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vendredi 7 septembre 2018

Pour la page 118 - Les étourneaux de Noushka



La danse des étourneaux - Noushka





Je vais être très occupée cette année, mais, grâce à vous, 
je tiens énormément à l'herbier, 
alors je vous propose -pour le moment-
de publier la page le vendredi soir.

Ne tardez pas, adressez-moi les textes, le plus tôt possible.


Un grand merci à vous tous
et à Noushka pour cette merveilleuse photo. AD








 

La page 117 avec le peintre Foujita

 




Merci, merci, merci, les herbes n'ont pas séché,
l'herbier ronronne.   Mais... il faudrait réviser les règles de transmission, l'usage du tambour est dépassé ainsi que les signaux de fumée pour communiquer, les liens par exemple  ;-) . 










Léonard Tsuguharu Foujita, Femme allongée, Youki, 1923, huile sur toile, 50 x 61cm, collection particulière © Fondation Foujita / ADAGP, Paris, 2018


Dans sa nudité
encore pâle la jeune accouchée
- Solitude

Ses yeux noirs grand ouverts
traduisent un déni de vie








Sieste 

Ses heures d’attente, d’un profond sommeil, qui l’envelopperait de plénitude, se tressent le long de sa nudité

Sa sieste se berce
des pensées translucides
d’un rêve éveillé

ses yeux fixés sur l’horizon
explorent l'infini

Lentement, le temps s’écoule, elle s’abandonne…







Vénus, hors du bain...

Sensuelle lascivité, un soir ardent,
Pour la belle en blanc de lait

Sur sa couche de blanc satin
Sous la lune en Blanc d'Espagne...

Mélange de blancheurs
sur fond Noir de Mars limpide
Vénus, hors du bain
















Comment poser des mots sur une image travaillée jusqu'à l'épure pour atteindre à l'universel ?
A l'opposé de la légende des yeux noirs (1), je ne vois en ce visage nulle passion, nulle colère. Une invitation à vivre.
Et à se passer d'adjectifs.

Sous la chevelure
de grands yeux qui interpellent
curieux et sereins

Nul écran entre l'esprit et le regard éveillé, sérieux sans tension ni crainte. La simplicité apparente du trait ne laisse place à aucune émotion et pourtant la présence est intense.

Peau blanche sur draps blancs
telle reposant sur la neige
une blanche Ophélie (2).

Non, tout est douceur ici : elle est si vivante ! L'incarnation du rêve de Baudelaire. Sans les larmes.

"Là tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté." (3)

©Jeanne Fadosi





(1) Les yeux noirs, légende et chant russe



(2) Ophélie, Arthur Rimbaud, 1870


(3) L'invitation au voyage, Baudelaire, Les Fleurs du mal, 1857




illustration sonore (facultatif, je crois qu'ici je préfère le silence)
les yeux noirs par Django Reinhardt







 










La terre en partage


Je ne voulais plus peindre
Je ne voulais plus écrire
Je voulais tisser mes émotions
Je suis allée au fond de mon jardin chercher l’inspiration
Et j’y ai trouvé les couleurs de mes sentiments.
Pour tisser ma vie
Des émotions en couleur
Et tant de fils blancs

J’ai pris la gaude pour teindre des fils en jaune
J’ai pris la garance pour teindre des fils en rouge
J’ai pris le pastel pour teindre des fils en bleu*
J’ai, en diluant, en mélangeant ces colorants végétaux, pu obtenir tant de nouvelles couleurs aux nuances variées et subtiles qu’impatiente, sur mon métier, je me suis mis à tisser du matin jusqu’au soir.
J’ai vu se poser sur mon métier, ma colère, ma désillusion, mon amour, mon espoir, ma lumière, ma noirceur, mon empathie, mes ombres, mon impuissance…
Quand j’ai voulu tisser mes longs silences, mes absences, mes longs temps de méditation loin de tout loin de tous, le blanc m’a cruellement fait défaut !
Je voulais un blanc absolu, je voulais cette blancheur qu’on dit laiteuse, proche de la nacre.
Je voulais le blanc « Foujita »
J’ai su alors que toutes les Herbes du Grand Herbier ne pourraient plus rien pour moi.
C’est ainsi que je me suis tournée vers le minéral.
Et seul **le talc facilement sécable et très mou, qui dans son éclat gras et nacré passe du translucide à l’opaque, m’offrit la poudre magique: le blanc de mes rêves.
Eau de source et poudre blanche dans lesquelles j’ai mis mon fil de lin à tremper des jours et des jours avant de pouvoir réussir enfin à tisser mes silences.

