Dessin Adamante |
À l’orée du bois
sa maisonnette endormie –
à petit pas elle s’éloigne
Juste un peu de feu dans la cheminée, une lanterne à sa
porte, dans le silence de l’aube pas à pas elle avance. Femme frêle,
courageuse, femme écureuil à la cueillette saisonnière, à la ramasse de petits
bois…
Autour du cou
sa grosse écharpe grise –
bise automnale
Le tapis de feuilles crisse sous ses pas. Un bois mort
tombe, craque dans la pénombre. Lentement le soleil se glisse à travers troncs
et feuillages. Un rayon de lumière caresse le jaune, le rouge, l’ocre du jour
en une palette mordorée. Elle se baisse, cueille, coupe, entasse. Elle avance…
Une flamme rousse
comme une compagne matinale –
fausse solitude
Elle avance encore. Au creux des racines quelques
champignons, plus loin des châtaignes, en partage. Son fagot de bois grossit en
sa hôte. Elle fredonne un chant triste et mélodieux. Un chevreuil détale, un
pic-vert en rythme lui fait écho…
Sa masure au loin
l’appelle à revenir
–
demain l’hiver
Elle rebrousse chemin, pousse sa porte. Dans la cheminée
seules deux, trois braises rougeoient encore. L’automne lui a souri. La saison
se meurt. Elle ne craint pas. Elle sait. Depuis son premier printemps elle
avance vers son dernier hiver, naturellement…
Hier son homme, sans elle, a franchi ce pas, demain sereine, elle aussi, le franchira.
Hier son homme, sans elle, a franchi ce pas, demain sereine, elle aussi, le franchira.
Bonhomme et sa
vieille...
A la tombée des feuilles
Tombent les plus vieux
pareillement
L'automne est saison de
mort naturelle
Chante Georges de
Sète...
Elle ramassait du bois
mort
En sabot de bois
Au bois de la saint
Martin
Et autres châtaignes
A jeter au feu de ce
même bois mort...
Lui braconnait bien un
peu
Le lièvre fauve de l'automne
A cuire au feu
Au feu du bois mort de
sa vieille
Qu'elle ramassait au
bois...
Il était une fois
d'un bois à sa
lisière
Des gens de peu
Elle allait tant bien
que mal
Dans son corps bossu
Dans ce nouvel automne
Qui fait mourir
naturellement
Les feuilles
Et les vieilles gens...
Lui patientait pipe aux
lèvres
Assis près du feu de
bois mort
Que la mort le surprenne
Une nuit au lit
Comme sa femme autrefois
Avec la Perrette,
blanche comme lait...
Elle est allée une fois encore, un soir,
Ramasser du bois mort au
bois
Pour réchauffer son
vieux bonhomme
Arrivé à l'hiver de
l'âge
Pendant qu'il rendait
l'âme
Près de l'âtre en train
de mourir
Faute de bois mort
Lui au bout de sa vie,
naturellement...
De sa vieillesse
chandelle à bout de
cire
s'éteindre en silence
Mais avant de partir
Elle lui avait rempli
son verre d'eau de vie
Pour éloigner la mort
En se signant par deux
ou trois fois...
Quand elle est revenue
sa vieille
Il était raide comme
cierge de Pâques
Lui, son bien vieux
bûcheron
Qui lui avait taillé des
cornes, jadis...
Les feuilles meurent
les vieilles gens
tout pareil
dans la saint Martin
Courbée sous la peine
la vieille est allée au bois
la vieille est allée au bois
par abnégation
une pensée fugace
s'insinue en tête
qu'est devenue la liberté
qu'elle allait quérir
en quittant le joug paternel
pour la bague au doigt ?
si mélancolique elle est
c'est du vide immense
qui s'ouvre dessous ses pas
où sont donc ses illusions
de jeune et fière pucelle ?
Dessin Jamadrou |
Les feuilles mortes galopent sur le dos du vent
et livrent leur secret
"La mort est naturelle"
pour réchauffer mon âme
le bois mort
tout feu tout flamme
crépite de joie
alors
sur le dos des couleurs du temps
je me laisse ravir par le grand vent
les oiseaux en partance pour témoins.
et pourquoi pas Montand pour illustrer l'image de Jama ?
