Bienvenue dans l'Herbier de Poésies. Vers libres, prose poétique, expression libre des profondeurs de l’instant qui se dit sans rime ni métrique imposée. Mais aussi Haïku & famille favorisant le fond plutôt que la forme.
Attrapées par distraction, la voix de Guillaume
Gallienne dans le poste de radio dans "ça n'peut pas faire de mal"*,
celle de Dominique Blanc lisant la première phrase de la dernière page du livre
de Annie Ernaux Les années (à partir de la minute 43'00) :
"Le petit bal de Bazoches-sur-Hoesne avec ses
autotamponneuses"
Grande plongée dans ces soirs de fête où j'allais à
ce bal jeunette, petite dernière chaperonnée gentiment par mes aînées et mes
aînés.
Après la retraite aux flambeaux et le feu d'artifice.
Avant les heures de la nuit, vers trois ou quatre
heures, quand les danseurs cédaient la place aux bandes et aux risques de
bagarres.
De trop rares occasions d'entendre maman raconter ses
bals du Trocadéro, les recommandations de Mémé Louise, mon étonnement de la
grande liberté dont elle disposait au même âge que le mien dans les années
1925.
Son carnet de bal qui rendait concret mes lectures
romanesques, longtemps précieusement archivé à l'abri de la jalousie de mon
père supportant mal qu'elle ait eu une vie sentimentale avant lui. En tout bien
tout honneur précisait-elle les yeux brillants.
Un carnet où elle notait la qualité de danseur de ses
cavaliers, où un nom exotique revenait souvent. Il dansait si bien ...
Collision de deux mémoires, intrusion d'un grand
livre d'écrivain dans le souvenir vrai de mon adolescence ...
Pour "sauver le temps, le mien, celui des
autres" (Annie Ernaux dans l'entretien en lien à l'INA)
Oh la! la! Ce qu’il fait chaud!
Où est-il passé? Je meurs de soif! Il en avait soi-disant pour une grosse
minute… gros soupir… Tiens, elle est là celle-là? Vraiment, on accepte
n’importe qui dans ce bal.
«Oh, bonjour Mlle Germaine, je ne
vous avais pas vue. (tu parles!) Il faut dire qu’avec tout ce monde n’est-ce pas…
Vous êtes très en beauté ce soir (on dirait un gros sac rose et vert. Beurk!).
Vous êtes venue avec votre frère? (qui est bête à manger du foin soit dit en
passant) très bien, très bien. Moi? Oh non, je ne suis pas seule. Jean-Charles
de Méricourt est mon cavalier. Il est allé chercher de quoi nous rafraîchir.
Oui, merci. Très aimable. Bonne soirée à vous également… »
Ouf! Bon débarras. Quel pot de
colle! … gros soupir exaspéré… Cette chaleur va me liquéfier. Je n’en peux
plus. Mais où est-il donc passé? Et ces gants qui n’arrangent rien. C’est
peut-être le signe que l’on est une dame de qualité mais question confort, tu
repasseras. Voilà l ’orchestre qui joue notre valse à présent. C’est
insupportable à la fin! Ai-je une tête à tenir la chandelle? Ah, il va
m'entendre. Doux Jésus, le vicomte de Trinqueville. Pourvu qu’il ne me voit
pas… Aïe! aïe, il va se retourner... .
« Chérie, navrée pour le retard
mais il y avait foule au buffet. Voici votre limonade bien fraîche. Vous ne
m’en voulez pas trop?»
« Mais pas du tout
Jean-Charles. On ne s’ennuie pas une seconde. ( grrrrr) Ce bal est fort
divertissant. ( mis à part les parvenus et autres vieux fossiles)»
« Vous êtes un amour ma très
tendre. Venez, je crois que c’est notre valse…»
Des roses blanches pour un regard noir et l'éventail déplie les songes Tristesse ou mélancolie les fragments solitaires se noient dans la musique du bal
Noir comme Soulages dont j'ai pu
admirer dans son musée de Rodez, la lumière réelle
Noir comme le Château de Cézanne
suivi à Aix-en-Provence vers la Sainte Victoire
Noir comme le profil de Fernand
Léger, le chat de Marguerite de Matisse
Bleu comme les nus de Matisse que
j'ai aimés au Cateau-Cambrésis, à Lyon, à Nice
Bleu comme la blouse du fermier
de Paul Cézanne, l'oiseau de Braque
Bleu comme les monochromes de
Klein, les danseuses de Degas, bleu comme la femme lisant Une lettre de
Vermeer, bleu comme le violoniste de Chagall, bleu comme le cheval de Marc
Bleu comme la femme au chapeau de
Picasso, bleu comme le ruban de la jeune fille de Renoir
Rouge comme les poissons de
Matisse dans leur bocal
Rouge comme mon poisson dans ma
chambre de bonne
Rouge comme la route près de
Menton de Monet, le chapeau de la fille de Vermeer
Rouge comme la jupe de Picasso,
rouge comme l'harmonie de Matisse
Rouge comme le béret de la femme
de Picasso, rouge comme les toits de Pissarro
Blanc comme le chapeau de la
femme de Renoir
Gris comme la chanson de Goldman,
gris comme Juan l'artiste
Jaune comme les danseuses de
Degas, la maison de Van Gogh à Arles
Jaune comme le turban de la femme
de Renoir, les vaches de Franz Marc
Jaune comme le fauteuil de la
femme de Picasso, la ferme du Pouldu de Sérusier
Jaune comme l'harmonie de Matisse,
l'œuf soleil de Vladimir Kush
Jaune comme les iris de Monet, la
ville de Schiele, le vase de tournesols de David Hockney
Au plus fort de l’été Courtisée par Zéphyr La houle, indolente Balance l'énigmatique
.
Poupard, poudré ébène Curiosité corail De son regard tout rond L’étrange naît à la vie
.
Salé aux tempêtes Sucré aux oursins L’enfant des profondeurs Joue avec les poissons. Martine MADELAINE-RICHARD
Un rêve entre eau et ciel
Elle aurait pu rencontrer Folon,
la Dame Lune noire, et s’envoler par-dessus les montagnes pour emporter nos
songes un peu plus haut que d’habitude. Les rendre un peu plus libres, un peu
plus détachés, comme ces ballons qui fusent vers le ciel sous le regard
émerveillé des enfants qui leur confient leurs vœux. Mais la Dame n’est pas que
Lune, elle est océan cravaté de trois points jaunes, personnage double, voguant
entre Miro et Cocteau, entre « la Plus Belle* » et « la
Bête ».
Et que lui murmure ce point,
souligné d’une larme soutenue par trois poissons, qu’Elle-il porte sur
l’épaule ? Un secret de marée, de soupe primordiale ? Un secret de
vide tout rempli de possibles ? À moins que ce ne soit un secret d’infini
que contemple son regard retiré.
Qu’est-ce donc que la vie ?
Un murmure, à l’oreille des quêteurs peut-être, à peine un murmure.