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Photo Balaline |
Et pour le fêter le Grand Jacques:
Bienvenue dans l'Herbier de Poésies. Vers libres, prose poétique, expression libre des profondeurs de l’instant qui se dit sans rime ni métrique imposée. Mais aussi Haïku & famille favorisant le fond plutôt que la forme.
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Acrylique Adamante -Tiré du livre le Faiseur d'Accueil Prix Jules Supervielle 2022 de la Société des Poètes Français. |
Au clair de la lune
Mon amie Pierrette
Prête-moi ta plume
Pour écrire un mot
Ici c'est la mère Michel
Qui a perdu son chat
Allez sonner chez la voisine
Vous vous trompez d'histoire
Me voilà tout chiffonné
Lui crie Pierrot
Pourriez-vous toutefois
M'éclairer de votre chandelle
Par votre fenêtre
On n'y voit goutte
Dans cette ruelle de nuit
Soyez bon prince, allez
Je veux bien
Vous être charmante
Mais de m'avoir tirée du lit
Vous me devez un baiser
D'un sac à pain
faire une toile récréative
pas son beurre
Il était une fois...
Il était une fois… c’est ainsi, en général, que grand-mère commence son récit. Elle en a plein son sac à souvenirs. Invariablement , assis bien sagement autour d’elle, nous attendons cette introduction riche de promesses.
– Il était une fois une jeune fille, assise sur le siège en pierre de la plus monumentale cheminée que vous ne verrez jamais.
– Elle était grande comment cette cheminée, dis, Mamie?
– Grande comme… comme une énooorme bouche d’ogre! Pensez! On pouvait y déposer un tronc d’arbre entier!
– oooooh!
– Ah, c’est vrai que j’ai oublié de vous préciser que la jeune fille habitait un château. Je continue. Voyons, où en étais-je? Ah oui! La jeune demoiselle assise près du feu était transie de froid, certes, mais aussi d’inquiétude… Son père, son frère ainé, ainsi que tous les chevaliers n’étaient toujours pas rentrés de leur expédition punitive. La nuit était tombée. Les plaintes du vent descendaient du conduit de fumée comme pour mieux glacer son âme. Tourmentée, la pauvrette, l’esprit absent, fixait les flammes vives. Celles-ci dansaient de joie soudainement ravivées par le souffle d’Éole rugissant tout là-haut. Elles montaient, s’étiraient léchant le contre-cœur*. L’étrange chorégraphie s’éloignait, revenait, puis s’écartait à nouveau abandonnant à chaque fois toujours plus d’escarbilles. Éléonore finit par remarquer l’étrange manège du feu. Les étincelles demeuraient fixées, de plus en plus nombreuses. Quelle diablerie était-ce là? Inconsciemment, elle se penchait en avant fascinée par le phénomène. Peu à peu, un visage incandescent apparut. Son expression était d’une tristesse infinie. Homme ou femme? Éléonore aurait été bien en peine de le dire. Soudain! Vociférations, rires et martellement martial d’un groupe d’hommes. Enfin! Les voici de retour! La jeune fille, heureusement distraite, se tourna vers l’entrée de la vaste salle. Son père était là, puissant et rassurant avec sans doute un récit de bataille à conter. Mais, cette fois, elle aussi avait quelque chose à raconter, à montrer, se dit-elle en jetant un coup d’œil à la plaque de la cheminée. Effarée et déçue, elle découvrit que l’étrange portrait avait disparu.
.
À la chandelle-
L’auditoire sous le charme
Ronflements du chien
.
* Contre-cœur: il s’agit de la plaque en fonte protégeant le mur du fond de l’âtre
Babouchka :
C’était bien elle la babouchka de mes rêves qui, chaque soir éclairant mon lit d’une simple bougie, me contait les légendes de chez nous. Je la voyais ronde et légère dans un nuage de sable brun. De sa douce voix, semblable à celle de ma grand-mère, elle soulageait ma peine et mes cauchemars.
nuages de sable
sur la maison endormie –
babouchka conte
Mon esprit voguait d’une région à l’autre à la recherche de mon ancêtre. Me laissant porter par la musique des mots je sombrais dans un profond sommeil. Chaque matin, en ouvrant les paupières, j’espérais toujours la voir assise près de mon lit. Invariablement, elle avait disparu…
sommeil d’enfant
au plus profond de ses rêves
son esprit s’apaise
Adulte, je me souviens d’elle, fruit de mon imagination pour ne pas pleurer, tous les soirs, la mort de ma grand-mère.
