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jeudi 15 février 2018

Page 100, comme une page qui se tourne


Merci d'avoir salué avec tant d'enthousiasme cette centième parution de l'herbier. Il y a tant d'émotions au travers de vos lignes. Je vais relire et relire, m'imprégner profondément de vos mots en silence. 
Je suis très émue de tant de fidélité, de tant de talents, de tant de partages pour le bonheur de tous et de toutes, de toutes et de tous, pour notre bonheur quoi ! Un grand merci.
Un  merci tout particulier à Françoise qui nous offre aujourd'hui un texte magnifique pour nous dire : au revoir. Car nous nous reverrons, Françoise, ici ou là, je n'en doute pas.
Adamante


Illustration Adamante




... Et si nous jouions à Si j'étais riche ? lui dit Mémé.
Main dans la main, elles léchaient les vitrines, ce mercredi après-midi. Lécher les vitrines ? quelle drôle d'idée pour des humains. Les grands sont bizarres, vois-tu ! lui répondit Mémé .
Moi, si j'étais riche, je choisirais d'habiter dans cette maison-ci, enchaînait-elle déjà, et toi Mémé ?
Mazette ! celle-ci plutôt ... Avec les bottillons noirs à roses rouges que nous avons choisis tout à l'heure, je marcherais sur la prairie où mes pieds seraient des fleurs. Tu vois un peu ça, toi ?
Tu marcherais sur les fleurs sans les écraser ? Qui parle d'écraser ?
"Comme si c'est" répétait la petite chanson du matin. Comme si, c'est ... Impératif ? non, simple constatation pensa Mémé.
Main dans la main, elles rentrèrent de leur promenade, gaies comme des pinsons.
Ah ! Si j'étais .... ! mais je suis, voyons, et ce n'est plus un jeu.
... Elle saisit le livre à portée de sa main ; page 11 du dernier François Cheng.
Je ne te suivrai pas
jusqu'au bout
ô chemin
le soir me retient près du feu couleur vigne
L'horizon des oiseaux migrateurs
est trop loin
vers l'oueste j'irai où un lac a fait signe.

Françoise Isabelle (avec la participation involontaire de l'Académicien, Monsieur François Cheng)
Jeudi 15 février 2018.

P.S.
Ce texte est ma dernière participation à l'Herbier de poésies. Un Merci tout spécial à Adamante qui a initié et gère ce lieu de partage, tout plein de trouvailles et de rêve. Un grand Merci à toutes et tous les participants.es qui ont déposé là au fil du temps beaucoup de brins d'émotions, et de plaisirs ! ....
Bonne continuation à l'Herbier ! Je suis heureuse de vous avoir rencontrés. Merci. Merci beaucoup.







Le placebo...


Entre cent herbes la vieille bossue qui vit au fond des bois cueille les siennes. Des grises, contre la mauvaise mine. Des roses, contre la sinistrose. Des vertes, pour de l'espoir.

Jamais sans client
mal de vivre fait recette
Foi de sorcière

Le bélître cogne à sa porte et sous le manteau repart avec des rêves comme le pilier de comptoir refait le monde sur le zinc, une nuit.

Potion d'ivresse
un placebo pour vie belle
Parole de sorcière



jill bill





 



Au pays de ses songes
vivait un canard rose
gardien de la nuit


Fidèle au rendez-vous du soir il surveillait l’entrée des ténèbres. Lui, disait-il crânement, ne craignait pas le noir. Il se dandinait sur le seuil du crépuscule jusqu’à ce qu’elle s’endorme.

Passer la voûte verte
entre deux pervenches blanches
le rose aux joues

Pour pénétrer le pays des rêves, il lui fallait traverser le jardin des fées, vaste pré acidulé à l’ombre d’un grand charme. Il l’attendait, fidèle lui ouvrant le passage du sommeil dès que ses paupières refermaient les portes du jour.

Rite et rythme
les nuits succédant aux jours –
adieu l’enfance

Un soir, elle ne vint pas. Le canard su qu’elle avait grandi. Avec un profond soupir, il prit la pause et attendit…
Je crois qu’il attend encore, aux portes de l’obscurité. Les fées du jardin viendront-elles le relever de son poste de veilleur ?

Dernier dessin
Au seuil de l’adolescence –
tourner la page

Les doudous ne se révoltent jamais d’être délaissés. Au plus secret d’eux-mêmes ils savent que l’heure à sonner de laisser l’enfant voler de ses propres ailes.

