L'herbier, tel que je le rêve, est une œuvre commune sur une page commune, pas une source d'idées pour des écriture individuelles, que le nom de l'herbier soit ou non référencé, car cela nie la notion du partage.
Oui, l'herbier c'est avant tout le partage, un livre virtuel où sont présents plusieurs auteurs.
Alors merci à celles et ceux qui partagent cette vision, ils sont les bienvenus ici. AD
Doris Salcedo Atrabiliarios, 1992-2004, chaussures, mur, bois, fibres animales Musée d’Art contemporain de Chicago |
Fragilité d’une fausse douceur passagère
derrière un non tissé qui fondra comme neige au soleil
Périssable être humain aux chaussures délicates
Femme meurtrie par la vie chancelante sur ses
escarpins blancs
Existence vouée ou livrée au hasard ?
Horreur envers tous ces hommes immunisés contre
la fragilité humaine
Ils tuent pendant que d’autres aspirent juste
Comment conserver quelque part un coin
d’incertitude où seraient rangées nos fragilités et notre impuissance à dire, à
voir, à entendre ?
Doit-on coucher cette fragilité dans une boîte
en bois, cercueil éternel ?
Son couvercle ne serait qu’intissé hydrosoluble
qui disparaîtrait sous la rivière de nos larmes
Linceul éphémère cloué sur le cercueil de notre
humanité avec des milliers d’akènes de pissenlit
Ces pissenlits que la femme aux escarpins,
chancelante, suce je ne sais où, par les racines.
Escarpins égarés
une femme a souffert
reste la douceur
d'une exquise féminité
quand la mort est passée
Paysages de chaussures
Petite, sur les photos, je portais des
bottes-chaussons qui ressemblaient en couleurs plus vives
A celles que portaient ma grand-mère maternelle;
mes parents achetaient mes chaussures
Dans un petit magasin où on prenait tout son
temps et le marchand m'offrait un ballon orange.
Quand je regarde les pieds des tout petits (et
des plus grands), je ne vois que des marques
A leurs pieds mais souvent bien peu adaptés à
une journée neigeuse, pluvieuse ou froide.
Certains collégiens gardent leurs
"après-ski" quand la neige a fondu: inadaptation et mode.
Au collège et lycée, j'étais chez les sœurs avec
uniforme, chaussettes blanches et blouse
Alors week-end et vacances étaient enfin
l'occasion de s'habiller à la mode à l'adolescence.
Je rêvais d'un pantalon en velours moulant mais
ma mère trouvait que j'étais trop grosse
Alors que je n'avais que des formes; les
escarpins vernis noirs avec petit talon en pointe
Et nœud vert ont été plus faciles à obtenir; le
pantalon était grenat et j'étais heureuse.
J'ai aimé porter des talons de vamp avec jupe et
bas pour me sentir femme et désirable
Mais comme je me suis souvent senti mal dans mes
pompes au figuré et au propre
Je portais plutôt des petits talons car ma
grande taille me faisait suffisamment cible
De moqueries; j'aime mettre mes pieds à l'air
même si certains trouvent ça moche.
Comme je me suis régalé pendant trois ans au
Maroc en portant des tongs jusqu'en novembre
Parfois et depuis avril souvent: je les payais
trois dirhams et six sous, couleurs vives
Je changeais selon mes tenues; prêtes à plonger
mes pieds dans l'Atlantique
18 mars 2018
Où
es-tu ?
Le lendemain elle allait fêter ses cinq ans, sa mère n’avait
pas encore trente ans.
Bruit de bottes
et pas dans l’escalier
sans au revoir
Au retour de l’école, il n’y a plus personne :
- Maman, où es-tu ?
Il ne lui reste d’elle qu’un vague souvenir d’une paire de
chaussures qu’elle avait, comme tant d’autres petites filles, un jour, empruntée
pour esquisser des pas de dame, au milieu du séjour, en essayant de ne pas se
tordre les pieds.
Sa mère :
Tenant debout
en escarpins
toujours
ultime signature
de sa féminité
Au fond de son cœur une éternelle question :
- Maman, où es-tu ?
Cendrillon en fuite
abandonne sa chaussure
qui la retrouvera ?
Privée de souliers
Malmenée par les vents
Elle chevauche les nuages
Pieds nus, vulnérable
elle a perdu
sa liberté
Quand
les souliers parlent ...
Fermer
les yeux,
les
mettre à leurs pieds ...
Que
sont ces femmes devenues ?
Comme
il trottine dans ma tête
le
claquement de leurs talons !
Dans
un voisin pays
les
folles de mai
marchent
silencieuses
en
talons plats.
Inlassablement.
Au
grand bal tragique
de
l'Histoire sans queue ni tête,
la
vie vaut si peu.
J’ai longtemps vu pendre ses
chaussons usés, noués au clou sur la porte de sa chambre : elle les avait
tant portés.
Tulle cousu de points de
suture :
Les ballerines, si fines, cachent
Moins le beau du ballet, le bonheur
des artistes,
Que les souffrances
endurées des danseuses !