La
vieille
Un
chemin de campagne et tout autour les bois. L’humidité colle les feuilles aux
godillots maculés de terre de la vieille femme. Voûtée, elle chemine face au
vent.
haleine
de brume
la
respiration courte
elle
avance
Quelques
bogues oubliées ouvrent leurs bouches sales à son passage. L’eau est partout
qui fait l’humus.
la
putréfaction
étape
vers l’autre forme
résurrection
Demain
est un leurre, le temps est à l’instant. Dans cette campagne misérable, chaque
pas est vie, résistance, défi. Le ciel le sait bien qui se confond en nuages.
ici
tout est lutte
rêves
sous les semelles
sourire
et cœur las
Quelques
instant d’arrêt, comme pour lire l’horizon par-delà les cimes de vieux chêne
tordus. Ici tout est patience, on prend le temps de vivre.
Pas
d’état d’âme
pas
une once de rébellion
juste
un désir de feu
Le
petit bois abandonné sur la mousse, aux pieds des feuillus dénudés pour
l’hiver, est son seul soucis. Elle se baisse, ramasse, se relève, recommence.
Le fardeau se fait lourd. Mais tout à l’heure le feu.
à
peine un râle
le
dos courbé de branches
elle
s’en retourne
Bientôt
dans l’âtre brûlera ce feu tant espéré où ses vieux doigts raidis danseront
vers les flammes. Le silence, plus fidèle qu’un chien, lui parlera encore, et
de son sourire édenté elle le remerciera.
de
soupir en sourire
quand
elle hoche la tête
elle
acquiesce à la vie
aimer
ce que l’on a
est
il de plus pur désir ?
Bonjour l'Herbier… A l'heure ou le modernisme est de mise dans les foyers, corvées allégées par divers automates, il est bien de se rappeler l'histoire de cette vieille… merci, JB
RépondreSupprimerLe froid sans doute qui rappelle quelques souvenirs, portés parfois par l'écoute de plus anciens qui ont connu ce temps; et nous l'ont transmis au travers de leur œuvre. Je suis passée chez toutes aujourd'hui. J'aime avoir le temps de le faire.
SupprimerJ'ai tant de retard en lecture que de toutes ces propositions je n'avais encore lu que celle de Jeanne.
RépondreSupprimerTout est très beau.
Juste un immense merci à toutes.
Merci de nouveau à toi pour ces partages.
Tu dois en avoir moins que moi de ces lectures en retard. Mais c'est l'instant du passage qui compte, pas celui de l'absence. Il est toujours agréable de voir des amis surtout après un temps d'absence.
SupprimerComme un voile de nostalgie qui danse et s'envole par la cheminée, elle va la vieille avec ses joies et ses peines et se laisse bercer par les mots de l'herbier avant qu'elle ne ferme les yeux et que l'âtre ne s'éteigne...
RépondreSupprimerNos vieilles se ressemblent, elles cheminent, sages et non résignées. Des vies bien remplies qui s'éteignent doucement devant la chaleur d'un feu. Une forme de reconnaissance pour la vie.
SupprimerSublime suite, Adamante et toutes. Bises.
RépondreSupprimerMerci Léanaïg, une suite en petit bois et braises dans une cheminée.
SupprimerLa mort est naturelle... mais l'absence de l'aimé sera dure à porter...
RépondreSupprimerOui, Josette, l'absence se raconte dans le froid et le vent quand on ne partage plus la chaleur d'un foyer.
SupprimerLa Vie, la Mort, risible cavalcade...
RépondreSupprimerÉté, automne, hiver …
Elle nous suit de son pas lourd,
Et partout, nous fait signe la Camarde.
Été, automne, hiver…
La Vie pour elle, va son cours,
Je n’ai respect que pour toi, Camarade !
Été, automne, hiver….
Les deux vont, au dernier jour,
Et main dans la main, portent l’estocade.
Été, automne, hiver….
Rêve, illusoire séjour,
Nos passages ? Insipide toquade!
Serge De La Torre
Avec mes salutations navrées pour ma trop mince implication.
Bonjour Adamante,
RépondreSupprimerJe viens découvrir ce que la belle chanson de Brassens a inspiré. Tout est magnifique! Dommage que les mots aient refusé de sortir de ma plume.
Merci pour tous ces partages très émouvants et si bien présentés!
Je croyais avoir commenté ici aussi ! Brassens et la vieille de Bonhomme a inspiré et bien inspiré en douceur et mélancolie acceptée. Samedi Marie Laforêt a fait un dernier salut à Brassens car à cette annonce, la vieille m'a fait pensé à la chanson qu'elle avait partagé avec Guy Béart Frantz :https://www.youtube.com/watch?v=oFfJ14AHwh0
RépondreSupprimersourires ...