ABC
http://jardin-des-mots.eklablog.com/












Sur l’île j’avance sur la sente étroite
Sur l’île pousse le chèvrefeuille libre et fou
J'écoute son parfum

Liane sauvage
À la lisière du chemin
Guide le passant

Sur l’île j’ai semé la coquelourde des jardins
Sur l’île un trou noir attire mon regard
Le trou bouge méchante fée à la robe noire 

Ne pas avoir peur
La coquelourde est rose
Tu n’as rien à craindre

En Finistère
Sur l’île du bout du monde
Je rêvais la vie en poésie
Un recueil de 100 feuilles

Où est cent ?
Cent est dans ce trou noir tout près de l’océan
Bouche avaleuse de vies

Ouessant
L’île où pousse le grand vent.



Petit clin d’œil à ma façon aux 100 pages de l’Herbier.
jamadrou © 12 février 18  (A fleur d'image)



 





Ce que je vais vous conter va vous paraître incroyable. 
Il neigeait 
Cela est naturel en février, cependant par ici tout s'en trouve désorganisé...

Plus de voiture
un chemin impraticable
retrouver ses marques

Dans un placard je dénichais de vieilles bottes en daim, dans un tiroir des gants et un bonnet en laine ainsi équipée je suis partie...

Toute cette blancheur
agrandissait le jardin
Féerie

Prenant le chemin de la forêt je longeais les maisons voisines et familières. Écrasant la neige crissante, je marchais en état second l'esprit libre. Seuls mes pas me guidaient et tout à coup je le vis.

Jardin des fées
neige blanche et rosée
vision irréelle

Les flocons avaient fait surgir des fleurs sur les arbres, les troncs soulignés prenaient un relief inattendu, les mousses au sol s’éclaircissaient, les elfes allaient surgir et danser.
Le petit peuple
réveillé par l'inattendu
exultait de plaisir
Immobile et subjuguée je suis restée à les contempler, rêvant de métamorphose afin de partager cette magie éternellement.


 Josette T







           
C'était son refuge,
l'avant-goût du paradis,
son jardin secret.

On disait d'elle que c'était une enfant solitaire. Timide et solitaire. Au grand désespoir de sa maman, la cheville ouvrière qui transformait leur maison en une ruche conviviale.

Ici point de rendez-vous, 
l'improviste était la loi.

Seuls les tempos marquaient leurs différences, les copains de son grand frère et de sa grande sœur le jeudi ou après les cours, les clientes de sa maman couturière dans l'après-midi,, les ouvriers de son papa à l'heure du café ou après un dépannage difficile.

Elle disparaissait
sous la table en merisier
vers sa solitude.

C'était une maison accueillante, dans une époque révolue où chacun y était le bienvenu. Elle bruissait des discussions de grandes personnes et souvent la petite Jeanne ne perdait pas une miette de ces mots qui entrouvraient les portes d'un monde plein d'énigmes et de tracas, un peu trop effrayant pour qu'elle ait hâte de le rejoindre. C'est vrai qu'elle allait peu vers les enfants de son âge, bien trop immatures. Même ceux la génération de son grand frère n'en finissaient pas de quitter l'âge bête.

Elle dégustait ces instants
qui lui étaient friandises.

Discrète, les adultes l'oubliaient auprès de son grand cerisier qu'elle avait ressuscité par la magie de l'imagination. Ce pourvoyeur de cerises juteuses et charnues tombé après l'été au champ d'honneur de la modernité pour faire place à une horrible bâtisse. Dessous, les herbes et les fleurs y poussaient en abondance et bientôt elle n'entendait plus que le murmure du vent dans les feuilles, le chant des oiseaux et le bourdonnement des abeilles qui lui faisaient u peu peur.

Loin de tout ennui,
elle serait restée des heures
dans ces parenthèses,

en compagnie des personnages de tant de livres aimés à qui elle inventait les coulisses de leurs vies de papier. Un jour d'alchimie plus intense, elle savait qu'elle pourrait même devenir lilliputienne pour être à hauteur de scarabée ou de coccinelle. Ses récréations ne duraient pas. Une voix douce bientôt l'en délogeait

Et l'heure d'un dîner
arrivant toujours trop tôt
dans son paradis

feraient taire ses rêveries :
Au revoir peuples des herbes.

©Jeanne Fadosi, jeudi 15 février 2018
https://fadosicontinue.blogspot.fr/search/label/l%27herbier%20de%20po%C3%A9sie 











Amants de brume


À mon épouse, sans qui ni ce texte, ni moi ne serions.
             