Et chaque fois que s’ouvrait la
porte, le son du bout raide des pointes, contre le panneau de bois, claquant !
Tulle cousu de points de
suture :
Les ballerines, si fines, cachent
Moins le beau du ballet, le bonheur
des artistes,
Que les souffrances
endurées des danseuses !
Que de ballets dansés, grâce,
expression et harmonie, qui manquent de dire que l’art de la danse, ce vampire,
se nourrit du sang versé des ballerines.
Tulle cousu de points de
suture :
Les ballerines, si fines, cachent
Moins le beau du ballet, le bonheur
des artistes,
Que les souffrances
endurées des danseuses !
http://decoeuretdencre.blogspot.fr/
Des chaussures pour mémoire
Chaussures exposées dans une galerie d’art, façon organdi et papier de soie.Un flot de silence s’élève, brise l’anonymat,Le cri minéral de l’absence rebondit sur le blanc des murs.
Sur la pointe, comme les chaussons d’une étoile.Sur la pointe, comme pour se hisser vers les lumières de la nuit, immense.Sur la pointe, pour ne pas oublier et offrir au regard un soupçon de grâce bordé d’épines,Des escarpins se racontent.Combien de Cendrillons ont perdu leurs souliers ?Combien de Cendrillons ont perdu leur visage, lacéré, un jour si différent des autres et qui n’aurait pas dû ?Combien de Cendrillons pour combien de souliers ?Combien de souliers pour savoir qui ? Pour briser l’attente, insupportable ?La terre a bu le sang,La terre boit toujours le sang.La terre, comme toutes les mères dans la nature lèche les plaies de ses petits,Quand le cœur se brise en un dernier hoquet et que le corps vaincu s’effondre,Digue rompue, avec le sang la vie s’enfuit.Comme il est lourd le ciel, du premier au dernier rayon du soleil, sur la terre en deuil.Ici sur la pointe, combien de souliers ?Ailleurs sur la terre ou bien dedans, combien de Cendrillons ?
Ce sont de très belles participations.
RépondreSupprimerMerci à tous pour cette page.
Passe une douce journée.
Toi aussi Quichottine, merci de tes passages. Tu nous es chère.
SupprimerMerci Adamante pour cette belle page
RépondreSupprimerUn grand sourire, Josette. Fais un heureux jour.
Supprimer... Sur la pointe... c'est très beau Adamante, comme les autres belles participations
RépondreSupprimerEncore une belle page qui nous lie et qui n'existe que grâce à toi, à tous les autres venant écrire ici ponctuellement ou régulièrement. Belle journée, Marine.
SupprimerUne exposition de textes émouvants de conviction s'offre ici à notre lecture dans cette galerie d'art que nous nommons Herbier de poésies
RépondreSupprimerOh! Galerie d'art! Cela mérite un immense sourire. C'est vrai, il y a une évolution et je peux remercier Artips qui m'a amenée à parler un peu plus des peintres. J'apprend beaucoup en faisant ces recherches, et après, en découvrant votre regard. C'est très riche.
SupprimerLe souffle de l'émotion avançant sur la pointe des pieds, pour découvrir un à un le ressenti de chacun... La beauté de la danse partageant la douleur des épines.
RépondreSupprimerBeauté de la danse, douleur des épines... des cœurs qui souffrent.
SupprimerMerci, Annick de ces mots si justes.
encore une page émouvante et tragique Oui combien de femmes victimes des guerres, des coups, de l'indifférence ?
RépondreSupprimerL'art nous montre la beauté, ici, où l'esthétique est tellement pure, toute la dimension de l'horreur et de la souffrance.
SupprimerBelle journée, Jeanne.
A la poésie des unes, répond celle des autres. Chaque page est un souffle et à chaque souffle, il faut une fenêtre, une dynamique commune.
RépondreSupprimerIl y a une poésie réductionniste (qui réduit tout à un cadre limité, à une forme stéréotypée, à une pensée, une sensibilité qui fait mode et se veut unique unique) et une autre amplificatrice ( qui élargit, qui démultiplie, qui alimente par interaction...). il me semble que l'Herbier de Poésies offre un terreau où peuvent s'exprimer toutes les envies de grandir, de se trouver au travers des mots, des souvenirs et émergences, mais où s'exprime aussi un ensemble, un collectif, un souffle commun que la poésie d'Adamante, placée à la fin, épanouit en s' étant (tout en restant originale et personnelle, nourrie des sensibilités thèmes de chacun, et par le biais d'une mise en valeur de la page. A ce cadre singulier,je reconnais bien des mérites.
Tu as dit, bien mieux que moi, ce qu'est la poésie du partage. Pas de miroir, mon beau miroir ici. Même si le désir d'être apprécié est présent. Nous avons tous besoin d'amour et l'amour sans partage n'est en effet que réductionnisme qui en isolant un auteur le rend très malheureux.
SupprimerAlirs, profitons de notre bonheur.
Merci, Serge. À très bientôt.
Nourrissant!
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