Mamie n’est plus
son absence trop pesante
- babouchka contait
Augustine s'est couchée de bonne heure alors que le vent soufflait autour de la maison. La nuit seule chez elle, le moindre bruit l'effraie... Elle se réveille, ensuite elle ne peut plus se rendormir.
Ce soir, la tempête se renforce, elle s'angoisse...
Elle appuie sur l'interrupteur mais il n'y a pas d'électricité.
«Où donc est passé ma bougie, je cherche dans le tiroir de ma table de nuit, à tâtons, quelle galère, pourquoi entasses-t-on tant de trucs inutiles!» . Après avoir fait tomber deux ou trois objets je trouve enfin une bougie et des allumettes .
Bonté divine
le compteur a du disjoncter
je descend l'escalier
Derrière la porte j'entends le chat miaule, il veut rentrer, tout se ligue contre moi!
C'est bien le moment de faire des courants d'airs! Foi d'Augustine méfions nous des chats, ils font alliance avec les mauvais esprits, c'est ce que dit ma voisine...
Sacré chat noir
on devrait toujours se méfier
des stratagèmes félins
Allez savoir si une mauvaise personne ne se serait pas cachée dans le cellier pendant que j'étais au jardin... J'ai une peur bleue. Si on m'égorge personne ne viendra à mon secours...
J'appuie sur le bouton du compteur, ouf ... et la lumière fût!
Je me sens rassurée
calmant ou verre de Fine
qu'est ce que je prend?
Au clair de la lune
Il n'avait pas besoin du briquet de la voisine, il vivait avec sa colombine. Un soir par semaine, ils allaient danser au son de la vielle quelques quadrille et rigaudon et autres gigouillettes. Il m'est arrivé de les accompagner. De danses en contes, ils en étaient venus à renouer avec les veillées d'antan. De ce temps déjà lointain qui n'était pas rythmé par les programmes télévisés, bientôt enrichis de travaux d'aiguille.
Quelques bûches dans l'âtre,
le soir des danses et des contes
Pierrot souviens t'en !
Une chandelle pour la veillée
toi en blaude, elle en pierrot*.
©Jeanne Fadosi, jeudi 2 mars 2023
pour la page 221 de l'Herbier de poésies
*Le "Pierrot", coiffe typique normande portée par les jeunes mariées à la fin du XVIIIe siècle, début du XIXe siècle. (France 3 Normandie)
source
pour illustrer
Chère mamie
Il me suffit d'ouvrir la porte de ta demeure, de raviver les flammes à l'âcre fumet du chêne et me voilà plongée
avec délices dans nos fabuleux voyages qui m'emportaient le soir, si loin à la veillée.
Cette douce chaleur enveloppait mon enfance de contes et de légendes, d'histoires de terroir, de nos rires partagés,
de toute ta tendresse.
Histoires colorées
au bon goût d'occitan
tes mains mimaient la vie
Ta voix berçait les soirs, un baume apaisant pour la petite fille si loin de ses parents.
Notre récréation, cette litanie de mots, de gestes aiguisaient toute ma curiosité
m'offrant un autre monde.
J'ai connu des bergers, les seigneurs du château, le vieux sorcier aimable, des grottes et des rivières,
des fontaines magiques, des arbres séculaires, des fêtes de village, des animaux doués, même le
croque mitaine que j'avais oublié.
Le feu crépite
Les mots effacent les peurs
J' engrange ces souvenirs
Chère mamie, ce lien indestructible, ce cadeau de la vie qui inonde mes yeux conserve précieusement
toutes les belles pages d'une enfance dorlotée, toute ma passion des livres, de la nature, de la poésie,
de ces instants exquis que nous offre la vie.
Balaline -02/03/2023
Grand-Mi
Le feu crépite dans la cheminée. Son souffle accompagne les murmures de la nuit qui parcourent les ombres environnant la campagne.
Dans la vieille maison, tandis que les langues de l’enfer s’agitent sur les bûches, balayée par les lueurs de l’âtre, la vieille pendule semble sommeiller tandis que l’assistance attend religieusement dans la pénombre que Grand-Mi se décide à parler. Tous les regards sont tournés vers Elle, conteuse et doyenne du village. Ici on dit d’Elle que c’est « Celle qui sait » et on la respecte. Elle n’oublie pas Grand-Mi. Elle n’oublie jamais. Ce qui s’est passé avant, ce que lui ont raconté ses grands-parents qui le tenaient eux-mêmes de leurs ancêtres, elle en est la précieuse récipiendaire.