Chaque année, quand poussent au milieu des pierres et des mousses, de tendres chiffonnades de pétales mauves, alors se lèvent deux ombres étranges et incertaines. Elles vont, dans les brumes et le halo de lumière sang et or des soirs d’hiver mourant.

 Ce jardin tout ensauvagé, est-il le leur, ou ne sont-elles qu’en visite ?

Que dit donc ce vieil homme
À son octogénaire compagne ?
Il chuchote et elle lui sourit. 
Qui es-tu donc, ô sénescent poète
Qui d’un mot sait créer un soleil ?

« T’en souvient-il, ma Mie, de ce bouquet de violettes odorantes ; je te l’ai offert un pâle matin d’hiver : le froid figeait le Pont aux Marchés dans une brume ouateuse, blafarde. Le soleil ne nous offrait plus qu’un halo jaunâtre. »

Je les chéris, ces vieux tendres, quand ils vont presque planant. Noueux pourtant, et fragiles, dans cette closerie toute de murets et de pierres déchaussées.  Ils se réchauffent, dirait-on au soleil de quelque jeunesse.

 Assis sur un banc de pierre,
 Entré en vétusté depuis plus longtemps qu’eux,
 Ils demeurent, tranquilles.
Près du puits, leurs regards glissent sur la mousse, 
Vers un lit de verts tendres, semé de mouches parme. 

Les vieux amants se taisent depuis longtemps.  Ces deux-là guettent les violettes, qui dans les matins de l’hiver glacé, parsèment l’ombre mousseuse du puits séculaire et pourfendent les maigres gazons de leurs corolles froissées. 

T’en souvient-il, ma Mie, de ce bouquet de violettes odorantes ; je te l’ai offert un pâle matin d’hiver : le froid figeait le Pont aux Marchés dans une brume ouateuse, blafarde. Le soleil ne nous offrait plus qu’un halo jaunâtre

Humble, à leurs pieds, comme déposées, viennent là quelques fleurs   Qui, chaque année, signent leur histoire et saignent de leur passé.  Tendres, sur le tapis de mâche de leurs feuilles rondes,
Elles leur sourient, graciles joues violacées de givre.

L’homme, tout tourné d’arthrose et de fêlures, dans un souffle de vent, - je l’entends ! -, glisse à sa compagne : « Te souviens-tu, ce matin-là ? La brume nous faisait un cocon de gaze ! Le soleil blafard ne perçait que d’un halo de citron glacé. Mais l’hiver n’y pouvait rien, nos cœurs étaient en flammes… De quelques fleurs que je t’ai alors, offertes … Dieu, ensemble, quel chemin, nous avons fait ! Nous sommes toujours là, et je t’aime encore!».

Sa compagne, toute embellie de silence,
 Se souvient, elle aussi :
« Combien de tourmentes, d’angoisses et de colères,
Et combien, pourtant, de bonheurs ! »
Tous vécus, cœurs et corps mêlés.
Et puis, au vent dispersé
Une dynastie, née de nos flancs ! »

Soudain les deux se regardent. Leurs mains et leurs corps se cherchent, Avec la lenteur d’une infinie tendresse ; et leurs yeux brillent de pépites mouillées !  Qui sont ces silhouettes d'ouate venteuse ?

Une légende court autour du vieux puits : 
Un vieillard désespéré de voir sa compagne perdre,
Jusqu’au souvenir de son nom, y sauta avec elle.

                                                                                            
             ©SergeDe La Torre
             http://instantsdecriture.blogspot.fr
             http://decoeuretdencre.blogspot.fr








Avez-vous vu ces petits singes roses devant la grotte de la blanche prêtresse, les lézards de jade ont changé de look, ils veulent prendre part à la fête, faire la parade avec les zèbres de Somalie, avec le léopard des hautes herbes, avec les araignées velues de Guyane et la mygale du Guatemala, en compagnie d'une palanquée de roitelets, des oiseaux rouges de Grande Terre, des tortues géantes, des gazelles et du fourmilier, tout le monde se regroupe, ils savent que ce jour est attendu, que l'avenir de leur monde est en jeu ...


Ils se sont rassemblés
le plus beau a pris la pose
et la bonne place

conviés a une réunion
ils ont répondu présent


Il est des espaces, des jungles et des déserts que tu ne connaîtras pas, ils sont réservés à l'innocence des bêtes, l'homme n'y a pas sa place....

Marine D









Luna, petite fée de la Lune

Si vous me demandez ce qu’est pour moi la magie, je vous réponds ce soir, ce sapin, ces fleurs, les herbes qui racontent des histoires au vent à moins que ce ne soit le vent qui les raconte aux herbes.

