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vendredi 17 mars 2017

Page 70, l'herbier est au bal







  "Au bal" de Berthe Morisot -  musée Marmottan-Monet 



 
Berthe fait tapisserie ce soir.

Chez elle, la beauté n’a rien du frivole,
La retenue, la pudeur, rien de prude.
Il y a dans sa pose quelque chose de plein,
Quelque chose d’une maîtrise, de quelque force secrète .
Femme de silence, et femme d’écoute,
Elle est femme d’expérience, être de vécu.
Elle a le regard soucieux de celles qui voient 
Plus loin que la frivolité de l’éphémère,
Elle a le souci de l’ordre du monde,  
Et puis de ceux qui l’entourent.
Son apprêt n’a rien d’une surcharge,
Juste une élégance de l’allure qui parle de soin,
Qui parle d’attention à soi, et de douceur...
Pour mieux s’offrir le droit à cette rêverie
Que masquerait presque cet éventail.

Qu’elle s’en protège, qu’elle s’y cache ?
Non, c’est un filtre pour que le monde
Ne lui vienne pas trop vite - et fort - la blesser.
C’est une autorisation à regarder autrement la vie.







Berthe...

Au bal
Faire tapisserie
C'est affaire de laideron...
Berthe est jolie fille,
A marier...
On la remarquera !
On...
C'est le fils du banquier
Du notaire
De monsieur le Comte,
Ces on qui en ont
Dorés sur tranche
Qu'importe le profil ingrat...
Parents veillent au grain,
Et sur leur graine... !

Pauvre demoiselle Morisot
Ah si mère savait... !
Elle est amoureuse
Du jeune curé
Beau tel un dieu...
Berthe est de toutes ses messes,
Ca fait jaser les grenouilles
Qui elles ne sont ni aveugles
Ni avares en sucre cassé !

M'accordez-vous cette danse
Mademoiselle... Mademoiselle ??

Perdue dans ses pensées
Elle laisse filer une occasion...
Une occasion, de faire son malheur,
Elle en aime aucun, fils de...











 

Carnet de bal vide
les yeux de la belle valsent
derrière un éventail









Printemps et renouveau
Arbres en bourgeons
Jeune fille en fleur
Ce soir ira au bal
Danser la valse
Au bras d’un prince
Prince charmant
Qu’elle attendra
Assise sagement

Sans chaperon
Moue et déception
Demoiselle mise en pot
Attendra le prochain bal
Rêvant secrètement
De sourires furtifs
De frissons amoureux
Et de la corde au cou
D’un beau collier de femme

Refus et dérision
Brisant la potiche
Seule au milieu de la piste
Au bras d’un cavalier imaginaire
Elle valse, valse, valse
À en perdre haleine
Regards courroucés
Des douairières
Fini le carnet de bal
Se prenant par la main
Elle tracera son destin









Elle a deux roses dans ses cheveux
Noirs de jais la belle oiselle
Avec soin elle a revêtu une robe vaporeuse
Elle affiche un air très agacé
Elle agite un éventail coloré...
Elle comptait sur son cavalier préféré
Las, une accorte gourgandine
S'en est emparé
Je sens se dit-elle que je vais passer
Une fort mauvaise soirée...












 


Tenue de fête, blanche et fraîche
Regard lointain dans l'à venir
           Tristesse










Encore timide dans sa robe vaporeuse 
Elle n'ose regarder
Le visage dissimulé
Elle tient son éventail tel un jeu de cartes 
Un accroche-cœur
peint de scènes galantes
Elle hésite 

Qu'a t- elle vu qui la rend sérieuse
Entend-elle les conseils de sa mère

Son expression volontaire et sérieuse occulte ses traits encore juvéniles 
Elle sait
qu'à ce bal que se joue son destin










Attrapées par distraction, la voix de Guillaume Gallienne dans le poste de radio dans "ça n'peut pas faire de mal"*, celle de Dominique Blanc lisant la première phrase de la dernière page du livre de Annie Ernaux Les années (à partir de la minute 43'00) :
"Le petit bal de Bazoches-sur-Hoesne avec ses autotamponneuses"

Grande plongée dans ces soirs de fête où j'allais à ce bal jeunette, petite dernière chaperonnée gentiment par mes aînées et mes aînés.
Après la retraite aux flambeaux et le feu d'artifice. 
Avant les heures de la nuit, vers trois ou quatre heures, quand les danseurs cédaient la place aux bandes et aux risques de bagarres.
De trop rares occasions d'entendre maman raconter ses bals du Trocadéro, les recommandations de Mémé Louise, mon étonnement de la grande liberté dont elle disposait au même âge que le mien dans les années 1925.
Son carnet de bal qui rendait concret mes lectures romanesques, longtemps précieusement archivé à l'abri de la jalousie de mon père supportant mal qu'elle ait eu une vie sentimentale avant lui. En tout bien tout honneur précisait-elle les yeux brillants.
Un carnet où elle notait la qualité de danseur de ses cavaliers, où un nom exotique revenait souvent. Il dansait si bien ...