Terre offre en partage
Minéral et végétal
Œuvrons avec elle
Jamadrou
 
« Ciseler, polir ne vaut pas laisser agir la nature. » Tchouang-Tseu
 
*Renseignement trouvés dans un texte de Pierre Bouet et François Neveux (Université de Caen) à propos de la Tapisserie de Bayeux

** Trouvé sur Wikipédia



 









Caresser le mutisme de son pinceau

Comment dire sur ma toile l’essence où baignent tes poses le matin, ce vide qui sépare nos âmes et qui de même les lie? Comment crier en couleurs, la merveille de la Vie derrière l’ordinaire des choses ? Comment hurler en aplat cette souffrance qui se vit et nous embrasse, ma muse !
Comment rendre aussi ce vertige, lorsque s’ouvrent enfin grandes les portes closes :  la chute en figuration qui s’amorce est autant ce qui me brûle, que ce qui me fera grandir.
Allons !

Hurle fort le blanc !
Tendresse pâle qui signe
Ce qui, nu, s’expose.

Comment peindre le lumineux lait de ta peau, sur la soie écrue du drap froissé, sur le moelleux pâle de l’oreiller blessé ? Comment souligner son regard de biche amoureuse, sous mon œil meurtrier d’amant-chasseur ! Mon pinceau, beauté, te couche sur ma toile, t’aime d’un trait, d’un contraste, et peine à rendre l’amour dont, entière, il t’entoure et te couvre.
Allons…

Blanc ! Caresse-la!
Immaculée douceur, 
Cette âme entière. 
                 

 
NEOU


Mon petit chat de deux mois
Est couleur blanc et lilas
J'ai cherché un petit nom
A son image
Snow ou fumée
Flocon ou smooth
Doux comme lui
Alors ce sera Neù
Qui se prononce Néoù
Avec un accent tonique
Comme une plume-virgule
En occitan
Cela veut dire neige
Passé au talc comme la belle dame
Alanguie, éthérée
Dans les rêves de Foujita
Et sous son pinceau...

  

Léonard Foujita
De la blancheur laiteuse
faisait son miel
femmes et chats sublimés
en poussières d'étoiles

  












Dérive de blanc

Dans son regard de ciel, dans cette immensité de temps sans début ni fin, une histoire à peine esquissée pour nous laisser le temps du rêve.

Le retirement
le profond des abysses
un cri d’absence

La femme nuages, peut-être une chimère, nous livre par ses yeux la parole sans tain du silence. Impossible de s’exfiltrer, tout est poids dans cette légèreté.

Une colombe
l’esprit insaisissable
dérive dans le blanc



Je vous propose de finir la lecture par une écoute  : un enregistrement plein d'humour de Marcel Amont.









dimanche 2 septembre 2018

Page 117 avec le peintre Foujita




Un long, un si long silence...

En France, malgré les promesses de qui nous savons et tairons le nom, il est encore des lieux dits "blancs" avec internet façon Shadoks :


 
La pauvre bête (vous voyez de qui je parle ?) a décidé de ne pas pomper et de se mettre au vert entre végétaux et qi gong.


"A existait plus pour le web"


(là un petit clin d'œil à Jean Tardieu, mais si le propos reste obscur, facile : y a qu'à d'mander)


Enfin, pour ceux qui conservent une racine bien endurée dans l'Herbier de poésies et qui n'ont rien à redire d'un Shadok, voici une œuvre du peintre japonais Léonard Tsuguharu Foujita, (ci-dessous).

