Bienvenue dans l'Herbier de Poésies. Vers libres, prose poétique, expression libre des profondeurs de l’instant qui se dit sans rime ni métrique imposée. Mais aussi Haïku & famille favorisant le fond plutôt que la forme.
l'herbier ronronne. Mais... il faudrait réviser les règles de transmission, l'usage du tambour est dépassé ainsi que les signaux de fumée pour communiquer, les liens par exemple ;-) .
Comment
poser des mots sur une image travaillée jusqu'à l'épure pour atteindre à
l'universel ?
A
l'opposé de la légende des yeux noirs (1), je ne vois en ce visage nulle
passion, nulle colère. Une invitation à vivre.
Et
à se passer d'adjectifs.
Sous
la chevelure
de
grands yeux qui interpellent
curieux
et sereins
Nul
écran entre l'esprit et le regard éveillé, sérieux sans tension ni crainte. La
simplicité apparente du trait ne laisse place à aucune émotion et pourtant la
présence est intense.
Peau
blanche sur draps blancs
telle
reposant sur la neige
une
blanche Ophélie (2).
Non,
tout est douceur ici : elle est si vivante ! L'incarnation du rêve de
Baudelaire. Sans les larmes.
illustration
sonore (facultatif, je crois qu'ici je préfère le silence)
les
yeux noirs par Django Reinhardt
La
terre en partage
Je
ne voulais plus peindre
Je
ne voulais plus écrire
Je
voulais tisser mes émotions
Je
suis allée au fond de mon jardin chercher l’inspiration
Et
j’y ai trouvé les couleurs de mes sentiments.
Pour
tisser ma vie
Des
émotions en couleur
Et
tant de fils blancs
J’ai
pris la gaude pour teindre des fils en jaune
J’ai
pris la garance pour teindre des fils en rouge
J’ai
pris le pastel pour teindre des fils en bleu*
J’ai,
en diluant, en mélangeant ces colorants végétaux, pu obtenir tant de nouvelles
couleurs aux nuances variées et subtiles qu’impatiente, sur mon métier, je me
suis mis à tisser du matin jusqu’au soir.
J’ai
vu se poser sur mon métier, ma colère, ma désillusion, mon amour, mon espoir,
ma lumière, ma noirceur, mon empathie, mes ombres, mon impuissance…
Quand
j’ai voulu tisser mes longs silences, mes absences, mes longs temps de
méditation loin de tout loin de tous, le blanc m’a cruellement fait
défaut !
Je
voulais un blanc absolu, je voulais cette blancheur qu’on dit laiteuse, proche de
la nacre.
Je
voulais le blanc « Foujita »
J’ai
su alors que toutes les Herbes du Grand Herbier ne pourraient plus rien pour
moi.
C’est
ainsi que je me suis tournée vers le minéral.
Et
seul **le talc facilement sécable et très mou, qui dans son éclat gras et nacré
passe du translucide à l’opaque, m’offrit la poudre magique: le blanc de mes
rêves.
Eau
de source et poudre blanche dans lesquelles j’ai mis mon fil de lin à tremper
des jours et des jours avant de pouvoir réussir enfin à tisser mes silences.
« Ciseler,
polir ne vaut pas laisser agir la nature. » Tchouang-Tseu
*Renseignement
trouvés dans un texte de Pierre Bouet et François Neveux (Université de Caen) à
propos de la Tapisserie de Bayeux
**
Trouvé sur Wikipédia
Caresser le mutisme de son pinceau
Comment dire sur ma toile l’essence où
baignent tes poses le matin, ce vide qui sépare nos âmes et qui de même les
lie? Comment crier en couleurs, la merveille de la Vie derrière l’ordinaire des
choses ? Comment hurler en aplat cette souffrance qui se vit et nous
embrasse, ma muse !
Comment rendre aussi ce vertige, lorsque
s’ouvrent enfin grandes les portes closes : la chute en figuration
qui s’amorce est autant ce qui me brûle, que ce qui me fera grandir.
Allons !
Hurle fort le blanc !
Tendresse pâle qui signe
Ce qui, nu, s’expose.
Comment peindre le lumineux lait de ta peau,
sur la soie écrue du drap froissé, sur le moelleux pâle de l’oreiller blessé ?
Comment souligner son regard de biche amoureuse, sous mon œil meurtrier
d’amant-chasseur ! Mon pinceau, beauté, te couche sur ma toile, t’aime
d’un trait, d’un contraste, et peine à rendre l’amour dont, entière, il
t’entoure et te couvre.
Dans
son regard de ciel, dans cette immensité de temps sans début ni fin, une
histoire à peine esquissée pour nous laisser le temps du rêve.
Le
retirement
le
profond des abysses
un
cri d’absence
La
femme nuages, peut-être une chimère, nous livre par ses yeux la parole sans
tain du silence. Impossible de s’exfiltrer, tout est poids dans cette légèreté.
En
France, malgré les promesses de qui nous savons et tairons le nom, il est
encore des lieux dits "blancs" avec internet façon Shadoks :
La
pauvre bête (vous voyez de qui je parle ?) a décidé de ne pas pomper et de se
mettre au vert entre végétaux et qi gong.