Collision de deux mémoires, intrusion d'un grand livre d'écrivain dans le souvenir vrai de mon adolescence ...
Pour "sauver le temps, le mien, celui des autres" (Annie Ernaux dans l'entretien en lien à l'INA)


*(à partir du point 43'00 pour la citation)



                                        illustration musicale, Sidney Béchet Si tu vois ma mère









Au bal du "conte moi fleurette"

Au bal du "conte moi fleurette"
elle semble sage la dame
et pourtant moi je la sens coquine!
Pas chassés, pas de côté
ronds de jambe et courbettes
œillades et badinage
émoustillent ses sens.
Est-elle  indifférente, jalouse, excitée ou dédaigneuse?
Regardez-la bien,  la belle brunette
avec son instrument de séduction subtil mais quelque peu provocateur:
son éventail.
Dans ce langage codé que lui fait-elle dire ?
Elle se couvre l'oreille gauche avec son éventail ouvert !
Au soupirant du jour en catimini elle dit :
"Ne révèle à personne notre secret"
Mais son secret, quel est-il ?
Je me plais à croire
que sur son  éventail,  des cartes à jouer sont dessinées
et qu'elle montre à l'Homme combien le jeu lui plaît !
Car au jeu de l'amour et du hasard, elle se sait reine,
l'éventail n'est-il pas, comme le plaisir,
synonyme d'imagination féminine ?







 
Un long moment de solitude

Oh la! la! Ce qu’il fait chaud! Où est-il passé? Je meurs de soif! Il en avait soi-disant pour une grosse minute… gros soupir… Tiens, elle est là celle-là? Vraiment, on accepte n’importe qui dans ce bal.
«Oh, bonjour Mlle Germaine, je ne vous avais pas vue. (tu parles!) Il faut dire qu’avec tout ce monde n’est-ce pas… Vous êtes très en beauté ce soir (on dirait un gros sac rose et vert. Beurk!). Vous êtes venue avec votre frère? (qui est bête à manger du foin soit dit en passant) très bien, très bien. Moi? Oh non, je ne suis pas seule. Jean-Charles de Méricourt est mon cavalier. Il est allé chercher de quoi nous rafraîchir. Oui, merci. Très aimable. Bonne soirée à vous également… »
Ouf! Bon débarras. Quel pot de colle! … gros soupir exaspéré… Cette chaleur va me liquéfier. Je n’en peux plus. Mais où est-il donc passé? Et ces gants qui n’arrangent rien. C’est peut-être le signe que l’on est une dame de qualité mais question confort, tu repasseras. Voilà l ’orchestre qui joue notre valse à présent. C’est insupportable à la fin! Ai-je une tête à tenir la chandelle? Ah, il va m'entendre. Doux Jésus, le vicomte de Trinqueville. Pourvu qu’il ne me voit pas… Aïe! aïe, il va se retourner... .
« Chérie, navrée pour le retard mais il y avait foule au buffet. Voici votre limonade bien fraîche. Vous ne m’en voulez pas trop?»
« Mais pas du tout  Jean-Charles. On ne s’ennuie pas une seconde. ( grrrrr) Ce bal est fort divertissant. ( mis à part les parvenus et autres vieux fossiles)»
« Vous êtes un amour ma très tendre. Venez, je crois que c’est notre valse…»
Trali la la la …la la …..







Au bal
Ici sans être là


Derrière mon éventail
En tarot de Marseille
J’écoute.

Qui distribuera les cartes ce soir ?
Quelle lame sortira ?
Quel avenir se dessine
Sur l’horizon qui gronde ?

Regard au loin
Derrière les apparences
Par-delà les mondanités
J’observe un autre paysage
Caché

Jeu des archets
Quelques notes
Quelques frottements de tissus
De pieds glissant sur le parquet
Bruissements du bal
Compliments et murmures indistincts
Sourires gênés
Quand une main se fait pressante

J’observe sans voir
L’infini m’emporte
Je suis ici sans être là

Assise, dans cette robe de lumière,
Qui voyez-vous ?
Qui croyez-vous donc voir ?




Le coin des retardataires


Des roses blanches
pour un regard noir
et l'éventail déplie les songes
Tristesse ou mélancolie
les fragments solitaires
se noient
dans la musique du bal

©Balaline 

jeudi 16 mars 2017

Si vous aimez l'Herbier



Juste une petite révision des règles de la communauté, avec exemples
                                      au cas où ce serait nécessaire...