Le vent, les herbes
les mots doux de la terre
s’envolent au ciel

La magie c’est aussi, ici dans ce décor de conte de fées, le souvenir d’un miaulement furtif, il faisait nuit noire, celui d’un chaton perdu.

Juste une plainte
enveloppée de l’ombre
et ma cécité

Le lendemain, une autre voix, plus rauque se fait entendre. Qui es-tu ? je demande. Et la voilà qui s’approche flanquée de son chaton. Ce fut comme un émerveillement. Comment a-t-on pu les abandonner ? L’humain n’est pas toujours fréquentable.

La gentillesse
brûle dans son regard
un don du ciel

Je lui parle.  Il me semble la connaître depuis toujours ? Elle se frotte contre moi, si confiante. Mon cœur fait une embardée. Son chaton indifférent ne voit qu’elle, tout comme moi. Je l’aime déjà bien trop pour la laisser errer la campagne. Ma fille l’adoptera.

Son amour offert
sans crainte ni retenue
est un don total

Elle la baptisera Luna, petite fée de la lune, Louloune.

Ce soir, les fées qui nous l’avaient confiée sont venues la reprendre.  Nos cœurs meurtris la pleurent. Mais en fermant les yeux nous savons son absence auréolée de lumière. Nous remercions l’Univers d’avoir croisé nos chemins.

Petite Luna
ce soir je chante pour toi
ce conte d’amour.

Adamante Donsimoni 



Ce 12 février 2018, jour du départ de Luna, j’ai écrit ce texte, un bien triste cadeau d’anniversaire pour ma fille.



Le coin des retardataires 





Nina s'est installée dans l'hiver, chaussons blancs et provision de laines, quelques romans d'amour et...
la fuite du temps.
Un nouvel hiver, une autre solitude qui s'égoutte sur ses vitres de brume et son ciel de cafard.
Presque le bout du monde, la plaine ensevelie sous des couches de silence.

Au bout du jour, peut-être
la consolation
des beautés ouatées du couchant

Le vent a mugi aujourd'hui, porteur de souffles vagabonds, de soupirs douloureux,de défaite.
Les heures creuses, une à une, s'enlisent.

Le rêve enfui
écouter les battements de cœur
le passeur de sourires

Où vas-tu Nina, dans ce sentier aux herbes buissonnières, déjà fanées, déshabillées de vie ?
Trouveras-tu la porte de l'oubli, l'odeur des pétales de jasmin, la respiration soyeuse d'un jour de joie ?

Un chemin de hasard
une ribambelle de cyclamens rosissants
cadeau des heures douces

Tu vois, ton pas se presse et le rose des fleurs embellit ton sourire .

Balaline
  http://balaline.eklablog.com/



mardi 5 juillet 2016

Le Jardinier du ciel



"Le Jardinier du ciel"  ou "Le Grand Maître du Quatre" (conte de printemps), m'a été inspiré par un dessin de Jamadrou. Vous vous en souvenez, c'était ici.


Il m'a semblé qu'aujourd'hui serait un jour parfait pour lui faire un clin d'œil et répondre à sa page du jour, parce qu'aujourd'hui encore, le ciel est tellement gris qu'Adrien, le jardinier de mon conte, aurait encore fort à faire...





"Le Jardinier du ciel" ou "Grand Maître du Quatre" (conte de printemps)


