Bienvenue dans l'Herbier de Poésies. Vers libres, prose poétique, expression libre des profondeurs de l’instant qui se dit sans rime ni métrique imposée. Mais aussi Haïku & famille favorisant le fond plutôt que la forme.
C'est toujours un douloureux moment que celui de la séparation, c'en est un autre celui de l'absence avec laquelle il va falloir apprendre à vivre et continuer à avancer au quotidien à pas fragiles et hésitants.
L'herbier est là, au travers de ses pages pour aider, partager et retrouver cet élan du cœur qui nous lie par-delà la poésie.
Pour Laura qui vient de perdre son époux, Et pour tous ceux qui contemplent une place définitivement vide dans la dimension du quotidien, place qu'occupera désormais l'affection et l'amour.
Et qu’à celles-ci, nous obéissons sans le savoir ».
Tu vibrais, Vincent, avec les étoiles que tu peignais,
Mais qu’aurions-nous du attendre d’autre, du génie ?
N’est ce point toi qui m’écrivis un soir :
« Je vis une clarté effrayante
Au cours des moments où la nature est si belle.
Je ne suis plus conscient de moi-même
Et les images m’arrivent comme dans un rêve. »
Oh Vincent mon frère, oh Vincent mon ami !
Il est de doctes savants qui s’étonnent,
Eh oui, mon frère,
Qui s’étonnent, eh oui mon ami !
Que tu n’aies su atteindre au mystère,
Qu’aux pires heures du chemin …
Aux pires moments, de ta vie :
Au seul cœur des plus sombres de tes échappées,
Au plus noir du pays de ta mélancolie ?
Oublient-ils ce que quelque jour tu nous prédis ?
« Il faut pouvoir vivre d’un morceau de pain,
Tout en travaillant toute la journée,
Et en ayant encore la force de fumer,
Et de boire son verre,
Il faut ça dans ces conditions.
Et sentir néanmoins les étoiles
Et l’infini en haut clairement.
Alors la vie est tout de même presque enchantée ».
Tu vibrais ces jours-là,
Jours de gloire et jours maudits,
Au diapason de ces constellations,
Où ton œil comme le nôtre,
N’était jamais encore allé ?
Bien sûr Vincent, bien sûr mon ami !
L’âme humaine est un microcosme
Où se reflètent tous les infinis ?
Les alchimistes le disaient déjà,
Et qui donc oserait, après toi, en douter ?
Et quoi, ? Que semblable connaissance ait pu
Te faire dépasser nos ordinaires prudences ?
Ne nous as-tu pas dit un jour :
« La normalité est une route pavée :
On y marche aisément,
Mais les fleurs n’y poussent pas. »
D’autres tout semblablement doctes s’étonnent
Que le mystère des galaxies ait pu t’échapper,
Lorsque tu choisissais d’être plus simplement,
Plus heureusement des nôtres.
Tu restais pourtant artiste, mon Vincent,
Tu ne faisais alors qu’œuvre plus humaine :
Et tu nous confiais, alors, en quelques mots
Ton amour maladroit, ton amour d’ homme :
« Dans un tableau, je voudrais dire
Quelque chose de consolant comme une musique (…)
Il n'y a rien de plus réellement artistique
Que d'aimer les gens.”
Et te rends-tu compte Vincent,
Tu voyais juste encore, mon ami , mon frère !
Toi qui m’envoyas un jour ce message prophétique :
« La science – le raisonnement scientifique –
Me parait être un instrument
Qui ira bien loin dans la suite. (…)
Des générations futures, il est probable,
Nous éclairciront à ce sujet si intéressant ;
Et alors la Science elle-même pourrait –
Ne lui déplaise – arriver à des conclusions
Plus ou moins parallèles aux dictions du Christ
Relatives à l’autre moitié de l’existence. »
Te voici parti mon frère, rejoindre tes étoiles,
Définitivement entré dans ta nuit.
Faut-il que je m’en étonne ?