    
-Si vous aimez la poésie Chinoise antique ( Li Po, Wang Wei... ), celle du quotidien sans envolée lyrique, sans rime surtout, mais avec du rythme et de la profondeur ;

-Si vous aimez la simplicité et pensez qu'inverser l'adjectif ne donne pas obligatoirement une valeur à la poésie ;

-Si vous appréciez la prose poétique, celle aussi de l'instant ;

                                                         un exemple :

Le gros rocher


Parfait : un gros rocher
        au bord de la source,
Et un saule pleureur
        pour rincer les coupes.
Si le vent du printemps
        ne délie point l'esprit,
Qu'allons-nous en musique
        au-devant des fleurs tombées !

extrait de "les saisons bleues de Wang Wei



        -Si vous goûtez l’aphorisme ;
                 Un de Sylvain Tesson, pour le plaisir :

Je voudrais me jeter par la fenêtre
                         mais je ne veux pas passer
                                        devant ma voisine du dessous.

                                            Aphorisme dans les herbes et autres propos de la nuit. Pocket


-Si pour le haïku vous favorisez le fond plutôt que la forme (5-7-5 pourquoi pas, à condition de ne pas tomber dans la liste des courses)...
                                    un autre exemple :


Solitude
          les pieds joints
                  sur la bouillotte.

extrait de "On se les gèle" Haïlus d'hiver traduits du japonais par Cheng Wing fun & Hervé Collet

Ed. Moundarren

                               La communauté est faite pour vous.

lundi 13 mars 2017

Pour la page 70, un portrait




"Au bal" de Berthe Morisot -  musée Marmottan-Monet
 
 
 
Berthe naît le 14 janvier 1841 à Bourges et décède le 2 mars 1895 à Paris.
Initiée par sa mère à la peinture elle fut membre fondatrice du mouvement impressionniste et reconnue comme "une artiste à part entière" en particulier par Degas. Elle fut aussi  l'épouse d'Eugène Manet.
Plus sur wikipédia


vendredi 10 mars 2017

Page 69, la nostalgie



 



Les déracinés...

P'tit oiseau, malheureux,
S'est envolé par vent mauvais
De son pays, endolori,
Non par choix...

L'exil, par contrainte
L'exil, pour revivre libre,
Mais une patrie
Ca reste chevillé au corps
Au cœur
A l'âme
A l'esprit
A l'accent...

Et si au pays
On a oublié le p'tit oiseau
Devenu grand
Sur le sol de l'oncle Sam
Le p'tit oiseau libre
Reste prisonnier de la branche
Qui l'a vu naître
Et en rêve, rêve tel un Brassens
Qui l'a quitté des yeux...






Avatar rose




Le magicien chante ma nostalgie avec ses mains,

L’oiseau, étrange, chargé de toutes les tristesses du monde,
S’est, dans l’espace de mon âme, envolé :
Il crie des fantômes et des douleurs oubliées.
Il me parle d’un pays coloré qui n’est pourtant pas le mien.

Or c’est ce dernier, et lui seul, que j’entends :
Nous sommes tous chassés, sans racines,
Tous des exilés de nos certitudes !
 Nous pleurons chacun, au moins,
Nos refuges passés, nos confiances perdues.
Nous sommes, nous aussi, des migrants du désir,
Expatriés d’infinis bonheurs,
D’inoubliables douceurs enfantines
De nos premières croyances,
De nos originelles fulgurances.

Où nous libérons-nous de ce passé chargé de nostalgies ?
Où retrouver les mille objets perdus de nos rêves enchantés ?

Ici et maintenant, dans la merveille du vécu goûté,
Dans l’émerveillement de l’infime  moment.
Déjà,  au fond de moi, s’ouvrent
Dans le battement d’un cil, entre deux trémolos
Des espaces sans frontières où vivre, apaisé,
De quiets silences, d’étranges renouveaux.

Il n’est plus ce pays de nos rêves, et ne reviendra plus.
Le temps  va, sans attache, ni permanence aucune,
Il court le long d’un tortueux chemin fou.

Homme au milieu des hommes, au présent,

Je ne peux devenir que citoyen, libre, du monde qui va.. 




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Douleur d'avoir perdu sa terre natale, douceur douloureuse qui fait tenir debout.

Quelle Terre a-t-il emporté en poussière dans ses poches, l'enfant du voyage né entre deux rivages, ou dans la boue d'un camp immonde ?
De quelle Terre se sent-il né, cet enfant de l'errance ballotté de rejets en rejets ?
Vers quelle Terre peut-il espérer construire son monde dans ce monde ?
A quelle Terre peut-il se confier, l'enfant de la Terre, d'où qu'il soit, où qu'il aille, là où il est cet instant, pour quelques heures ou pour l'éternité ?