On appelle ça la transmission orale, car au temps des contes, un temps qui remonte à fort loin, ceux du pays ne connaissaient le papier que pour les choses de bien, chez le notaire. Les bibliothèques, c’était pour les riches, pour ceux qui pouvaient envoyer leurs enfants à l’école. Chez eux l’histoire c’était dans la tête qu’elle se conservait, et c’était par le dit qu’elle se transmettait, pas par l’écrit. À chaque génération, c’était à celui qui mémorisait le mieux et qui avait le don de dire que revenait le titre de conteur.
Certes, ceux qui reprenaient le flambeau l’enjolivaient un peu l’histoire quand c’était une histoire d’amour, ou ils la rendaient encore plus redoutable quand elle parlait de bandits de grands chemins ou des Dames blanches qui entraînaient les fêtards avinés dans des limbes d’où ils ne revenaient jamais. Il fallait bien que chacun y mette un peu du sien pour se l’approprier. Mais les histoires poursuivaient leur chemin d’aïeule en aïeule, c’est ainsi qu’elles étaient arrivées jusqu’à Grand-Mi et jusqu’à nous.
« Ouvrez grands vos oreilles tous, et vous aussi les petits car demain c’est vous qui serez en charge de dire et de transmettre. Tant que vous vous souviendrez le pays vivra, oubliez, et il mourra. Mais avec sa mort c’est une part de vous qui disparaîtra, car sachez-le, rien ne peut vivre sans racines »
racine coupée
la tête ploie le corps chute
la flamme s’éteint
malédiction de l’oubli
sans passé pas d’avenir
Sur mon blog, je vous invite à découvrir la photo de la page concernée par l'image.
Adamante Donsimoni – 4 mars 2023
Adamante
http://le-champ-du-souffle.blogspot.fr/
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L'herbier de poésie
https://imagesreves.blogspot.com/
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Acrylique Adamante (une image de mon livre le Faiseur d'Accueil & autre contes) |
Le lien de Nathalie
https://www.facebook.com/photo/?fbid=10225581534019504&set=pob.1062471283
Celui de l'herbier
https://imagesreves.blogspot.com/
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Nathalie Guillon-Manaud |
Elle dura
Ce que durent les roses
Ce que durent les fleurs
Au jardin,
D'été en été renouvelée
Puis
À l'automne elle mourut...
Elle dura
Ce que durent les bouquets
Au cimetière
Déposée avec tendresse
Quand jamais
À oublier on ne se résigne...
Elle dura
Ce que durent ces êtres
Le temps d'une saison
Et, penchée sur elle
J'en ai aimé toutes les beautés
De sa naissance à sa mort...
Rendre son âme
dans un zeste de lumière
Teintes mordorées
Fleur :
L’hiver emprisonne sa tige, ses feuilles, ses espoirs de renaissance.
Elle est fleur, résiste. Fragile et forte, elle capte chaque rayon de soleil, chaque clin de lune.
L’hiver se dérègle, coup de chaud, coup de froid.
Fleur, elle endure. Ses pétales absorbent la lumière au cœur de sa coiffe abat-jour.
L’hiver déroule sa saison.
La fleur téméraire jusqu’à son dernier jour éclaire le grand livre de la nature, que, sous son chapeau de lampe, feuille à feuille, je lis.
décor hivernal
en abat-jour naturel
- éclat soliflore
d’une douce lumière
notre herbier s’enrichit
Une image sépia.
convoquer les mots d'antan
je reste muette.
Dans mon petit jardin l'hortensia bien malmené par l'été précédent refait déjà quelques bourgeons, trompé par la douceur et la douce bruine de février.
La plante avait fleuri quelques jours la dernière demeure de maman aux derniers mois du siècle dernier. Je l'ai reçue en partage et emportée dans mon jardin. Année après année, au gré des temps turbulents, elle a passé les étés timidement. Printemps après hivers elle a réussi à surmonter fortes gelées et gel tardif, trop humides ou trop secs . Etés après printemps elle a survécu aux pluies d'orage, redressé ses hampes après la grêle, après l'ardeur du soleil trop cru.
L'image est tendre
comme ces coeurs hésitants
au seuil d'un mois de juin
Je l'avais cru moribond.
Il est trop tôt pour l'audace.
©Jeanne Fadosi, jeudi 23 février 2023
C'était il y a longtemps
C’était il y a longtemps, dans un petit village montagnard.
Jeune citadine fraîchement mariée, elle est un peu déroutée par les mœurs paysannes locales. À commencer par l’accent très différent de ceux croisés au cours de ses nombreux déménagements aux quatre coins du pays. Son oreille doit s’acclimater. Et quelle impression bizarre que de vivre comme en pays étranger parmi ces gens s’exprimant très souvent en occitan. Bien qu’ayant encore quelques notions d’espagnol appris au lycée, de grands pans de conversations lui échappent. Heureusement, un matin, où la fenêtre de la salle de séjour est grande ouverte, une vieille dame souriante s’avance et l’interpelle .