Et pour célébrer un peintre Japonais, que faut-il donc ?  

Un ou plusieurs : Haïku, tanka, haïbun






Léonard Tsuguharu Foujita, Femme allongée, Youki, 1923, huile sur toile, 50 x 61cm, collection particulière © Fondation Foujita / ADAGP, Paris, 2018




"Années 1930. Les toiles du peintre japonais Foujita rencontrent un franc succès.

Ce sont surtout ses grands nus féminins qui fascinent et impressionnent : leur blancheur un peu laiteuse est proche de la nacre…
Comment l'artiste obtient-il ce blanc si particulier ? C’est top secret !
Foujita n’est pourtant pas chimiste. Déjà tout petit, au Japon, il rêve de devenir peintre. Et pas n’importe où : en France ! Un souhait exaucé dès 1913, alors que le jeune Japonais pose ses valises à Paris.
Entre son talent et son allure de dandy identifiable entre tous, Foujita ne tarde pas à se faire un nom.  Et ce nom est immédiatement associé à sa curieuse coupe au bol, à ses délicats dessins, et à ses fameux fonds blancs…
Malgré les questions du public et de la critique, Foujita se garde bien de divulguer la recette de son mystérieux blanc. Au point de l’emporter dans la tombe, en 1968."



Jean Agélou, Foujita dans son atelier, 1917


Mais...


"Après moult analyses scientifiques, les spécialistes sont enfin en mesure d’en révéler le secret. Celui-ci repose sur un ingrédient mystère : du talc, tout simplement !
L’artiste en mélangeait à de la peinture très diluée, qu’il superposait en de multiples couches pour obtenir ce rendu à la fois transparent et nacré.
Comme quoi, un ingrédient ordinaire suffit pour changer la vie d’un artiste et pimenter celle d’un restaurateur !"

Léonard Tsuguharu Foujita, Autoportrait au chat, 1928, huile et gouache sur toile, 35 x 27 cm, Centre Pompidou-Musée national d’art moderne, Paris © Fondation Foujita / ADAGP, Paris, 2018



Alors, à vendredi prochain ?




vendredi 13 juillet 2018

Page 116



Amertume
Brouille en brouillard
Le soleil boude

Les vagues ondulent
Et de son âme malade
Le roc couvert d’algues
Laisse couler
Au bord de sa mémoire
Le sillon bleu
D’une larme de mer

Silhouette
Dans la brume
Jardinier des côtes
Statue des vents
suppliant Triton
De dompter
L’insouciance humaine
Et la colère marine

Au loin se perd
Le son plaintif
D’une corne de brume








Le conte du soleil perdu


Le soleil pleure et la lune rit
Mon petit doigt sait bien tout ça
Le soir s'assombrit sur la terre
L'indigo mange le blanc
Le gris sous son masque sourit
Le conte que tu me racontes
N'a pas de tête, n'a pas de sens
Dans sa chaumière le vieux se meurt
Personne ne veut écouter son mal
Sa solitude amère
Sur les mers des jeunes se noient
La vague les enfouit dans le sable
Les portes se ferment
Le soleil a été inventé pour éclairer
Quand mes yeux se ferment
Le noir l'emporte
Je n'y peux rien
Et toi non plus
C'est le conte du soleil perdu.





 

Le jardinier pleure
son jardin essoré de vent
ses salades grêlées 

Il ne devrait pas gémir
l'avenir toujours fuyant

Après les inondations de janvier, la neige de février, la morsure du gel de mars, il plonge loin dans ses pensées, se rappelle ses cours d'histoire.

L'humble jardinier
songe à la pensée sauvage*
cueillant sans piller

ne chassant que pour nourrir
une tribu affamée

Le soleil précoce d'avril, la pluie et le froid de mai, avant les orages ont fait place à la sécheresse, à la chaleur harassante.