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Pays et paysages
J'ai crée mon blog il y 10 ans alors que je vivais au  Maroc , à Casablanca, avec mon mari qui y a monté une usine textile alors qu'en France, nos perspectives de carrière étaient peu intéressantes. L'employeur de mon mari était un juif marocain et non une entreprise française. Par conséquent, nous avions une carte de résident et avons demandé une carte de séjour que nous avons obtenu au bout d'un an et demi après de multiples visites et démarches à la Préfecture  et autres bureaux. Vivre au Maroc n'était pas spécialement mon rêve mais je l'ai tout de suite pris-comme je prends tout dans ma vie-comme une nouvelle aventure à vivre avec  mon mari. Nous avions beaucoup déménagé en France, dans toutes les régions textiles. J'ai aimé voir cette usine (comme j'avais aimé les autres avant) naître  littéralement, grandir et croître  à quelques  kilomètres de la capitale économique. Même s'il n'y a pas de barrière au niveau de la langue, ce fut tout de même un sacré challenge pour mon mari d'embaucher du personnel et de faire vivre cette usine selon un droit et une culture étrangère à la nôtre. Pour ma part, j'ai tiré de ces trois ans de ma vie un livre où j'évoque les « Paysages marocains » que nous avons parcouru ensemble ( la semaine de travail étant de 44 heures et mon mari travaillant du lundi au samedi vers 13h, nous avons eu peu de temps pour voyager) ou séparément. Je conçois les paysages comme des "états de l'âme" (expression  tirée de l'auteur suisse Frédéric Amiel). Ainsi, lorsque j'ai écrit aussi « Istanbul avec toi », il s'agissait plus de sensations de voyage à la suite de mes illustres prédécesseurs que d'un guide pratique. C'était encore plus difficile avec un sujet autant traité que Venise de sortir des sentiers battus, d'où le titre: « Oser Venise ».

©Laura Vanel-Coytte







La bouche de ma main n’est pas un trou sans fond
Elle raconte ma terre
écoute :
bouche qui dit oui
bouche qui dit non
bouche qui conte
bouche qui parle d’un temps
bouche qui se tait
bouche qui laisse sortir le blanc de son passé
bouche qui fait silence
bouche qui se souvient de l'oiseau bleu.

L’œil de ma main voit par-delà la haine
L’oreille de ma main entend la musique du vent

Mimer comme toi l’artiste
C’est sculpter dessiner écrire tout ce qu'on laisse derrière soi
quand la folie des hommes nous oblige à quitter notre terre.
Faire parler la main pour essayer d'avaler l'exil
La main saura toujours se transformer en caresse.
Dans le creux de ma main se cachent à jamais mes racines
mes racines sont le coeur de mon âme
mon âme bat au rythme de l’amour de mes ancêtres.

Tu m’as tendu la main, mon vide s’est rempli, merci.





Avatar rose



Deux
Je suis Deux à réconcilier.
De la nature me vient la force
Qui est aussi faiblesse

Deux, je suis Deux à réconcilier.
De la mémoire me vient le souvenir
Qui est aussi oubli

Deux, je suis Deux à réconcilier.
Du tendre me vient le ferme
Qui est aussi Tu peux compter sur moi, ou se faire œillères

De mon silence, naît ma musique,
Qui peut la chanter à ma place ?

Hier il en était ainsi
Aujourd'hui il en est ainsi
Il en est ainsi de l'essence de l'Homme
Qui veut incessamment s'épanouir en Trois.


 


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L’exil

L’oiseau
les ailes décharnées
plumes emportées par le vent
quêteur de tendresse
raconte une histoire
déracinée

Lointains
le pays absent
le ciel des premiers désirs d’envol
le soleil plus rouge
la terre plus vivante
les parfums plus rares
ce qui reste du passé
après la déchirure
c’est la magnificence
par dilatation du cœur
cette partie intime
pas tout à fait morte
mais à jamais perdue
hante les espaces intérieurs
c’est désormais la dimension du vide
la corde brisée
la note désaccordée
la fêlure
la voix
qui chante
l’absence
en rêvant
de la liberté.







lundi 6 mars 2017

Page 69, on innove !




Oui, j'ai eu envie d'innover aujourd'hui. 
Parce que le monde a besoin de renouveau
parce que cette vidéo et cette chanson sont porteuses d'espoir et d'humanisme. 

Alors si cela vous tente, écoutez, regardez, 
parlez de ce qui se passe alors au fond de votre corps, 
de votre cœur, 
de votre Esprit.

J'ai découvert ce post la première fois dans la caverne de Jamadrou
ce matin je l'ai revue chez Françoise, la Vieille Marmotte
deux appels, c'est trop, 
je réponds
avec
le
cœur.

 Alors image, musique et voix pour cette page.

Merci de votre compréhension.


Et merci aussi à celles et ceux qui viennent lire ici ce que les autres ont écrit 
sur le livre illustré de l'Herbier.