– Bonjour! Je suis madame Agut. Boudiii ! Je pense souvent à vous et je me dis. Pauvre petite, loin de sa famille. Comme elle doit s’ennuyer lorsque son mari travaille en forêt toute la journée. Vous me rappelez ma fille partie très loin elle aussi pour ses études de vétérinaire.
– Enchantée de faire votre connaissance madame. Je m’appelle Cécile. Oui, ce n’est pas toujours facile ici pour une fille de la ville.
– Venez chez moi boire un petit thé. Cela vous fera du bien et nous ferons plus ample connaissance.
C’est ainsi que Cécile se fait une grande amie, presque une seconde mère. Madame Agut et son mari la prennent sous leur aile. Très souvent, vers 16 heures, elle va se réchauffer d’un thé ou d’une infusion , les pieds au plus près possible de l’âtre en hiver.
Reflets de l’été
Sur toasts confiturés-
Pied de nez à l’hiver
Aux beaux jours ils l’emmènent dans leur vieille 4L pour des balades aux alentours. Cueillette des narcisses en mai, des fraises des bois en juillet, des framboises en août, des mûres, noisettes et champignons en septembre/octobre. Ah l’automne! C’est aussi l’époque de la confection de magnifiques bouquets secs tout en écoutant les histoires d’antan contées par Mr Agut.
Loisir créatif-
Le Cers* fulmine aux vitres
Rires au coin du feu
.
*Le Cers: Renseignement Wikipédia:
Le cers, ou çers, (en catalan : el cerç) est un vent venant du nord-ouest de Narbonne, parfois très violent, soufflant dans le Languedoc près de la côte méditerranéenne. Il est toujours sec, mais est froid en hiver et parfois très chaud en été.
Le jardin en hiver garde encore quelques hampes, quelques graines, la rocaille refuse de laisser la place à la terre nue, la moindre plante manifeste sa résistance. Il ne reste que des fantômes de fleurs...
La feuille a perdu
son suc et son velours
restent des brins de gaze
Les fleurs se délitent lentement, en parures ligneuses, jaunies telles d'anciennes photos, la nature garde des zestes de beauté, des dentelles végétales, que le vent, la pluie, la neige magnifient avant de les effacer...
La lumière fait son nid
au travers de la feuille sèche
précieux canevas
D'or et de fils entrelacés
même la fin est experte
@marine Dussarrat -Sur Le Jardin de Titi
Les murmures du futur
Une fleur oubliée sur sa tige séchée, c'est l'adieu à l'été, aux couleurs, à la vie.
Si belle au jardin, la voilà immobile, loin des caresses du vent, loin du chant des oiseaux,
des chuchotis nocturnes, des rayons solitaires.
Son coeur s'est asséché, captif du temps qui passe.
Si loin le renouveau
Son passé sans retour
La fleur est triste
Est-il un jardinier, un poète au grand coeur, pour dessiner son rêve ?
Qui lui écrira une autre histoire à vivre ?
Un soliflore
la lumière glisse
sur ses ailes de soie
La voici entre les bras du jour, dans cette transparence illuminant le rosé des pétales
aux veines brodées de pourpre.
Petite âme espérante ....
Dans ton corset, des graines abritant les murmures du futur.
Des milliers de vies encore en sommeil.
Cette longue attente avant la renaissance.
Voici le chant d'un monde qui ne veut pas mourir !
Balaline - 23/02/2023
Le dernier chant
Au jardin, la douceur est partout. La terre a pris ses tons mordorés piquetés de feuilles, les arbres doucement s’intériorisent. Tout est nostalgie et le vent lui-même n’ose souffler trop fort. Mes pas se font discrets et mon regard caresse ce qui fut un somptueux parterre de fleurs. Mais la beauté n’a pas fui, elle s’est faite plus douce, pacifiée par les saisons et le lent retrait de la sève.
Quelques esprits sont là qui tiennent conférence sur des tiges qui ploient. Une reine incline sa tête vers le sol. Temps est venu pour elle de s’effacer, de libérer son cœur de ses espoirs de germe pour les confier au cocon de l’hiver annoncé. Il les couvera jusqu’au grand réveil de la nature
tout passe tout s’éteint
l’ombre enlace la lumière-
dernier chant d’oiseau
Adamante Donsimoni - 24 février 2023