Une planche de carottes
s'ébroue et se rafraîchit
aux gouttes d'arrosoir

les petits pois rabougris
ont séché sur les tuteurs

Le locataire des lieux renoue avec les sagesses millénaires, acteur de sa vie certes, à sa juste mesure, dans l'immensité des mondes. 

©Jeanne Fadosi 
 
* allusion à une citation de Prévert
« Le vrai jardinier se découvre devant la pensée sauvage. »
  Jacques Prévert, Fatras, 1966,
  Adonides, 1972,1975


 

Les larmes du jardinier

Un matin, il y a de ça fort longtemps, un jardinier avait brûlé les herbes de son vieux jardin, il avait décidé de le refaire, plus beau, plus harmonieux, afin d’y finir ses jours.  Il ne restait plus que de la cendre sur la terre.
Satisfait de son travail, il s’était mis à réfléchir devant cette étendue vierge et prometteuse.
Quel aspect aurait donc le nouveau jardin qu’il allait planter là ? Il ferma les yeux et se mit à rêver.
Il échafauda des plans, modifiant à l’envi dans son rêve, le parcours d’une allée, l’emplacement d’une tonnelle où goûter l’ombre l’été, celui d’un bassin où nageraient des poissons plus merveilleux les uns que les autres et où viendraient boire les oiseaux…
Il souriait, s’imaginant se promener dans ce parc enchanteur et changeant sans cesse la disposition des plans pour atteindre la perfection.

Mais pendant qu’il rêvait, pendant qu’il faisait et défaisait ses plans, les ronces, toujours promptes à envahir les espaces abandonnés, proliférèrent tant et tant qu’on ne vit plus un seul espace de terre vierge.

Un jour, en sortant de son rêve, car il faut bien que les rêves aient une fin, le jardinier découvrit son jardin mangé par les ronces et les mauvaises herbes.
Éploré devant un tel malheur, il se mit à gémir, il avait fait tout ce travail pour rien, pour avoir pire qu’avant. Il avait détruit un beau jardin et l’avait offert en cadeau aux ronces.
Alors il se mit à le regretter son vieux jardin imparfait. S’il n’avait pas été pris de cette folie de détruire, il aurait pu maintenant se reposer à l’ombre des forsythias, il aurait pu écouter chanter les oiseaux dans un décor enchanteur et profiter de ce lieu pour y reposer sa vieillesse… Car il avait beaucoup vieilli. Les rêves, ça prend du temps si l’on n’y prend garde.
Ses larmes se mirent à couler, à couler et plus elles coulaient, plus son vieux jardin lui paraissait plus beau et plus il en avait de regret. Il fut pris de désespoir devant tant de beautés perdues, ses larmes nourrissaient ses larmes, elles étaient intarissables. Elles ruisselaient sur la terre et plus elles ruisselaient plus le roncier assoiffé proliférait. L’espace qu’il occupait devint impraticable, c’était une forêt plus impénétrable que celle qui entourait le château de la Belle au bois dormant. 
De ruisseau, ses larmes devinrent un fleuve, le fleuve à son tour devint une mer, une mer salée comme les larmes et le jardinier désespéré, affaibli, un soir de pleine lune, fut emporté par une vague.
Jamais personne ne le revit, il s’était sans doute noyé dans son chagrin. 

Voilà pourquoi, quand on raconte son histoire, comme je vous la raconte maintenant, à la veillée, à l’heure où les ombres dansent menaçantes sur les murs, on conseille à ceux qui écoutent et qui rêvent de toujours garder un œil ouvert.

Que ce conte vous fasse un heureux jour.
©Adamante Donsimoni

Là-bas c'est avec les illustrations


            Tiré de  "Comment fut guéri le soleil et autres contes"
             (sacem/sacd)

dimanche 8 juillet 2018

proposition pour la page 116


Si cela vous inspire...



Illustration extraite de mon manuscrit :  "comment fut guéri le soleil et autres contes".  Adamante