Toi qui n’a jamais été que sur le départ,
Hasardeusement posé parmi nous : « Cela m’intéresse infiniment, Mais une chose complète, Une perfection nous rend l’infini tangible ; Et jouir d’une telle chose, C’est comme le coït, le moment de l’infini. (…) »« On commence à saisir alors que la vie N’est qu'une espèce de période de fumage, Et que la récolte n'est pas de ce monde. » Dans la vie du peintre peut-être la mortN’est-elle pas ce qu’il y aurait de plus difficile.Moi je déclare ne pas en savoir quoi que ce soit, Mais toujours la vue des étoiles me fait rêver Aussi simplement que me donnent à rêver Les points noirs représentant Sur la carte géographique villes et villages. »
Adieu Vincent, adieu mon frère, adieu mon ami,
Serge De La TorreA Vincent Van Gogh Par la voix de Théo, son frère et meilleur ami…
Et une arrivée tardive de Martine Madeleine Richard ICI
Et, une fois n'est pas coutume, un texte de votre servante, qui n'est pas de l'herbier ICI
Vincent Van Gogh, La Nuit étoilée, 1889, huile sur toile, 73 x 92 cm, Museum of Modern Art, New York
Le ciel de Vincent
Vincent
a posé son chevalet dans la nuit étoilée. Ses admirateurs, plus tard, pensèrent
que son talent visionnaire s'exprimait dans des délires sous substances. Bien
au contraire les paradis artificiels consumaient son génie et il lui fallait
être à jeun, la tête essorée par le vent d'autan pour atteindre
l'hypersensorialité,
Son esprit lavé
de toute pensée parasite
guidant le pinceau.
L'acte
de peindre était sa méditation, comme le prosateur la prose ou le bipède la
marche réflexe. Méditer, c'était peindre. Devant son chevalet disparaissait le
fardeau de la fuite. Lui qui, pasteur des âmes, s'était brûlé à l'impuissance à
soulager les âmes et les corps des ouvriers flamands, broyés par le machinisme
en essor.
Il avait senti
du capital la misère
fruit de ses entrailles
La
voûte étoilée avait dessiné pour les anciens La Grande Ourse et Cassiopée, tout
un bestiaire merveilleux des dieux de l'Olympe, le compas et le sextant, la
lyre et le peintre. Le ciel ne pouvait être vide et la Terre seule habitée. Son
oeil exercé au-delà des apparences projetait sur la toile des mondes encore
invisibles. Les savants de peuples antérieurs à Galilée avaient calculé un
cosmos précis et bâti des temples ou des horloges au zénith.
Sous ses brosses, l’espace tourbillonne, c’est
la danse des bleus criblés d’éclats d’or. Le ciel est en révolution.
Turbulences d’un peintre relié à l’univers, vertige de l’infini.
Vincent, un génie
l’œil et l’oreille du cœur
sur les étoiles
Messager du cosmos, il a peint sur la toile, une
folie de vibrations et de couleurs, la vie de mondes distants de millions
d’années. La démesure d’un regard
trop prégnant vous met à l’index de la société.
Ce fou de lumière
un clairvoyant sans doute
un homme blessé
La peinture fut pour lui un pont vers le
bonheur. Combien faut-il d’étoiles pour apaiser, ne serait-ce qu’un instant,
les cris d’une âme déchirée, la douleur d’un enfant mal aimé ?
Où l’on découvre que Van Gogh est un physicien qui s’ignore.
(1)Turbulence observée dans les gaz et la poussière interstellaires autour de l'étoile V838 Monocerotis, photo : NASA
2004. Des astrophysiciens se grattent la tête devant les images époustouflantes que le télescope Hubble leur présente.(1)
Étrangement, l’une d’elles a un petit air familier : un nuage de gaz et de poussières stellaires leur rappelle un tableau…
Vincent Van Gogh, La Nuit étoilée, 1889,
huile sur toile, 73 x 92 cm,
Museum of Modern Art, New York
Lequel ?
La Nuit étoiléede Van Gogh !
En effet, le ciel agité du peintre est rempli de tourbillons, tout comme le phénomène observé au télescope.
Ce dernier s’appelle une turbulence : on en trouve par exemple dans les vortex formés par l’eau ou les nuages.
Mais il y a plus qu’une simple ressemblance entre les deux images…
Une équipe de physiciens veut en avoir le cœur net.
Les voilà qui mesurent les propriétés des tourbillons de Van Gogh : intensité lumineuse, couleurs, répartition sur la toile…
Ils passent ces données à la moulinette de leurs équations mathématiques et les comparent aux propriétés physiques des tourbillons naturels. À leur grande surprise, cela correspond tout à fait !
Arp 273, un couple de galaxies en interaction situées à environ 300 millions d'années-lumière de la Terre, dans la constellation d'Andromède, photo : NASA
Ébahie, l’équipe examine d’autres tableaux.