"A existait plus pour le web"
(là un petit
clin d'œil à Jean Tardieu, mais si le propos reste obscur, facile : y a qu'à d'mander)
Enfin, pour ceux qui conservent une racine bien endurée dans l'Herbier de
poésies et qui n'ont rien à redire d'un Shadok, voici une œuvre du peintre japonais Léonard Tsuguharu Foujita,
(ci-dessous).
Et
pour célébrer un peintre Japonais, que faut-il donc ?
"Années
1930. Les toiles du peintre japonais Foujita rencontrent un franc succès.
Ce
sont surtout ses grands nus féminins qui fascinent et impressionnent : leur
blancheur un peu laiteuse est proche de la nacre…
Comment
l'artiste obtient-il ce blanc si particulier ? C’est top secret !
Foujita
n’est pourtant pas chimiste. Déjà tout petit, au Japon, il rêve de devenir
peintre. Et pas n’importe où : en France ! Un souhait exaucé dès 1913, alors
que le jeune Japonais pose ses valises à Paris.
Entre
son talent et son allure de dandy identifiable entre tous, Foujita ne tarde pas
à se faire un nom.Et ce nom est
immédiatement associé à sa curieuse coupe au bol, à ses délicats dessins, et à
ses fameux fonds blancs…
Malgré
les questions du public et de la critique, Foujita se garde bien de divulguer
la recette de son mystérieux blanc. Au point de l’emporter dans la tombe, en
1968."
Jean Agélou, Foujita dans son atelier, 1917
Mais...
"Après
moult analyses scientifiques, les spécialistes sont enfin en mesure d’en
révéler le secret. Celui-ci repose sur un ingrédient mystère : du talc, tout
simplement !
L’artiste
en mélangeait à de la peinture très diluée, qu’il superposait en de multiples
couches pour obtenir ce rendu à la fois transparent et nacré.
Comme
quoi, un ingrédient ordinaire suffit pour changer la vie d’un artiste et
pimenter celle d’un restaurateur !"
Un
matin, il y a de ça fort longtemps, un jardinier avait brûlé les herbes de son
vieux jardin, il avait décidé de le refaire, plus beau, plus harmonieux, afin
d’y finir ses jours.Il ne restait
plus que de la cendre sur la terre.
Satisfait
de son travail, il s’était mis à réfléchir devant cette étendue vierge et
prometteuse.
Quel
aspect aurait donc le nouveau jardin qu’il allait planter là ? Il ferma les
yeux et se mit à rêver.
Il
échafauda des plans, modifiant à l’envi dans son rêve, le parcours d’une allée,
l’emplacement d’une tonnelle où goûter l’ombre l’été, celui d’un bassin où
nageraient des poissons plus merveilleux les uns que les autres et où
viendraient boire les oiseaux…
Il
souriait, s’imaginant se promener dans ce parc enchanteur et changeant sans
cesse la disposition des plans pour atteindre la perfection.
Mais
pendant qu’il rêvait, pendant qu’il faisait et défaisait ses plans, les ronces,
toujours promptes à envahir les espaces abandonnés, proliférèrent tant et tant
qu’on ne vit plus un seul espace de terre vierge.
Un
jour, en sortant de son rêve, car il faut bien que les rêves aient une fin, le
jardinier découvrit son jardin mangé par les ronces et les mauvaises herbes.
Éploré
devant un tel malheur, il se mit à gémir, il avait fait tout ce travail pour
rien, pour avoir pire qu’avant. Il avait détruit un beau jardin et l’avait offert
en cadeau aux ronces.
Alors
il se mit à le regretter son vieux jardin imparfait. S’il n’avait pas été pris
de cette folie de détruire, il aurait pu maintenant se reposer à l’ombre des
forsythias, il aurait pu écouter chanter les oiseaux dans un décor enchanteur
et profiter de ce lieu pour y reposer sa vieillesse… Car il avait beaucoup
vieilli. Les rêves, ça prend du temps si l’on n’y prend garde.
Ses
larmes se mirent à couler, à couler et plus elles coulaient, plus son vieux
jardin lui paraissait plus beau et plus il en avait de regret. Il fut pris de
désespoir devant tant de beautés perdues, ses larmes nourrissaient ses larmes,
elles étaient intarissables. Elles ruisselaient sur la terre et plus elles
ruisselaient plus le roncier assoiffé proliférait. L’espace qu’il occupait
devint impraticable, c’était une forêt plus impénétrable que celle qui
entourait le château de la Belle au bois dormant.
De
ruisseau, ses larmes devinrent un fleuve, le fleuve à son tour devint une mer,
une mer salée comme les larmes et le jardinier désespéré, affaibli, un soir de
pleine lune, fut emporté par une vague.
Jamais
personne ne le revit, il s’était sans doute noyé dans son chagrin.
Voilà
pourquoi, quand on raconte son histoire, comme je vous la raconte maintenant, à
la veillée, à l’heure où les ombres dansent menaçantes sur les murs, on
conseille à ceux qui écoutent et qui rêvent de toujours garder un œil ouvert.