreSupprimerJ'ai repris
http://emprises-de-brises.over-blog.com
Bises Adamante
J'ai aimé aussi le texte de Annette, pas de lien pour le lui dire
RépondreSupprimerNon, je n'ai plus de blog en cours... Mais je suis venue, et j'ai lu. Merci à toi.
SupprimerUne page qui chante et qui danse ...
RépondreSupprimerJe ne voudrais pas être mauvaise langue mais je trouve que cette drôle de période nous va bien ! Les brins de L’Herbier sont de plus en plus en progrès l le haiboun n’a bientôt plus de secret pour nous. Olé !
RépondreSupprimerMon amitié à tous, même si je ne peux passer dans vos domaines autant que je le souhaiterais.....
Un enchevêtrement et des formes torturées qui ont fait danser les brins d'herbier.
RépondreSupprimerUn vrai plaisir ce rendez-vous d'écriture.
NB important, le lien mis à la place de la complainte du vieux pommier est à supprimer. Il ne mène en apparence nulle part et j'espère que c'est bien le cas.
A toutes fins utiles voici le bon lien :
https://www.youtube.com/watch?v=UHYb7as8wuI&feature=emb_logo&ab_channel=LucAlenvers
Nous aimons les arbres et aujourd'hui ils nous ont joliment inspirées par leur grâce, leur passé, leur histoire, leur énergie et leur survivance.
RépondreSupprimerMerci Adamante, merci les brins pour cette belle page en partage.