Plusieurs toiles de Van Gogh offrent des résultats similaires… En revanche, les œuvres d’autres artistes, si mouvementées soient-elles, ne donnent rien.
Vincent Van Gogh, Autoportrait, 1889,
huile sur toile, 65 x 54 cm, Musée d'Orsay, Paris
La technique des peintures vibrantes et agitées de Van Gogh est donc unique. Pourtant, l’artiste n’avait aucune idée des lois complexes derrière les turbulences. Elles ont été énoncées bien après sa mort, et les physiciens s’arrachent encore les cheveux dessus !
Les surprises ne s’arrêtent pas là : coïncidence ou non, les turbulences presque parfaites de Van Gogh datent de ses épisodes les plus psychologiquement troublés.
La Nuit étoilée, par exemple, est peinte depuis l’asile dans lequel l’artiste décide de se faire interner après de graves crises. Rien de tel dans ses périodes paisibles.
Dans le secret du grand nord, au bord d’une
plage déserte, réunion au sommet de la gente méduse.
Grand-mère préside, la famille s’agglutine. Les
petits enfants se faufilent. Chacun cherche la meilleure place pour bien
entendre les conseils d’une sage…
Auréolée de gloire
l’ancêtre a la parole
famille tout ouïe
Petites et grandes s’enracinent, sous le pâle
soleil d’hiver. Plus l’ancêtre s’exprime plus son aura grandit. Le souffle du
vent les berce lentement, en lévitation à ras du sable en son habit d’hiver.
L’attention est palpable, les yeux s’écarquillent.
Grave et songeuse
grand-mère clôt son discours
place au festin
Chaque année, le rite est immuable, après de
longues échappées individuelles, le repas de famille s’impose comme une
tradition.
Chacun a sa place
sur l’arbre généalogique -
photo de famille
Curieuse, de loin, je les observe. La photo serait presque trop belle.
Grand-mère en conteuse magicienne, parle de la vie comme elle fut, comme elle est, raconte les légendes et histoires de monstres marins, du froid d'ici, de la chaleur d'ailleurs.
*
protéiforme : qui change de forme très fréquemment (selon Le Larousse)
La fille du grand Butull
Du fond des abysses, là
où l’étrange est chose courante, est remontée la fille du grand Butull.
La fille de qui me direz-vous ? Butull, le seigneur de l’obscur butyreux.
Celui épais, crémeux, où l’on s’enfonce jusqu’aux mollets. Enfin,
mollets, façon de parler. Là en bas, règnent plutôt les nageoires, épines
et autres tentacules.
Nuit bitumée-
Quelques étoiles
brillent
Aux crocs d'un prédateur
Univers mystérieux,
glauque à souhait, qui ignore le romantisme, les amourettes roses et les
sérénades au clair de lune. La fille du grand Butull, prénommée
tout simplement Butullette, a vaguement écouté le chant d’une sirène. Acte
caractérisé de désobéissance. Car, c’est bien connu, ces êtres enjolivent et
trahissent la réalité. D’où le danger à boire leurs paroles.
Ténèbres déchirées
Au bal des poissons
ogres
Valse des écailles
La curiosité étant la
plus forte, Butulette décide d’abandonner son corail favori et de se laisser
flotter au gré des courants froids ou chauds. L’esprit d’aventure lui tient
lieu de bouée et le rêve de gouvernail.
Petite fleur de l’abîme
Vêtue d’algues et de
sable
La princesse divague
Sur l’humeur océane
Peu à peu, au fil des
heures ou des jours, Butulette s’approche de la lumière, affleure à la surface
de la mer, jouet involontaire du jeu des vagues. C’est amusant et magnifique ! Le soleil, les oiseaux, les petits poissons qui bécotent et
chatouillent, que de découvertes enthousiasmantes ! La fille du grand Butull, épuisée
de bonheur, finit par s’échouer sur une plage inconnue.
Betty Boop marine
Sur la laisse de mer
S’abandonne, ravie
Aux caprices de l’eau
Sa beauté insolite est
remarquée par un photographe de passage. Le temps d’un clic, et hop!
Insaisissable, la voici repartie pour un nouveau voyage ….
Très loin vers le nord extrême, naguère préservé
de trop d'humains, la laisse de mer dépose quelques bois flottés éparpillés
dans l'écume. La lueur pâle de l'aube sauve encore pour un temps de rares
parenthèses virginales. Les innombrables noyés forment un tout qui s'énivre à
la douceur blême d'Hélios.