Au début du printemps, chez nous, en France, il arrive que le ciel reste gris comme il peut l’être parfois l’hiver. L’hiver et le printemps se disputent la place, le premier a du mal à partir et le second à s’installer. Quand cela se produit, le soleil qui déteste les disputes refuse de quitter son grand lit à baldaquin. Pour avoir la paix, il tire ses épais rideaux de nuages moutonneux et il s’endort.
Mais la pluie se met à tomber, elle sait que la nature a besoin d’elle pour faire germer la vie et pousser les plantes. Elle ne veut pas être en retard. Alors elle zèbre l’espace de ses flèches humides. Mais comme il n’y a pas de soleil, elle est toute glacée. En la recevant les petites pousses hésitent à sortir de terre, elles frissonnent, il ne fait pas assez chaud pour quitter définitivement la graine.  
Les Hommes eux aussi ont envie de bouger, de sortir des maisons où ils se sont calfeutrés durant la saison froide. Ils commencent à déprimer. Leurs pensées deviennent toutes molles, toutes grises par trop d’ennui et manque de lumière.
Fort heureusement il existe un être capable de régler le problème, de mettre un peu d’ordre dans tout ça. C’est  Adrien, le jardinier, le Grand Maître du Quatre. Quatre signifiant ici vous l’aurez compris les quatre saisons.  Il sort courageusement son rouleau à dessiner le printemps, à effacer la tristesse, à illuminer le ciel, son grand rouleau magique avec un manche taillé dans un éclair d’Août.
Il enfile sa salopette de chaman, celle du renouveau de la nature. Mais il en a trois autres, pour l’été, l’automne et l’hiver. Elles sont suspendues à un clou, dans l’abri de jardin où il entrepose ses outils.
Il retrousse ses manches et se met à l’ouvrage.
Il écrit sur un pan du ciel une lettre de réclamation au Soleil, car le Soleil doit intervenir pour que le vieil hiver laisse place au jeune printemps.
Il trempe son rouleau de mousse dans la sève et trace un premier chemin vert orné de jonquilles, de fleurs de pissenlit, de boutons d’or, de pâquerettes et de violettes. Puis il en trace un deuxième, un troisième, un quatrième… Tous serpentent, ondulent comme l’eau dans le lit de la rivière. Le Soleil aime les chemins qui ondoient, il n’aime pas les chemins droits qui vont trop vite et vous empêchent de rêver. Adrien le sait, il s’applique et trace avec amour sa revendication de lumière. Dessiner un chemin droit serait une énorme, une impardonnable faute d’orthographe, mais aucun risque, Adrien est un expert. C’est pour cela qu’il est devenu le Grand Maître du Quatre, le grand faiseur d’espoir, le grand maître des cérémonies. Il connaît le protocole sur le bout des doigts et il a l’oreille du Ciel, il sait y faire avec la Terre, avec la Lune et avec le Soleil.

Il a écrit :

« Réveille-toi gros paresseux, étire-toi, ouvre les yeux
Penche-toi vers la Terre,
Regarde, écoute la chanson des fleurs 

Aïe ! Aïe ! Aïe !
Il fait triste
Aïe ! Aïe ! Aïe !
Il fait gris
Aïe ! Aïe ! Aïe !
Ce qu’il fait froid !

Les abeilles sont enrhumées
Elles éternuent, elles sont prostrées
Les abeilles sont enrhumées
Elles ne peuvent butiner

Aïe ! Aïe ! Aïe !
Il fait triste
Aïe ! Aïe ! Aïe !
Il fait gris
Aïe ! Aïe ! Aïe !
Ce qu’il fait froid !

« Réveille-toi gros paresseux, étire-toi, ouvre les yeux
Penche-toi vers la Terre,
Regarde, écoute la chanson des fleurs. »

Le message d’Adrien, tout en courbes et en rondeurs, a réveillé le Soleil. Il se lève du bon pied ce qui signifie qu’il est de bonne humeur. Il s’étire, bâille. Son énorme souffle, plein de braises et de lumière, disperse les nuages. Enfin il rayonne et, comme il fait trop chaud pour lui, l’hiver accepte de partir.
Aussitôt le printemps s’installe. Aussitôt les arbres, les fleurs, les herbes, tout ce qui pousse part à l’assaut du ciel. Les sources, les oiseaux, les papillons, tout ce qui coule, tout ce qui vole se met à chanter et, s’élançant hors de la ruche, les abeilles grisées par les parfums se mettent à bourdonner la chanson du miel qui parle de miel, de pollen et de soleil.

Adrien sourit, il aime particulièrement les abeilles, il les appelle « les petites fées du printemps».
Dorées comme le soleil, les petites fées d’Adrien sont les gardiennes de la vie, l’espoir des fleurs, l'espérance du monde car sans elles il n’y aurait aucune vie possible sur la Terre. Il n’y a que les industriels trop centrés sur leurs profits et les politiques qui craignent de leur déplaire pour l’ignorer et cracher sur la terre les pesticides qui tuent les abeilles.
Un printemps sans abeilles ce n’est pas un printemps, mais maintenant qu’elles sont là, que les pesticides ne les ont pas encore toutes détruites, le travail d’Adrien est terminé.
Satisfait, il range son matériel puis s’en va se reposer un peu dans son grand jardin lumineux. Il s’allonge dans l’herbe. Comme c’est agréable, comme il est doux le soleil du printemps ! 
Adrien est heureux, son métier est vraiment le plus beau métier du monde.

On le retrouvera peut-être au début de l'été qui sait, il y a tant à faire chaque saison.

©Adamante (sacem)